Dans la rue, journal d’un militant (janvier 2013-mars 2014) : L’espoir

Un an après la dernière manifestation de masse contre le mariage gay du 26 mai 2013, revivez ces moments ou la France a pris conscience qu’elle pouvait dire NON. À partir d’aujourd’hui, Nouvelles de France diffuse ce qui est à la fois un récit, un témoignage, un essai articulé autour de ces treize mois de mobilisation inédite et historique. Cet ouvrage unique est publié sous forme de feuilleton, que les électeurs pourront commenter à loisir au long de sa diffusion. L’intégrale est disponible sous format électronique uniquement, l’auteur ne souhaitant pas passer par les maisons d’éditions, on imagine aisément pourquoi.

Aux vieux amis, aux copains de la rue, aux hommes de bonne volonté qui y sont descendu et à ceux qui pour mille raisons, n’ont pu y descendre…

L’espoir
13 janvier 2013-24 mars 2013

Le treizième jour

Il est aux environ de midi ce 13 janvier, place Denfert-Rochereau. Gus, le chef de cortège, et ses adjoints sont déjà là depuis un bon moment. Plan de bataille en mains, ils ajustent les derniers éléments avec les autres responsables, les forces de l’ordre, et une rame de camions sono autour desquels s’affairent les techniciens. Les stands et les volontaires se préparent pour distribuer drapeaux, sifflets et vendre le célèbre sweat-shirt au logo d’une famille. C’est la première « manif pour tous » nationale. Étrange spectacle que ces groupes de gens et cette débauche de matériel au milieu d’un dimanche d’hiver et des avenues parisiennes désertes. En dehors d’eux, seules virevoltent quelques feuilles mortes rescapées de l’automne qui vient de s’achever. Il y a quelques jours une équipe de volontaires « sécurité » m’a été affectée. Je ne connais pas mes responsables et mes équipiers ne me connaissent pas non plus. Le recrutement de la manif est piloté par Constance qui jongle entre un fichier sans cesse renouvelé, les réseaux sociaux et les bandes de copains. Je dois m’occuper de l’aile droite de l’un des secteurs du cortège « DRO », c’est comme ça que nous l’appelons. Après avoir échangé quelques mots par téléphone nous nous sommes donné rendez-vous dans un café. D’une demi-douzaine d’équipiers, je me trouve par un prompt renfort avec une vingtaine de gars. Ce sont des provinciaux pour la plupart, aussi solides que joviaux. Alex, un ami de toujours est venu me prêter discrètement ses yeux et ses oreilles qu’il promènera dans le secteur.

D’un seul coup, l’atmosphère s’emplit et résonne, c’est le premier signal. Dans peu de temps, nous saurons si la manif est une réussite. Le son est puissant, l’air vibre. Ces quelques minutes avant l’heure sont les plus excitantes. Une manif, c’est un pari pour les organisateurs qui exposent des frais très importants, sans savoir si la fréquentation sera au rendez-vous et permettra de boucler le budget. Pour le trésorier, c’est un numéro de funambule. Car c’est un mouvement spontané, sans moyens ni agenda politique. Rien à voir avec les syndicats institutionnels et autres associations subventionnées qui dépensent des millions en concerts gratuits et « happenings » aux frais de la princesse, c’est-à-dire du contribuable. Les volontaires ont commencé à endosser leurs t-shirts jaune ou orange et se regrouper autour de leurs chefs. De loin, cela ressemble à des cellules, puis des grappes qui éclosent et grossissent à vue d’œil. Autour du Lion de Belfort on croirait un bouquet de jonquilles et de capucines. On s’interpelle, on s’organise autour de chaque responsable équipé d’un mégaphone, qui détaille le déroulement et précise le rôle de chacun.

Quelques dizaines de minutes plus tard, la voici. Telle la marée du mont Saint-Michel, la foule envahit soudainement la place et déborde par chaque avenue. Denfert-Rochereau, Raspail, St Jacques se remplissent. Personne n’a rien vu venir. Sur la place Monseigneur Vingt-trois donne une interview. Les gens sont au coude à coude. La cote d’alerte de l’affluence semble atteinte. La pression est telle qu’il faut démarrer sans attendre. L’organisation plie mais ne rompt pas. Pour diriger ses cortèges, le collectif s’est entouré des meilleurs. Les responsables statutaires ont fait appel à Bruno, le général Bruno Dary, saint-cyrien, 40 ans au service de la France. Il en a vu d’autres aux 4 coins de l’Afrique avec la Légion. Bruno, le plus beau des prénoms pour un soldat : c’était l’indicatif radio de Bigeard, simple appelé devenu général au fil des guerres de l’empire. Avec lui, d’autres anciens officiers de tous horizons ont rallié le mouvement : tel général de gendarmerie aux larges moustaches, tel breveté de l’Ecole de Guerre, tel ancien pilote d’hélicoptère ou ancien sapeur… Mais aussi des responsables associatifs, des chefs d’entreprise, des cadres supérieurs du secteur privé, des avocats, des médecins. Maintien de l’ordre, guerres civiles, expertises, gestion de crise, organisation, animation : Cette expérience cumulée incomparable constitue l’encadrement et le réseau régional de la manif pour tous. Avec 12% de chômage officiel, il est aisé de trouver des bénévoles. Autour d’eux se regroupent toutes sortes de bonnes volontés, d’amitiés de bar en paroissiens modèles, de club de rugby en groupes de rock et de motards, de militants d’occasion en scouts sur le retour, au total ce sont plus de 70 000 personnes qui se mobilisent à travers la France, dont 10 000 pour le seul encadrement des cortèges. La foule immense sera à l’image de ses volontaires : hétéroclite et bien plus bigarré que dans le focus des journalistes qui cherchent les serres têtes et les pantalons de velours. Le travail de coordination est colossal, assuré par Albé, Emmanuel, Baudouin et beaucoup d’autres qui prennent sur leur soirées, leurs vacances, leur temps libre. En trois paires d’heures de manifestation, se jouent des centaines de milliers d’autres heures de travail bénévole.

Enfin, les camions sonos pris dans la marée humaine sont parvenus à s’ébranler. Je suis dans le dernier secteur prévu pour le départ. Le flot continu de manifestants semble intarissable. Une invasion pacifique : Il en sort de partout, des bouches de métro, des rues adjacentes. On retrouve des amis. Ici, c’est mon vieux copain qui a fait le trajet depuis une capitale provinciale, pour la journée. Gus et ses adjoints réarticulent le cortège et me confient une équipe plus importante avec pour mission de tenir les abords du square autour duquel la foule piétine et tourne en rond. Pendant des heures s’écoule un fleuve immense, pris dans l’entonnoir de la rue Froidevaux. A cet endroit, un groupe de farceurs de chez « Jalons », derrière une banderole, déclare s’opposer au mariage hétérosexuel et distribue des tracts « les cocus sont dans la rue » et crient des slogans « non au mariage prison ». Un peu plus loin, dans l’escalier de verre de l’hôtel Ibis des policiers filment le cortège. Vers 17h on annonce plus de 800 000 manifestants. Nous comprenons que c’est un énorme succès. Tout au long du parcours, aucun policier visible. Les équipiers font la circulation. Il faudra attendre 18h30 pour que « DRO » soit dégagé des derniers manifestants. Vers 19h30 nous débouchons enfin sur le champ de mars, où le podium est déjà plié : Les discours sont terminés depuis longtemps.

La surprise a été immense lorsque nous avons appris les chiffres annoncés par la préfecture. En entendant les déclarations humiliantes notre écœurement est profond. Eux, les démocrates, les admirateurs des printemps de rue, les contempteurs des révolutions non violentes, les voilà qui se déshonorent et reprennent des éléments de langage dignes d’une dictature. Le pouvoir n’a rien compris à l’âme de la France, à ce qui fait son sel. Tout comme les français n’ouvrent plus qu’une bonne bouteille de vin de temps en temps, ils semblent moins attachés aux « valeurs traditionnelles ». Mais dans mon village, c’est la bousculade pour Noël et à Pâques. L’église déborde, le « secteur paroissial » manque de prêtres. Il en sera ainsi de la manif pour tous : voici que ce que l’on croyait vide et ruiné se remplit soudain en quelques heures.

À suivre…

Related Articles

16 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Charles , 27 mai 2014 @ 21 h 24 min

    HS mais dans la même logique de résistance face à l’empire.

    Excellente interview par TVL de Claire Severac sur la pollution industrielle
    de notre alimentation courante.

    Nous avons déjà près de 20% d’enfants diabétiques aux EUA
    et nous allons vers les 40% d’ici 30 ans.
    Entretien de 15 mn, un peu effrayant mais nécessaire pour redevenir vigilants
    sur la nourriture achetée, en particulier la viande d’élevage
    venant des animaux bourrés de produits chimiques,y compris de tranquillisants….

    NB: Martial Bild (maturité)est un bon complément de la jeune présentatrice.
    Celle ci a enfin abandonné sa queue de cheval ,remplacée par un chignon.Ouf.

    http://www.youtube.com/watch?v=EqB2FgLk_ZE

  • Cap2006 , 28 mai 2014 @ 8 h 26 min

    un an après… quelques centaines de couples homos ont souhaité rejoindre le modèle sociétale que de trop nombreux heteros bafouent tous les jours….
    Ce triomphe de la famille, de l’institution…. ne s’est toujours pas accompagné de la fin de la civilisation tant redoutée.

    pendant ce temps là … un vieux monsieur probablement fatigué reduit la souffrance des enfants victimes de la pédophilie à une simple participation à une messe noire… où l’on égorge quelques poulets en proferant des propos sataniques entre adultes consentants…

    cherchez l’erreur 😉

  • Goupille , 28 mai 2014 @ 11 h 00 min

    Mouais… L’activisme protestataire a commencé avant, par la manif du 18 novembre 2012 par Civitas, et la manif tonte de l’herbe sous le pied par la MPT la veille…

    M’enfin, bref…

  • PG , 28 mai 2014 @ 16 h 21 min

    Ce texte emphatique est ridicule : tant de cocus réunis 3 fois en 6 mois, pour rien, parce que les gens qui s’étaient arrogés le contrôle de cette protestation, les ont trahi dès le départ.
    Est-ce que Walesa négociait avec Jaruselski, comme le faisait ce fat de DUMONT avec le cabinet de VALLS ? Non il était en prison, car il s’était REELLEMENT révolté.
    En refusant d’occuper les Champs Elysées en janvier, MARITON et DUMONT son fidei commis, avec F. BARJOT en GO, ont trahi : pour MARITON, affilié à la F. M. on comprend. Mais honte à DUMONT !

  • toubib16 , 28 mai 2014 @ 18 h 04 min

    Bravo.
    J’ai cliqué sur les 5 étoiles de votre commentaire auquel je souscris à 100%.
    Toutes les dictatures (et le régime actuel en est un) ont eu leurs “moutons” quand il ne s’agissait pas de collaborateurs.
    On sait comment ils on fini !!!
    On ne pactise pas avec l’erreur ou le mensonge, on le combat.
    Quitte à finir comme eux, autant que ce soit en luttant véritablement.
    Encore bravo.

  • labolisbiotifool , 28 mai 2014 @ 18 h 44 min

    Devèze nous la refait ” c ‘ est moi le meilleur ” ! Certe vous n ‘ êtes pas mauvais , mais assez des
    couronnes de laurier , lors que vous n ‘ avez rien trouvé de mieux que virer les patriotes …
    Etes vous donc toujours Umpiste ?
    Je vous remercie de répondre , une bonne fois !

  • pg , 28 mai 2014 @ 19 h 38 min

    @labolisbiotifool
    Ne rêvez pas : un catholique conservateur ne s’excuse jamais, car il est par définition, dans le juste milieu. Donc il s’exonère de tout : il n’approuve pas le système, mais ne le combat pas vraiment, puisqu’il y vit et y fait souvent carrière par des compromis plus qu’amoraux, mais il n’est pas non plus extrêmiste, populiste, etc….. ou, injure lancée par le défunt A. DEBOER, ”néo païen”, mot commode pour disqualifier toute personne de droite nationale rivale des groupuscules et cercles de la compromission.
    Exonéré de tout par avance, il peut tout dire, tout faire, et surtout en faire le moins possible pour pouvoir continuer à s’opposer sans combattre. Avoir la figure du résistant moral, mais sans les risques du résistant combattant.
    La prison, c’est pour les cons, pas pour les conservateurs catholiques.
    Donc sur les Champs, pas de grabuge, on appelle les flics pour qu’ils tabassent les manifestants, parce que le service d’ordre de Mariton n’est pas obéi. Et le soir, beau bilan : grosse foule compressée au délà du raisonnable, mais au rapport chef DUMONT, oui M. le Ministre, j’ai rempli mon contrat, tel la police juive du ghetto de Varsovie qui aida finalement les Allemands à deporter 300 000 personnes dans l’ordre, la MPT a Valls à maintenir 1 millions de braves gens hors de toute contestation qui eut pu faire basculer le régime.
    Pas grave, M. de la Devèze, ou M. DUMONT ou tout autre fantoche : les électeurs sont moins cons que les conservateurs cathos.

Comments are closed.