Mariage gay : le marché, c’est plus fort que toi

La nouvelle n’a fait à peu près aucun bruit dans les monuments de la presse française. Un timide article du Figaro évoque cependant l’affaire, avec un titre factuel : le salon du mariage gay tourne au fiasco. Et même si l’information de base est sans grand intérêt, ce qu’elle implique mérite mieux qu’un entrefilet dans un canard subventionné.

Avant d’analyser pourquoi, revenons en quelques lignes sur le désastre.

Je parle désastre car c’est bien d’un désastre qu’il s’agit : le salon du mariage gay, qui se tenait à Paris le samedi 22 juin, a eu toutes les peines du monde à intéresser la population, malgré une publicité d’enfer, une promotion de la part de célébrités plus ou moins en vue (dont Pulvar, la frétillante journaliste de la gauche riche qui aime les pauvres), malgré des montagnes de petits-fours, de champagne et de bons sentiments. Le salon n’a compté, au mieux, que 150 visiteurs. Les exposants, qui avaient payé fort cher (plusieurs dizaines de milliers d’euros) leur emplacement pour un stand sur place, en seront pour leurs frais. Un bijoutier, sur place, pète festivement un câble :

« Il n’y a toujours pas un chat. En quarante ans de métier, je n’ai jamais vu ça. J’ai investi 30.000 euros et je n’ai vendu qu’une seule paire d’alliances… à des hétéros! »

C’est effectivement un peu rageant d’avoir fait tout ce battage et de n’en tirer qu’une attention minimale. Voire inexistante : l’organisatrice du salon, Sandra Bibas, pour expliquer le fiasco de fréquentation de son salon, évoque « des soucis avec les homophobes » ; elle a probablement raison, du reste : elle s’attendait à avoir la visite d’une trentaine d’opposants qui, en pénétrant dans le salon, aurait probablement tout saccagé et fait parler de l’événement (je vous le rappelle : les opposants au mariage homosexuel sont tous homophobes, et sont tous violemment opposés au point de se munir de battes de base-ball et de casser des vitrines) ; manque de bol, ou d’intérêt (ou emploi du temps trop chargé ?), les casseurs homophobes tueurs de chatons conservateurs anti-mariage homosexuel méchants n’étaient probablement pas au courant et ne sont pas venus. Il n’y a donc eu aucun débordement, de nulle part : aucun débordement de haine homophobe, aucun débordement de journaliste, aucun débordement de client, aucun débordement d’amour homosexuel, rien. Le seul débordement constaté fut celui d’ennui des vigiles et des exposants.

En fait, l’événement est passé totalement inaperçu. Ce qui devrait ravir Marie, 48 ans, qui explique justement au journaliste du Figaro que son espoir, en tant que lesbienne, « c’est de devenir transparente, considérée comme les autres. Ce jour-là, on pourra vraiment parler de mariage pour tous. » Eh bien cet espoir s’est réalisé sur toute la ligne, vu le fiasco du salon, devenu à ce point transparent que la déroute n’est presque plus évoquée dans un article du Monde qui frise l’inutile.

Il faut avouer, cependant, que toute l’opération ne pouvait aboutir qu’à ce résultat.

En effet, si l’on se reporte simplement à quelques statistiques de base, on comprend que le mariage homosexuel ne peut intéresser, directement, qu’une population extrêmement restreinte. Ainsi, en 2010, il y a eu 250 000 mariages constatés, et sur les 200 000 PaCS formés, 9 143 furent homosexuel (soit 4,5% du total et 2% des unions civiles). D’autre part, le salon annuel du mariage (mariage traditionnel, dirons-nous), à Paris, rassemble 10.000 personnes environ. Un simple ratio amène donc à penser que la catégorie du mariage homosexuel devrait drainer environ 10 000 x 2% , soit 200 personnes, disons 300 et n’en parlons plus. Les 150 personnes constatées lors du premier salon sont, finalement, un bon démarrage pour un événement bien médiatisé et capable de toucher, selon cette statistique, à peu près le double de personne en rythme de croisière.

En pratique, on comprend que le marché, c’est plus que fort que la publicité brute et les mouvements de mode éphémères. Le constat est indubitable: aller dans une manifestation de soutien pour le mariage homosexuel ne coûte à peu près rien et n’engage pas de frais conséquents. Envisager sérieusement son mariage s’inscrit dans une démarche financière coûteuse. Il ne peut y avoir équivalence entre les groupes qui participent aux premières et les groupes qui sont susceptibles d’aller au second.

Ce fiasco mémorable (et assez rigolo devant l’impéritie de l’organisatrice) montre aussi que la population homosexuelle n’est pas, en moyenne, différente des autres populations : quelques associations qui disent les représenter sont particulièrement vocales et visibles, mais la réalité de terrain est qu’assez peu de couples veulent s’afficher aussi clairement que lors d’un mariage, et encore moins sont prêts à aller dans un salon dédié.

En outre, par effet de bord, cela montre qu’avec 150 personnes vaguement intéressées par le mariage homosexuel et prêtes à mettre de l’argent en jeu sur cet intérêt, on est assez loin de la déferlante sociétale qui balaierait tout sur son passage. Plus probablement, dans les grandes villes françaises, il y aura quelques mariages homosexuels de temps en temps, et c’est tout. L’impact social effectif de ce changement-ci risque d’être faible ou anecdotique (les conséquences indirectes que sont l’adoption ou la gestation assistées, souvent rappelées par les opposants, sont encore très hypothétiques).

Il reste donc un décalage particulièrement puissant entre les manifestations populaires nombreuses et très larges qui occupèrent les opposants au mariage homosexuel, et la réalité de terrain qui semble n’intéresser qu’une partie microscopique des Français. Et ce décalage n’aura quasiment pas été exploité par une droite officielle complètement larguée, en rase campagne, par des Manifs Pour Tous dans lesquelles elle avait un mal de chien à seulement exister. Cela montre d’ailleurs à quel point cette droite française n’est pas conservatrice, ou en tout cas pas beaucoup plus que la gauche. Sur ces questions sociétales, elle apparaît marginalement différente du PS, à tel point qu’elle n’arrive plus à rassembler. De ce point de vue, l’équivalence règne entre les deux grands partis politiques qui nous offrent une guéguerre Pepsi/Coca-Cola sans intérêt.

Pendant ce temps, à l’évidence, une partie du peuple réclame des alcools forts (quels qu’en soient les goûts, les bords et les raisons). Et lorsque la demande est totalement insatisfaite, elle finit tôt ou tard par changer, brutalement, de crèmerie.

J’ai du mal à imaginer que ce sera pour le meilleur.

> h16 anime le blog hashtable. Il est l’auteur de Égalité taxes bisous.

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35 Comments

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  • 0 / 10
  • SRJ , 1 juillet 2013 @ 1 h 26 min

    1/ C’est amusant parce que sans vous en rendre compte, en 2 phrases vous vous contredisez et allez donc dans mon sens : “avant cette loi deux hommes ou 2 femmes ne pouvaient pas se marier ensemble”. Exactement. Deux hommes ou deux femmes, pas deux “homosexuel(le)s. L’orientation sexuelle n’a donc absolument rien à voir là-dedans. L’argument de “l’égalité” est donc inepte, il s’agit bien d’une supercherie.

    2/ N’essayez pas de me faire jouer le mauvais rôle, ce sont les parents auto-proclamés de ces gamins qui, ayant contourné la loi de manière parfaitement consciente, font (ou faisaient) subir le vide juridique à leurs gosses. C’est d’un égoïsme crasse. Votre argument revient à dire “puisqu’il y a des certaines personnes qui ne paient pas leur parcmètre alors il faut supprimer les parcmètres”. Ça s’appelle raisonner à l’envers. Les personnes qui sont allées fabriquer des gamins en Espagne ou en Belgique alors qu’ils savaient que leur situation tombait, en France, dans un vide juridique, sont des irresponsables hypocrites qui mériteraient a minima une amende en bonne et due forme.

    3/ “Adultère, PMA, adoption: la filiation biologique est rompue.”

    Je sais bien, et c’est bien dommage. Ça date du cassage de la présomption de paternité il y a déjà des années, qui représentait finalement le véritable sens du mariage. Je me bats aussi contre ça, car c’est déjà une aberration.

    4/ Je suis contre la PMA de manière absolue, quel que soit le type de “couple”. C’est une monstruosité, il faut savoir accepter sa nature et si l’on est stérile, vivre avec (on revient à l’aspect démiurgique du discours pro “mariage” gay dont je parlais dans mon commentaire précédent). C’est triste certainement, mais c’est la vie. N’ayons pas la prétention de vouloir tout maîtriser.

    “ET pour la GPA, c’est dans votre imagination.”

    Et la première version de la loi Taubira, c’est mon imagination peut-être ? Si la PMA est donnée à tous les types de couples, alors la GPA le sera aussi, au nom de “l’égalité”. C’est de la simple logique, et ça n’a rien d’une vue de l’esprit.
    D’autre part, qu’entendez-vous par “réglementer la GPA” ? Oui, un couple trouvera toujours une mère porteuse s’il la cherche, tout comme un chauffard pourra toujours rouler à 200 km/h sur l’autoroute s’il le cherche, ce n’est pas pour autant qu’il faut le tolérer. Ces “techniques” dont vous me parlez sont de toute manière complètement contingentées à une société pour laquelle l’énergie est abondante. Et quand ça ne sera plus le cas ? Bref, on joue à Frankenstein, et ce n’est pas parce que l’on “peut” que l’on “doit”.

    “Quant aux mots inventés, ils concrétisent des actes et des comportements.”

    Comportements qui existent depuis la naissance de l’humanité… pourquoi alors cette sémantique si récente sur le sujet ? J’ai bien mon idée sur la question, mais la question mérite qu’on y réfléchisse, c’est le moins que l’on puisse dire…

  • Yaki , 1 juillet 2013 @ 7 h 04 min

    Je vous aurez dit que des homosexuels ne pouvaient pas se marier, vous m’auriez dits que si, mais pas ensemble.
    Allez, “bonne” mauvaise foi.

  • SRJ , 1 juillet 2013 @ 22 h 06 min

    Bis repetita: deux hommes ou deux femmes, pas deux homosexuel(le)s. La preuve : maintenant Hollande et Sarko peuvent se “marier”, rien ne les en empêchent légalement. Je n’ai pourtant pas connaissance en ce qui les concerne d’une sexualité qui ne soit pas “hétéro normée”.

    J’ai déjà entendu cette réponse de la “mauvaise foi” après avoir exposé mon raisonnement ; il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir… C’est de la pure logique, ça n’a rien à voir avec une histoire de “foi”.
    Il ne me reste plus alors qu’à vous souhaiter une bonne dissonance cognitive j’imagine.

    Bien à vous,

  • Yaki , 1 juillet 2013 @ 22 h 32 min

    A votre niveau ce n’est plus de la mauvaise foi, mais de la connerie.

    Le mariage n’est pas “marie écarte les cuisses que j’ éjacule pour qu’un lardon en sorte dans 9 mois”

    Le mariage, c’est aussi de l’amour, un projet de vie en commun,des échanges, etc.
    Les couples homos sont comme les hétéros pour les sentiments, les projets de vie en commun, des échanges, etc.

    Et si je suis votre logique : le mariage c’est un homme et une femme, pas deux hétérosexuels, donc on marie 2 homos de sexes différents, qui ne vivent pas ensemble, et hop le tour est joué, SRJ est tout content, tout heureuse. Le monde, il est merveilleux.

  • SRJ , 2 juillet 2013 @ 20 h 34 min

    Votre raisonnement pulvérisé, votre seule échappatoire se trouve donc dans les insultes. Triste. La violence est bien l’arme des faibles. Un peu comme ce gouvernement qui en est réduit à demander aux flics de mettre en GAV (voire en prison) des militants pacifiques. Vous êtes bien dans le même camp, y a pas de doute !

    “le mariage c’est un homme et une femme, pas deux hétérosexuels, donc on marie 2 homos de sexes différents”

    Parfaitement, comme cela s’est fait des centaines de fois depuis que l’institution du mariage existe. De combien de cas d’hommes mariés avec enfants et décidant de tout plaquer pour… un homme du jour au lendemain n’avons-nous pas déjà entendu parler ?

    La propagande a semble-t-il tellement bien fait le travail sur vous que vous êtes dans le déni le plus total.

    “SRJ est tout content, tout heureuse.”

    Tout heureuse dites-vous ? Bigre ; le quiproquo est amusant en la circonstance. :)

  • Yaki , 2 juillet 2013 @ 21 h 21 min

    Et vous trouvez bien que des homosexuel-le-s vivent dans le mensonge pour faire des enfants ?
    Je ne savais pas que les conservateurs étaient pour l’infidélité et le mensonge.

    Mais vous esquivez les relations amoureuses, sentimentales, etc. qui se crée au sein d’un couple. Seule la procréation semble votre préoccupation dans le mariage.

  • Banro64 , 2 juillet 2013 @ 23 h 18 min

    Je ne comprends pas que vous continuiez à converser avec ce Yaki qui ne sort que des inepties.
    Si vous ne lui répondez pas il finira par comprendre (j’espère) et ne commentera plus !

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