Pourquoi la Fraternité Saint-Pie X ne peut que se faire régulariser !

On lit ici et là que la crise de l’Église empêcherait toute régularisation de sa situation. On affirme que les maux s’aggravant, la place de la FSSPX deviendrait fragile dans la place qui lui est due, voire inacceptable. C’est contre ce catastrophisme mortifère que nous entendons nous insurger. Il convient de répondre à certaines objections et de rappeler quelques évidences.

La crise de l’Église : vrai et faux problème. La FSSPX est née avec la crise de l’Église. C’est une litote de le dire, mais il est salutaire de le rappeler. Dès ses débuts, elle est apparue et s’est développée dans une situation complexe et compliquée. C’est en quelque sorte son ADN. La FSSPX en a conscience et ne semble pas avoir rêvé d’une situation idéale. Allons plus loin : certains attendent que l’Église soit redevenue traditionnelle, que l’Église devienne, dans tous ses recoins, l’équivalent de la FSSPX. Cela n’arrivera jamais. Même saint Pie X disait que l’Église de son temps était infiltrée de toutes parts par des modernistes. De même, le retour à la perspective d’une Église préconciliaire est aussi lourde de contresens. Comme si, dans les années 1950, il n’y avait pas déjà ce mélange de bon grain et d’ivraie… Qui ne disparaîtra pas non plus dans le cas d’un redressement dans l’Église. On veut attendre la perfection ici-bas. Elle n’arrivera qu’au Ciel… Mais la crise de l’Église ne saurait dissiper les difficultés structurelles propres à la FSSPX. On dit qu’il faut attendre et ne rien lâcher. L’évidence est là. Ne soyons pas naïfs. Qu’est-ce qui arrivera le plus vite ? Que les miasmes de l’ère post-conciliaire se soient dissipés ou bien que la Fraternité ait tourné au micro-schisme ? La réponse est assez évidente. D’un côté, il y a plus d’un milliard de catholiques répandus sur la planète ; de l’autre, quelques dizaines de milliers de fidèles de la FSSPX à travers le monde. Faut-il attendre un pape complètement traditionnel ? Mais un pape beaucoup plus traditionnel peut être suivi par un pape progressiste. On l’a vu et il y a suffisamment d’aléas pour que les figures pontificales soient forcément différentes. Alors faudra-t-il dénoncer le « contrat » ? Mieux vaut appartenir de fait comme de droit à l’Église, que les papes soient bons, médiocres ou mauvais. Les 264 papes qui se sont succédés depuis Saint-Pierre présentent des visages contrastées. Régularisation ne veut pas dire accord. Quand Mgr Lefebvre a signé un protocole d’accord en 1988, il était en désaccord sur beaucoup de points, la liberté religieuse, la collégialité, l’œcuménisme, etc. Cela ne l’empêchait pas de voir que le pasteur légitime de l’Église restait le pape.

La FSSPX n’est pas apparue en réaction au concile Vatican II. Faut-il aussi souligner que la FSSPX n’est pas un mouvement apparu immédiatement après Vatican II, de manière violente, pour marquer une désapprobation ? À la différence de la dissidence vielle catholique du 19ème siècle, qui refusa Vatican I, la FSSPX n’apparaît pas en « réaction » – sa finalité est sacerdotale –, et elle bénéficie de l’agrément des plus hautes autorités. Quand la FSSPX a été instituée, en 1969, c’est avec les encouragements de plusieurs princes de l’Église. Que je sache, Mgr Lefebvre ne fut pas excommunié ou suspens en 1965, ni même en 1969. À l’issue du concile, dont il vota la plupart des textes, il demeura en régularité canonique. Ce n’est que par la suite, avec la question liturgique que les choses se compliquèrent et que la FSSPX fut privée d’existence légale dans l’Eglise, dans les conditions que l’on connaît. Ces débuts de la FSSPX ne doivent pas être oubliés.

En plus haut-lieu, la FSSPX souhaite un accord en raison du danger évident d’une séparation prolongée. Mgr Fellay est conscient de la dérive d’une séparation qui s’aggrave avec le temps. Le zèle amer, l’incapacité à obéir, les descriptions caricaturales se développent. Dans la lettre qu’il écrivait aux trois autres évêques de la FSSPX en 2012, Mgr Fellay affirmait que ce sont ces messages caricaturaux qui l’incitaient à trouver rapidement un accord : « cette caricature n’est plus dans la réalité et elle aboutira logiquement dans le futur à un vrai schisme. Et peut-être bien que ce fait est l’un des arguments qui me pousse à ne plus tarder à répondre aux instances romaines. » Quelques années plus tôt, dans une éditorial de la revue Fideliter intitulé : « le danger des sacres », l’abbé Laurençon, alors supérieur du district de France de la FSSPX écrivait : « si les catholiques de Tradition n’avancent pas, s’ils ne sont pas dynamiques, entreprenants, déterminés, alors ils s’étioleront doucement comme une petite secte piétiste (…). Enfermés dans le train-train traditionaliste, nous risquons de perdre le sens et l’amour de l’Eglise. Car, depuis 30 ans, la hiérarchie catholique ne nous a réservé que trahisons, démolitions, avanies. Avec une totale bonne foi et une entière bonne volonté, nous avons espéré être écoutés, être aimés par nos pères dans la foi. Nous demandions du pain, nous n’avons reçu que des pierres. Alors, puisque nous avons tout par nous-mêmes, dans notre propre circuit, le découragement risque de nous conduire à nous replier sur nous-mêles, à nous désintéresser du sort de l’Eglise actuelle, à dire : “Qu’ils détruisent l’Eglise, s’ils le veulent ! Moi, j’ai ma messe, mes prêtres, ma chapelle. ” » (Fideliter, n°124, juillet-août 1998, p. 2-3) Avec le temps, les distances se développent et le fossé se creuse sur fond d’isolement croissant. Une FSSPX repliée sur elle-même, exposée à la tentation de multiplier les dénonciations inaudibles et de se satisfaire de ne pas être touchée par la crise ambiante : voilà ce dont ses adversaires les plus farouches rêvent.

Les discussions constantes avec Rome. On ne peut nier que depuis 1976, les discussions ont été régulières. Y compris dans les années les plus sombres. Mgr Lefebvre a toujours gardé des contacts avec Rome. En 1981 comme en 1988. Ses continuateurs ont fait de même. Mgr Fellay a rencontré Jean-Paul II (en 2000), puis Benoît XVI (en 2005). Sous le pontificat de ce dernier des discussions furent menées. L’échec de 2012 n’a pas mis fin aux discussions, ni même aux relations. Enfin, le récent pontificat, au delà de ses aléas, n’a pas mis fin aux contacts. Mieux: sous l’égide du cardinal Müller, préfet pour la Congrégation de la doctrine de la Foi, un entretien a eu lieu et Mgr Pozzo, secrétaire de la commission pontificale Ecclesia Dei, a confirmé le souhait d’arriver « par étapes » à une régularisation de la FSSPX. Ce dernier a indiqué que la FSSPX pouvait continuer à garder ses réserves à l’égard de certains éléments non doctrinaux, mais que l’on qualifie prudemment de prudentiels. Il a, en effet, clairement précisé que « le dépassement des difficultés d’ordre doctrinal ne signifie pas que les réserves ou les positions de la FSSPX sur certains aspects qui ne relèvent pas du domaine de la foi mais qui concernent des thèmes pastoraux ou d’enseignement prudentiel du Magistère doivent être nécessairement retirées ou annulées par la Fraternité ». Autant dire que tout ce qui s’est fait après Vatican II ne saurait avoir une portée doctrinale. Cela aurait pu être dit plus clairement sous le pontificat Benoit XVI ! Curieusement, il faudra ce pontificat pour comprendre que non seulement tout n’est pas doctrinal, sous le « régime » post conciliaire, mais que tout n’est pas magistériel. Le seul point exigé par Rome de la FSSPX est le respect du pontife romain. Ne pas demander cela c’est permettre à l’avenir une contestation tous azimuts. C’est rendre impossible la restauration de l’autorité dans l’Église.

La résistance aux nouveautés tient essentiellement à nous. Si les missionnaires avaient pensé qu’ils seraient étouffés en se lançant dans les nouveaux univers à explorer, ils ne seraient jamais partis. Leur force résidait en Jésus-Christ. Mgr Lefebvre lui-même n’a pas fondé la FSSPX en dehors du cadre légal de l’Église. S’il a été condamné, il ne l’a jamais désiré et ne s’est jamais résigné d’une situation irrégulière. S’il avait pu, il aurait arraché la reconnaissance qui est due aux fils d’Église. Il est tragique qu’avec le temps certains des siens soient en recherche de cette indépendance. Le but n’est bien sûr pas de freiner l’élan de restauration dans l’Église mais il faut tout mettre en œuvre pour la favoriser sous l’égide des pasteurs légitimes. Demeurer dans l’inaction ou poser des entraves à un retour à la normale est déjà coupable. Jamais Mgr Lefebvre ne s’est aventuré dans ces eaux là.

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67 Comments

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  • 0 / 10
  • berrhy , 27 octobre 2014 @ 15 h 47 min

    La renonciation de Benoît XVI est-elle valable d’un point de vue canonique?
    C’est le genre de question que les catholiques refusent de se poser. Ils ont trop peur de la réponse.
    L’Eglise décide d’un seul coup la canonisation ou la béatification de 3 papes successifs,ce qui est sans précédent en 2000 d’histoire. Comme par hasard ces 3 papes sont liés à Vatican II, mais encore une fois: surtout ne pas se poser de question.

  • eric-p , 27 octobre 2014 @ 15 h 50 min

    À toute fin utile, je précise que je ne suis pas lefebvriste (j’étais même
    hostile à ce mouvement à une certaine époque !)
    avant de me rendre compte que Vatican II introduisait un certain nombre de “loups” dans la bergerie idéologique de l’église.

    Le mouvement lefebvriste ne se limite pas à une lutte pour le maintien du rite tridentin. Ce serait trop facile…

  • borphi , 27 octobre 2014 @ 16 h 26 min

    Puisse l’ecclésial remplacer le caricatural dans ce débat bien trop clivant !
    Merci pour cet article haut en couleur.

  • Raphaël , 27 octobre 2014 @ 16 h 41 min

    Ayant récemment demander le baptême à la FSSPX, celle-ci vient de me donner deux leçons de catéchisme en deux semaines. Simple constat : j’ai appris 100 fois plus de choses sur la Foi catholique ( la nature de Dieu, la prière, la vie spirituelle, la Foi moins comme sentiment et plus comme raison et acceptation volontaire de la Révélation etc… ) qu’en un an de catéchuménat auprès du service diocésain officiel.
    Conclusion : 50 ans après Vatican II, si vous voulez obtenir une formation catholique solide, c’est toujours à la FSSPX qu’il faut s’adresser !
    Surpris également par l’accueil extraordinaire que m’ont réservé les prêtres et les fidèles de la FSSPX : on est loin de la réputation de “pharisiens” et “d’aigris sectaires” qu’on leur donne. Finalement “l’ouverture d’esprit” n’est pas dans le camp qu’on croit…
    Dieu bénisse l’oeuvre de Mgr Lefebvre !

  • Doudounoswski , 27 octobre 2014 @ 18 h 13 min

    Je partage les idées de cet article. Les intérêts sont réciproques entre le Vatican et la FSSPX, mais pas forcément les mêmes. Le fond du problème c’est Nostra Aetate, que la FSSPX en apparence rejette, mais en pratique alimente et soutien très bien. Lisez les articles de la Porte Latine. Cela arrange bien le Vatican dans l’application de cette déclaration conciliaire.

  • Trahi , 27 octobre 2014 @ 19 h 17 min

    Non, Monsieur, on l’a obligé, ce n’est pas pareil! Pour mettre à ça place le 112ème, celui qui facilitera la chute de l’église. 2017 une drôle d’année.

  • Gisèle , 27 octobre 2014 @ 19 h 31 min

    @eric-c Je ne critique pas , je constate .
    Mes deux aînés ont été confirmés par monseigneur Lefebvre .
    J’étais jeune , j’étais même catéchiste dans ma paroisse depuis 4ans . Quand le catéchisme Pierre Vivante est arrivé , j’ai laissé tomber et je me suis même un peu opposée à notre curé . J’étais aussi à la manifestation à Nantes pour défendre les écoles libres .
    Depuis , la vie m’a pas mal bousculée . J’ai mûri , et je réagis différemment face à la ” niaque ” parfois mordante de certains
    * plus que tradis * . Il y a des jugements qui vont trop loin et qui me blessent , en ce qui concerne les Papes qui ont succédé à Pie XII . Si vous entendiez ce que j’entend …
    Quant au concile , je sais pertinemment qu’il a été tronqué par certains évêques français , un peu de la même manière que ce que l’on a pu observer ces jours derniers .
    Dimanche j’étais à la Messe à l’église de mon village . La Messe était concélébrée par notre prêtre de secours , en retraite , âgé de 84 ans ( que Dieu nous le garde , car 7 clochers pour un seul curé ) et par un jeune prêtre en vacances . Ce jeune prêtre ( 18 mois de sacerdoce ) était en soutane . Il venait du diocèse de Vannes . Il a discuté avec nous . Les jeunes veulent se démarquer et être vus . Il nous a fait remarquer que les gens leur courent après . Alors laissons faire l’Esprit Saint . Il sait ce qu’il doit faire et comment il doit le faire . L’essentiel est que le feu couve sous la cendre et attend le souffle qui le ranimera . Le souffle … pas l’orage … pas la tempête .

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