Président/Parlement : le grand écart (II)

La France offre depuis l’élection par défaut d’Emmanuel Macron une situation paradoxale. Le Président omniprésent dans les médias étale une arrogance d’homme providentiel alors que rien dans son passé ne lui permet de revendiquer ce statut que les Français qui l’ont élu sans enthousiasme ne lui ont pas attribué. Certes, le retard catastrophique de la France dans le domaine économique par rapport à ses principaux partenaires et concurrents exige une volonté de réforme radicale que les exécutifs précédents n’ont pas toujours manifestée, soit par idéologie et clientélisme à gauche, soit par paresse et couardise à droite. Il est quand même extravagant que celui qui se fait aujourd’hui le chantre du changement soit celui qui a été associé à la calamiteuse présidence précédente sur ces questions, et même en première ligne. Quant à sa maigre expérience professionnelle dans une grande banque d’affaires, elle ne rassure nullement ceux qui se souviennent des origines bancaires de la crise qui a, en partie, handicapé le mandat de Nicolas Sarkozy. Ce dernier aimait à dire que les Français étaient monarchistes et régicides. Il est clair que Macron a entendu le premier mot et voudrait oublier le second. Le Général de Gaulle, qui a été objectivement un homme providentiel, souhaitait au contraire que la bonne gouvernance qui devait découler des institutions qu’il instaurait devienne une habitude nationale avec des exécutifs forts mais aussi avec un Parlement responsable. C’est cet équilibre qui est aujourd’hui rompu, non seulement au détriment du Parlement, mais même en défaveur du gouvernement.

Il est donc nécessaire de rappeler quelques vérités. En France, il n’y a qu’un seul souverain, le Peuple Français. Il est prioritaire de lui rendre sa pleine souveraineté, par le haut en le libérant de la tutelle de la technocratie bruxelloise dénuée de toute légitimité démocratique, et par le bas, en lui donnant régulièrement la parole par le biais de référendums dont la fréquence et l’absence de conséquence sur l’avenir de l’exécutif conduiraient à extirper les passions idéologiques ou les calculs politiciens. Comme les Suisses, les Français auxquels on prête moins de sagesse, parce que cela arrange les dirigeants, répondraient simplement à certaines questions après en avoir mesuré les conséquences éventuelles. Ce serait le seul moyen de contourner la mobilisation de la rue ou l’agitation des groupes de pression. Trop long, diront les gens pressés, qui malgré leur longue participation au pouvoir se trouvent maintenant à réclamer l’urgence pour pallier l’inefficacité de leur action. Copé voulait gouverner par ordonnances. Macron le fait. François Fillon et Marine Le Pen comptaient faire appel au référendum, qui est le seul moyen de légitimer une politique difficile. On dira que la « flexisécurité » contenue dans la réforme du Code du Travail n’attend plus pour mettre enfin un terme à l’exception française d’un chômage scandaleux dans un pays qui dispose de beaucoup d’atouts. Sans doute, mais cette méthode de gouvernement s’intègre à un ensemble de mesures et de comportements qui tendent à abaisser le Parlement. Les Français devraient prendre conscience que la confiance qu’ils vouent aux 577 (pour le moment)  députés qui les représentent, qu’ils peuvent connaître personnellement dans leur circonscription, rencontrer dans leurs permanences, est une sécurité mieux étayée que la foi qu’ils peuvent porter à un homme lointain qu’ils ne connaissent qu’à travers les médias, dont l’honnêteté intellectuelle est des plus douteuses.

Or le Projet de loi sur la « moralisation » vise essentiellement les Parlementaires dont on a fait le bouc émissaire du malaise politique de notre pays. Quelques cas ont défrayé la chronique, Cahuzac, Thévenoud, Balkany, et il y a eu le « pénélopegate ». Faut-il rappeler que les trois premiers ont été cités ou condamnés dans des affaires qui ne dépendent nullement de leur mandat de député ? Cahuzac avait usé du carnet d’adresses au sein d’un cabinet ministériel pour développer son activité professionnelle et ses revenus. Thévenoud était curieusement un citoyen très distrait élu parce qu’il avait la bonne carte au bon moment et au bon endroit. C’est en tant que Maire et non comme élu de la Nation que Balkany a acquis une réputation sulfureuse qui n’a pas empêché les électeurs de lui redonner « sa » mairie, après condamnation. Il reste François Fillon, celui « d’où venait tout le mal », tellement peu conscient de mal agir qu’il déclarait scrupuleusement les revenus de son couple. Pour un homme qui a consacré sa vie à la politique et exercé de multiples responsabilités à un haut niveau, entouré d’un grand nombre de collaborateurs, l’idée que son niveau de vie devait être proportionné à son travail était sans doute présente à l’esprit. Tout le monde a compris qu’il n’était pas désintéressé et ne se vouait pas au sacrifice. Comme je n’ai jamais employé un membre de ma famille, c’est tranquillement que je lui demandais seulement de bien diriger le pays, quelque soit son rapport à l’argent. En revanche, la réaction stupide qui consiste à interdire aux Parlementaires d’employer un membre de leur famille est excessive. Si cette personne est compétente et travaille objectivement, pourquoi empêcherait-on un élu de mener ses activités avec un proche en qui il a confiance. Un chef d’entreprise, un agriculteur, un commerçant le pourraient et pas lui ? Il ne pourrait embaucher son épouse ou ses enfants, mais sa maîtresse ou pour sacrifier à la mode, son petit ami. Cela s’est fait notoirement sans qu’aucune procédure ne soit engagée contre les intéressés. Pour comble, au moment même où le couperet tombe sur le Parlement, M. Macron revendique un statut pour une épouse que personne n’a élue. Une fois de plus, un pouvoir écrase l’autre, sans vergogne.

Pour qui a exercé un mandat parlementaire, qui constitue une mission et non une profession, le véritable problème est ailleurs. L’évolution de l’information et de la communication gomment la proximité, donnent moins d’importance au contact personnel. Ce processus affaiblit l’ancrage du député. Non seulement on ne cherche pas à remédier à ce mal, mais on l’envenime en dévaluant le Parlement. La diminution du nombre des circonscriptions éloignera davantage l’élu de ses électeurs. La suppression de la Réserve Parlementaire lui ôtera une partie de sa visibilité locale et coupera les liens qu’il peut entretenir avec les communes et les associations. L’introduction de la proportionnelle permettra à n’importe qui d’être élu dès lors que le parti en aura décidé en le plaçant bien sur sa liste. Le drame, c’est que sans proportionnelle, n’importe qui a déjà été élu, au détriment du travail et du mérite, simplement parce qu’il était « En Marche ».  On risque donc de se trouver avec une majorité de zombies ou de robots dont certains se montrent incapables de parler sans papier pendant deux minutes, parce qu’ils ne font que lire la question que le Ministre a envie qu’on lui pose. Restaurer le lien de confiance entre le Parlementaire et sa circonscription devrait être une priorité. Cela demande un effort, notamment de la part des électeurs. Etre citoyen exige qu’on s’intéresse à la vie politique, que l’on sache pour quoi et pour qui l’on vote. Ce n’est pas nécessairement l’intérêt du Pouvoir exécutif surtout dominé par la Haute Administration… C’est pourquoi le retour à l’équilibre est nécessaire car il est vital pour la démocratie.

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1 Comment

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  • Boutté , 29 juillet 2017 @ 13 h 36 min

    Faut-il s’intéresser à la vie publique pour être Citoyen ? On comprend le principe. Cependant la carte électorale n’est pas preuve”d’esprit citoyen”. L’utilisateur est le plus souvent attentif à son escarcelle et c’est tout. Le pays ? Quel intérêt?

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