La stratégie du chaos

BREXIT

En évoquant à propos du Brexit, “la stratégie du chaos”, la présidente du Front national, Marine Le Pen, a parfaitement compris que les dirigeants actuels de l’Union européenne, la hargne au cœur, vont tenter de tout faire pour que les Anglais payent très chèrement leur audace de sortir de l’UE et rendre leur divorce le plus douloureux possible. Ils veulent déjà démontrer aux autres peuples, pour qu’ils ne puissent plus jamais envisager la moindre sortie, que l’on ne peut quitter l’UE sans dommages et intérêts. Mais ce pari est risqué et jouer avec le chaos pourrait avoir l’effet contraire… Dur, dur, d’être euro béat, aujourd’hui !

Sidérés, vexés, ayant reçu une gifle magistrale, le ressentiment des gouvernants européistes est d’autant plus grand qu’ils ne croyaient pas vraiment à la possibilité de voir le peuple britannique voter à 52 % pour un “out”. Jusqu’au dernier moment, tous les sondages faisaient croire, dans les mêmes proportions, l’inverse. Grosse déception ! Le décalage de plus en plus profond, qui se creuse entre les élites et les peuples, se vérifie encore une fois. Les résultats confirment ce fossé : à part, Londres, L’Écosse et l’Irlande du Nord, qui ont voté pour le maintien dans l’UE, toute l’Angleterre a voté contre. C’est dans les secteurs les plus populaires ou les endroits les plus oubliés, que le “out” obtient les plus gros pourcentages ; neuf secteurs (anciens bastions de gauche) ont voté pour la sortie de l’UE, à plus de 70 % ! Même en périphérie de Londres, comme à Thurrock, avec 72 % !

Le 23 juin 2016 restera dans l’histoire de la construction européenne comme un jour à marquer d’une pierre noire ou blanche, selon que l’on est pro-européen ou pro-Brexit. Pour les plus lucides, il s’agit maintenant d’être très pragmatiques. Et ceux qui continuent à croire à l’UE doivent en rectifier le tir (bon courage !) et retenir les leçons de leurs échecs, plutôt que de chercher à rendre la vie impossible à leurs adversaires. Comme le dit si bien Romano Prodi, c’est clair : “La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne est un signe alarmant pour tous les dirigeants européens […] Il n’y aura pas d’effet domino. Mais la maladie va progresser lentement si on ne développe pas une nouvelle politique européenne”. Il sait de quoi il parle, puisqu’il a été président de la Commission européenne de 1999 à 2004…

Les peuples ne sont pas idiots et n’ont pas besoin des conseils “éclairés” d’un ancien eurocrate. Ils constatent par eux-mêmes, depuis longtemps, que l’Union européenne est une structure politique qui fonctionne mal. Et que, quand elle fonctionne, c’est d’abord contre eux ! Ils peuvent aisément comptabiliser les reculs sociaux, identitaires et culturels, infligés par l’UE depuis sa création, alors qu’elle devait leur apporter joie et prospérité. Économiquement, le désenchantement est sans appel : la zone euro est la moins performante du monde et ça ne s’arrange pas. Les prévisions de la croissance pour 2017 (BCE et FMI) viennent d’être revues à la baisse et passent de 1,6 à 1,3… On pourrait peut-être se poser la bonne question : les institutions et les règles mises en place dans la zone euro pour gérer la monnaie et encadrer les politiques budgétaires nationales sont-elles appropriées ? Pour le reste, les peuples vérifient quotidiennement, que l’Union européenne, à part leur infliger toujours plus de normes contraignantes et inadaptées, ne leur apporte rien. Elle leur enlève, plus précisément, toujours plus de liberté et de souveraineté.

La désintégration de l’Europe, qui se voulait fédérale, est enclenchée. La France, qui a mille fois plus de raisons de sortir du carcan européen que le Royaume-Uni, ferait bien d’y réfléchir. Alors, le Frexit, c’est pour quand ?

Related Articles

4 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Gisèle , 30 juin 2016 @ 0 h 20 min

    ORDO AB CHAOS …..stratégie du Nouvel Ordre Mondial .
    Avez vous remarqué le retournement de François Hollande, dans sa réponse au Brexit ?
    Au départ, il était le seul à exprimer son désaccord à la sortie du Royaume Uni .
    Puis, en sortant de la réunion à trois, il s’était rallié à l’avis de Merkel : une sortie rapide .
    Ils ont peur .

  • Droal , 30 juin 2016 @ 7 h 26 min

    Richard Nixon dans son livre « Leaders » rapporte : « Quand je visitai la France en 1969, de Gaulle me livra cette réflexion caractéristique : “ Je fais la politique pour les journaux d’après-demain. ” »

    Aujourd’hui, c’est demain et « après-demain », c’est la politique française qui a été menée au « nom du peuple français », de 1958 à 1969.

    De Gaulle affirme à Saint-Brieuc, le 8 septembre 1960 :

    « On verra bientôt, lorsque les peuples se parleront et coopéreront, que les idéologies – toutes idées passagères et mortelles – ne tiennent plus à grand-chose alors que les nations demeurent. » (Inédit, d’après le Monde du 10 septembre 1960.)

    Le 16 mai 1962, à la suite de la prise de position du Général sur l’Europe, les cinq ministres M.R.P. du gouvernement démissionnent (Pierre Pflimlin, Joseph Fontanet, Robert Buron, Maurice Schuman, Paul bacon), François Mauriac écrit, dans « De Gaulle » :

    « Je ne crois pas que rien lui inspire plus de mépris que ce besoin, que cette idée fixe chez certains Français de noyer la France devenue faible et petite, dans un grand ensemble (l’€urope) où elle deviendrait en quelque sorte invisible. »

    Dans « Mémoires d’espoir » :

    « À quelle PROFONDEUR D’ILLUSION ou de parti-pris faudrait-il plonger, en effet,
    pour croire que des nations européennes,

    forgées au long des siècles par des efforts et des douleurs sans nombre,

    ayant chacune

    sa géographie,
    son histoire,
    sa langue,
    ses traditions,
    ses institutions,

    pourraient cesser d’être elles-mêmes et n’en plus former qu’une seule ? »

    L’abîme de l’illusion dans lequel sont en train de sombrer les soixante-huit tard – très tard même – est quelque chose d’unique au monde…

    Pour lors, le chaos exponentiel ne sert que la Volonté absolue.

  • V_Parlier , 1 juillet 2016 @ 20 h 12 min

    Chaos? Je l’espère! J’espère que des deux côtés ils se prendront une raclée économique qui les calmera de leurs récentes ardeurs! Quand on voit ça: http://www.youtube.com/watch?v=EANq3MzOxWc .

  • jsg , 2 juillet 2016 @ 22 h 40 min

    Il y a tellement de zélites qui se sont imaginés les élève du maitre, on voit le résultat.
    Un élève : ou c’est plus petit ou plus grand, mais jamais semblable.
    Quoi qu’en disent les esprits chagrins, on peu toujours attendre pour avoir un bonhomme de sa stature.
    Depuis nous passons de carrieristes pragmatiques a idéologues convaincus, dans les deux cas sans visions pour la France.

Comments are closed.