La Vie, mais celle de l’innocent d’abord !

Le Monde n’hésite pas à écrire que le Pape François siégerait chez les démocrates s’il était membre du Congrès. Un autre média suggère une complicité entre le Saint Père et Obama. « Complicité » ? Quel drôle de mot pour un Pape ! En relisant les 10 points de son discours relevés par La Croix, j’avoue être troublé. On peut certes dénoncer le fondamentalisme, mais doit-on « rejeter toute forme de polarisation » sans tomber dans le relativisme auquel Benoît XVI résistait à juste titre avec la hauteur intellectuelle qui le caractérise ? L’accent mis sur l’environnement, l’accueil des étrangers, l’abolition de la peine capitale est dans la logique de l’Eglise et du pontificat actuel, mais il est clair qu’il fait apparaître une sensibilité de « gauche », « engagée » dit encore un média, comme si des positions contraires ne le seraient pas tout autant. L’angoissante question de l’avenir de la famille a été abordée à la fin du discours, pour souhaiter des « solutions efficaces ». Devant l’Assemblée des Nations Unies, le Souverain Pontife a, heureusement, été plus explicite en dénonçant « la colonisation idéologique qui impose des modèles de vie anormaux », et en appelant à la reconnaissance de la différence naturelle entre l’homme et la femme. Quant à la détresse des Chrétiens d’Orient, elle na guère été évoquée devant les élus du pays qui est, en grande partie, responsable de leur tragédie.

Le Monde, encore lui, se réjouit qu’à propos du respect de la vie, c’est la peine de mort que le Pape a stigmatisée et non l’avortement. Que le respect absolu de la vie humaine soit prôné par l’Eglise est légitime parce qu’elle est sacrée. Mais l’opposition à la peine capitale est-elle toujours fondée sur cette valeur « sacrée » de la vie humaine ? Les adversaires les plus résolus de la foi sont souvent hostiles à la peine de mort, mais favorables à l’avortement ou à l’euthanasie. L’argument qui prévaut ici est l’autonomie de la volonté individuelle : le condamné ne veut pas mourir, le suicidaire le souhaite, la femme qui avorte est maîtresse d’un corps dont l’enfant à naître est réduit à n’être qu’une partie. Mais on peut soupçonner une autre motivation : la disparition de la polarisation entre le Bien et le Mal et la séduction perverse exercée par le coupable auquel on s’identifie plus volontiers qu’à la victime. L’assassin vit toujours. Sa victime beaucoup moins, et la mort du premier ne fera pas vivre le second. Victor Hugo avait déjà utilisé cette identification dans « la Dernière Journée d’un Condamné ». La « complicité » du respect religieux de la vie avec un relativisme qui ferait oublier la différence essentielle entre la mort d’un innocent et celle d’un coupable n’est pas moralement acceptable et ne me satisfait pas..

Si l’Eglise, se référant au Décalogue, affirme « Tu ne tueras pas », elle peut aussi s’appuyer sur l’Exode qui précise : « Tu ne tueras pas l’innocent et le juste » (23/7), et même sur le Lévitique : « Celui qui tuera sera puni de mort »(24), ou la Genèse : « Qui verse le sang de l’homme aura le sang versé » (9). La volonté d’abolir la peine de mort est surtout liée à la sensibilité de notre époque plus qu’à une exigence conforme à l’équilibre de la foi et de la raison. Cette dernière accepte bien sûr la légitime défense puisque le devoir de sauvegarder sa vie est primordial chez tout homme. Elle exige la proportionnalité de la riposte à l’attaque et exclut la colère, la haine ou la vengeance. De même, comme le Pape le rappelait récemment à propos de la défense des Chrétiens d’Orient, il peut y avoir des guerres justes contre des agresseurs qui bafouent la justice et l’innocence. Le commandement de ne pas tuer a donc des limites. Il s’adresse aux personnes et non aux Etats, aux collectivités, et distingue nettement la victime innocente de son agresseur. » Si quelqu’un agit méchamment contre son prochain en employant la ruse pour le tuer, tu l’arracheras de mon autel pour le faire mourir » dit encore l’Exode (21/14). Le degré de culpabilité, l’horreur du crime demandent des réponses proportionnées. Un assassin monstrueux, un récidiviste en série exigent des sanctions appropriées que le tassement de la pyramide des peines ne permet plus. Lors d’une discussion avec Simone Veil et Edouard Balladur, j’avais suggéré de rétablir la peine de mort quitte à ne jamais l’appliquer, sauf dans ces cas « pratiquement inexistants » qu’évoque l’Encyclique Evangelium Vitae de Jean-Paul II. Le génocidaire comme Eichmann devait-il vivre à tout prix ? Lorsque Georges Pompidou a refusé la grâce de Buffet et Bontems, c’est parce que ces assassins avaient, dans des conditions horribles, égorgé une infirmière et un gardien de la prison dans laquelle ils étaient détenus après avoir été condamnés à de lourdes peines. Un responsable politique n’est pas un individu soumis seulement à sa morale personnelle. Il est aussi le garant, le porteur du Bien Commun. Lorsque l’espoir de rachat d’un criminel a été à ce point infondé que celui-ci a fait de nouvelles victimes innocentes, c’est le Bien Commun de la Cité qui a été atteint en raison d’une trop grande faiblesse envers un individu. Enfin, de même que les crimes ont des degrés, l’exécution des peines mérite des jugements différenciés. La peine capitale pratiquée en Arabie saoudite, féroce dans son exécution et sans proportion avec la faute, ne peut être comparée à l’acte de légitime défense d’une société qui met fin sans douleur à la vie d’un homme dont l’existence est une menace constante pour ses semblables.

Pour ces raisons, si j’étais un élu Américain, je siégerais sans doute chez les Républicains, tout en étant catholique…

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2 Comments

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  • danijulia , 29 septembre 2015 @ 9 h 05 min

    Entièrement d accord !

  • xrayzoulou , 29 septembre 2015 @ 14 h 37 min

    Idem !

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