Pologne : funérailles surprenantes du dernier dictateur communiste

Le général Jaruzelski, auteur de l’état de guerre en Pologne en décembre 1981, est mort le 25 mai à l’âge de 91 ans.

Le dernier dictateur communiste en Pologne, qui n’a rendu le pouvoir en 1990 aux instances démocratiquement élues que contraint et forcé, aura le droit aux funérailles nationales avec les honneurs dus à un ancien Président de la République.

Cette décision, très contestable, du Président Komorowski, divise profondément l’opinion publique en Pologne.

Le général Jaruzelski a eu un passé peu glorieux. Dans la deuxième moitié des années 40, il a participé à la lutte sans merci contre la résistance anticommuniste. À partir de 1946 et pendant 10 ans, il fut agent des Renseignements Militaires, réputés pour leurs méthodes particulièrement brutales dans leur lutte sans merci contre toute opposition à l’égard du nouveau régime communiste.

Devenu Chef d’État-Major et ensuite ministre de la Défense, il a organisé une purge antisémite au sein de l’Armée en 1967. L’année suivante, il a participé, avec un zèle particulier, à l’invasion de la Tchécoslovaquie (opération « Printemps 68 »).

Co-responsable de la répression sanglante contre les grévistes des chantiers navals en 1970, il est arrivé au sommet du pouvoir en 1981, devenant le Premier secrétaire du parti, dans une Pologne en pleine rébellion contre la dictature communiste.

Le 13 décembre 1981, Jaruzelski a mis en place l’état de guerre pour écraser le syndicat indépendant « Solidarité », et étouffer les aspirations à la liberté de la nation polonaise. Une chape de plomb s’est abattue une nouvelle fois sur la Pologne.

Mais le général a sous-estimé la détermination de ses concitoyens. Peu à peu, une résistance clandestine s’organise, de dizaines de journaux interdits circulent sous le manteau, des manifestations et des actes de résistance de toutes sortes se multiplient. Le pouvoir communiste perd progressivement le contrôle du pays et se trouve contraint de négocier avec l’opposition, dans l’espoir de trouver une solution pour se maintenir au pouvoir. De nouveau débordés par les résultats des premières élections législatives semi-libres, les communistes n’ont d’autres choix que de passer la main. Le 28 octobre 1989, la comédienne polonaise Joanna Sczepkowska déclare au cours du journal télévisé la fin du communisme en Pologne, avec un sourire radieux et un éclat de rire.

Accusé d’avoir dirigé « une organisation criminelle armée », Jaruzelski a adopté une ligne de défense basée sur la théorie du « moindre mal », prétendant que l’état de guerre avait permis à la Pologne d’éviter une intervention militaire soviétique.

Mais cette théorie ne tient pas la route. Les Russes eux-mêmes ont publié des documents indiquant qu’ils n’avaient pas l’intention d’intervenir militairement en Pologne en 1981 et qu’ils l’avaient fait savoir à leurs camarades polonais. L’Union Soviétique, empêtrée dans le bourbier afghan, n’avait aucune envie d’ouvrir un deuxième front en Pologne.

De surcroît, les documents russes indiquent que c’était le général Jaruzelski lui-même qui sollicitait leur aide, sans succès.

Finalement, Jaruzelski et les autres responsables communistes n’ont jamais été condamnés pour leurs crimes. Après avoir fait traîner la procédure pendant des années, la justice polonaise a annulé les poursuites contre le général Jaruzelski pour « raisons de santé ». La Pologne libre n’a jamais achevé le processus de décommunisation et n’a pas demandé les comptes à ceux qui dirigeaient le pays pendant les années sombres du communisme.

Jaruzelski sera inhumé, avec les honneurs dus à un ancien chef d’État, vendredi prochain. Mais, chose étonnante, le triste général a demandé in extremis à recevoir le Sacrément des malades et ses funérailles officielles débuteront par une messe.

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25 Comments

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  • eric-p , 1 juin 2014 @ 18 h 18 min

    Le Gal Jaruselski a bénéficié d’une relative mansuétude des nouvelles autorités à la suite de la chute du communisme.
    Ce droit su “Pardon” a été confirmé par Lech Walesa en personne lorsqu’il était président de la république polonaise. Pourquoi ?

    Tout simplement parce que les autorités n’avaient pas les moyens de se lancer dans une chasse aux sorcières !

    Tous les pays procèdent ainsi depuis fort longtemps:

    -Les autorités françaises ont épargné de nombreux “collabos” en se contantant de s’attaquer aux cas les plus évidents (Pétain, Brasillach,Laval,…)ou aux personnes les plus vulnérables.
    Les autorités françaises (ou belges) n’ont pas fait preuve de beaucoup de zèle pour récupérer certains collabos réfugiés en Espagne…et les autorités espagnoles post-franquistes non plus ! Louis Darquier de Pellepoix et Léon Degrelle sont morts dans leur lit…

    -La dénazification en Allemagne n’a été que partielle et les “chasseurs de nazis officiels”
    ont eu beaucoup de mal à les faire condamner….quand ils y sont parvenus.

    -Le tribunal de Nuremberg a relativement épargné un certain nombre de “notables” du régime nazi (Speer, Dönitz, etc…)parfois pour des raisons peu avouables.

    -Les oligarques communistes n’ont à ma connaissance jamais été inquiétés à l’exception des
    Ceaucescu en Roumanie.

    -Les USA ont été relativement “sympa” avec Klaus Fuchs (qui livra les secrets de la bombe A aux russes ). Il n’est pas certain que les autorités américaines soient aussi indulgentes avec
    Snowden !

    -Les autorités algériennes ont également été relativement indulgentes avec les militants du
    FIS pour des raisons politiques (Loi d’amnistie ).

  • monhugo , 1 juin 2014 @ 20 h 34 min

    LSB relaie l’info selon laquelle Jaruzelski se serait converti, et aurait reçu l’extrême-onction. Article en espagnol en faisant état :
    http://www.gaceta.es/cigona/fallece-general-jaruzelski-seno-iglesia-27052014-1003

  • patrick Canonges , 1 juin 2014 @ 21 h 59 min

    Selon le père Jacek Dunin-Borkowski, professeur de théologie au séminaire de Varsovie, l’extrême onction du général Jaruzelski, inhumé le 30 mai au cimetière militaire de Varsovie, pourrait ne pas avoir de validité aux yeux de l’Eglise catholique. “En tant que meurtrier, il était sous le coup d’une excommunication”, écrit le prêtre sur son compte Twitter.

  • eric-p , 3 juin 2014 @ 11 h 22 min

    Quels meurtres ?
    Il n’a jamais été jugé !
    À ma connaissance, il n’a même pas été inculpé pour quoi que ce soit.
    (Ça ne veut pas dire pour autant que je soutiens Jaruselski, hein !)

    Pour la petite histoire, d’autres dictateurs ont bénéficié d’obsèques religieuses
    bien qu’impliqués dans des crimes d’Etat (Pinochet)…

    On a même vu un pape récent accorder des obsèques religieuses à Michel Baroin
    (Franc-mak ),

    on a également vu des obsèques religieuses accordées à des suicidés
    (Kate Barry),etc…

    On a même accordé des obsèques religieuses à Lucien Neuwirth, c’est dire !

    La position de l’église catholique n’est pas forcément très cohérente….

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