Libertés en Russie, libertés en France : la paille et la poutre

La France est « préoccupée » par une loi russe interdisant la propagande sur l’homosexualité, a déclaré la ministre des Sports, Valérie Fourneyron. Les appels au boycott des Jeux olympiques de Sotchi se multiplient et sont relayés par la presse bien-pensante, de Libération au Figaro, en passant par Le Monde.

De quoi s’agit-il ? D’un texte de loi promulgué en juin 2013 par Vladimir Poutine et sanctionnant tout acte de « propagande homosexuelle » devant les mineurs. Les étrangers risquent une amende de 100 000 roubles (2 300 euros) maximum, jusqu’à 15 jours de détention et l’expulsion du pays. Du point de vue des autorités françaises, la généralité du texte est potentiellement attentatoire aux libertés. Du point de vue russe, il s’agit simplement d’éviter le déferlement de propagande homosexualiste en provenance d’Occident.

Perben, Pleven : des lois françaises liberticides

La grande athlète russe Yelena Isinbayeva, qui approuve la législation de son pays, a déclaré : « Les gens normaux, les hommes vivent avec les femmes, les femmes vivent avec les hommes ». Des propos licites en Russie mais qui, s’ils étaient tenus en France, pourraient lui valoir 45 000 euros d’amende et un an d’emprisonnement. Votée en 2004, la loi Perben réprime en effet « les propos discriminatoires à caractère sexiste et homophobe ». Et c’est ainsi qu’en France on ne manquerait pas d’interpréter les libres propos d’Yelena Isinbayeva.

La loi Perben de 2004 n’est d’ailleurs qu’une extension à « l’homophobie » de la loi Pleven de 1972 qui, sous couvert de lutter contre le « racisme », a interdit, dans les faits, tout débat sur l’immigration.

Délit d’homofolie ou d’homophobie, les peines françaises 20 fois plus sévères que les peines russes !

On notera d’ailleurs que les peines prévues par le Code français de la presse sont particulièrement sévères : tenir un propos jugé « homophobe » en France peut coûter 20 fois plus cher que tenir un propos jugé « homosexualiste » en Russie et peut conduire à rester 24 fois plus longtemps en prison !

Un an de prison pour délit d’opinion (en France !)

Or, il ne s’agit pas de peines théoriques : lorsqu’ils condamnent des particuliers pour des propos jugés « racistes », « xénophobes » ou « homophobes », les tribunaux ont souvent la main particulièrement lourde. Il n’y a pas si longtemps d’ailleurs, en 2010, un homme a passé un an en prison en France simplement pour avoir publié un opuscule de 16 pages. Certes, Vincent Reynouard professe des opinions révisionnistes jugées particulièrement odieuses, il n’en reste pas moins que c’est pour un délit d’opinion qu’il est allé, cette fois en application de la loi Gayssot de 1990, en prison. Une loi Gayssot qui interdit toute critique du jugement du Tribunal militaire de Nuremberg qui « n’était pas lié par les règles techniques d’administration des preuves » (article 19 de son statut) et dont la séance inaugurale fut présidée par le général Nikitchenko, le fin juriste qui avait présidé aux Procès de Moscou en 1936. Liberté, liberté chérie…

Avec les lois Pleven, Gayssot, Perben – sans oublier la loi Taubira de 2001 sur l’esclavage – la France dispose d’un arsenal très fourni en moyens de répression des opinions dissidentes. Sa classe politique et sa classe médiatique sont donc particulièrement mal placées pour donner des leçons de liberté au monde.

La liberté d’expression, quelles limites ?

En toute logique deux points de vue sont soutenables :

  • Celui de la liberté d’expression absolue : dans ce cas il faut condamner la loi russe réprimant la propagande homosexuelle mais aussi les lois françaises Pleven, Gayssot, Taubira et Perben, d’autant plus qu’elles prévoient des peines infiniment plus lourdes que la loi russe et que le mis en examen est jugé non sur ce qu’il a dit mais sur les intentions qu’on lui prête. Ce qui relève davantage de la démonologie que de la justice.
  • Celui de nécessaires limites à la liberté d’expression imposées par le souci de maintenir le consensus social en posant des interdits ; mais alors ceux-ci dépendent des circonstances historiques et géographiques ; ils sont donc relatifs.

Ainsi est-il logique que la société marchande mondialisée et indifférenciée combatte toutes les affirmations identitaires, qu’elles concernent la nation, le sexe ou la race : c’est pour cela que, au rebours de toute leur histoire, les nations européennes se dotent de toutes de législations limitant la liberté d’expression et que tous les partis au pouvoir en France se sont entendus pour démanteler, au cours des quarante dernières années, la remarquable loi sur la liberté de la presse de 1881. A contrario, la volonté d’affirmation patriotique de la Russie conduit son gouvernement à tenter d’épargner à son pays les déferlantes de la propagande occidentale nihiliste et à protéger les principes de l’orthodoxie, religion identitaire de la Russie. À tout prendre, on pourrait même interpréter la loi russe contre la propagande homosexuelle comme un acte de résistance au politiquement correct occidental. En toute hypothèse, il n’y a aucune raison de juger plus légitimes les interdits de Taubira et de Perben que ceux de Poutine.

Les oligarques français sont donc mal placés pour donner des leçons de liberté. Seuls ceux qui militent pour l’abrogation des lois Pleven, Gayssot, Perben et Taubira sont crédibles pour critiquer les lois russes : à part Robert Ménard, cela ne fait pas beaucoup de monde ! Les autres ne sont que des Tartuffes qui devraient méditer la parabole de la paille et de la poutre qui reste plus que jamais d’actualité !

> Jean-Yves Le Gallou est le président-fondateur de la Fondation Polémia.

Related Articles

59 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • monhugo , 27 août 2013 @ 0 h 16 min

    Vous lanceriez-vous dans le commentaire vague et ambigu, vous aussi ? Histoire de vous faire approuver par quelque(s) naïf(s), n’ayant pas le temps de cliquer sur le lien fourni ?
    Venant de yagg, on pouvait s’attendre à de la “tranche de vie” bien édifiante. On n’est pas déçu.

  • monhugo , 27 août 2013 @ 0 h 35 min

    Jean-Yves Le Gallou reprend dans cet article l’un de ses chevaux de bataille.
    Lisez son remarquable ouvrage “La Tyrannie médiatique”, si ces rapides propos vous ont donné envie d’en savoir plus sur la “liberté d’expression”, dans notre ex-beau pays.
    La malade est au plus mal !

  • greg , 27 août 2013 @ 1 h 01 min

    “un texte de loi promulgué en juin 2013 par Vladimir Poutine”. Ce propos est faux, ce texte n’est pas issus d’un décret présidentiel mais est l’initiative d’une femme député de la douma fédérale qui n’est même pas Russie Unie d’ailleurs.Le texte fut adopté à l’unanimité sauf deux abstentions (il me semble), Russie Unie, Russie Juste, KPRF…

  • monhugo , 27 août 2013 @ 2 h 23 min

    Bien sûr que ce propos est juste ! Vous n’avez à l’évidence aucune idée du sens du mot “promulguer”. Poutine a promulgué cette loi, comme toutes les lois russes. Comme FH chez nous. Prérogative du chef de l’état. “Promulguer”, c’est rendre une loi applicable.
    Vous confondez avec un moment en amont, celui de l’initiative en matière de lois. En France, on distingue à cet égard le projet de loi, d’origine gouvernementale, et la proposition de loi, d’origine parlementaire.

  • greg , 27 août 2013 @ 6 h 47 min

    Merci pour vos connaissances en droit que je n’ai pas. Mes excuses au Monsieur bien évidemment, même si je ne vois absolument pas en quoi, dans la pratique, Poutine aurait fait quelques choses dans le processus de décision. Dans tous les cas, il est évident qu’il y a plus de liberté ici qu’en France, il suffit de rester deux semaines en Russie pour s’en rendre compte.

  • Sympathisant , 27 août 2013 @ 7 h 41 min

    Il faut utiliser des proxy servers situés à l’étranger pour accéder à de tels contenus sans être filtré.

    Les censeurs de la république ont des chiens de garde qui aussi ratissent la toile pour y trouver du contenu contraire à l’ordre public, et ensuite le diffuser auprès des fournisseurs d’accès internet pour qu’ils le filtrent, soit en éliminant les domaines de leur serveurs de noms de domaine (DNS), soi plus sévère encore.

    Si je publiais ici des adresses de tels proxy serveurs ils seraient eux-mêmes interdits d’accès dans les jours qui suivent … les espions des censeurs sont plus rapides que le lecteur moyen.

    NDLR : je lis Russia Today tous les jours …

  • Sympathisant , 27 août 2013 @ 7 h 47 min

    La Russie est un pays odieux où les grands-messes syndicales sont découragées, l’exercice du droit de grève rarissime, l’immigration effectivement contrôlée, et les travailleurs immigrés ont MOINS de droits que la population de souche.

    Les trains roulent à l’heure, et le vandalisme un sport presque respectable parce que vraiment dangereux.

    Qui voudrait vivre dans un tel pays ?

    (écrit depuis Moscou)

Comments are closed.