Supplique d’un simple paroissien français au Très Saint-Père

Très Saint-Père,

Par cette humble supplique, je voudrais exprimer toute ma gratitude pour le très beau sujet de méditation que vous avez nous offert à tous, en nous demandant d’être ouverts aux « surprises de Dieu », pour reprendre la splendide formule de l’une de vos homélies à Sainte Marthe.

L’une des plus belles surprises que Dieu offre à notre époque, c’est l’extraordinaire pouvoir évangélisateur de la messe traditionnelle catholique, sa faculté de toucher le cœur des plus jeunes par sa beauté, sa fraîcheur.

En France, pays où je réside comme immigré depuis plus de vingt ans et où la liturgie traditionnelle fait encore, dans de nombreux diocèses, l’objet d’une répression insidieuse mais très efficace, le nombre stupéfiant de vocations sacerdotales et religieuses traditionnelles prouve que les plus vénérables usages de l’Eglise ont une étonnante capacité à toucher les cœurs des plus jeunes.

Ce miracle, cet émerveillement, sont sans doute dus à la persécution larvée qu’ont subie pendant quarante ans les adeptes de l’ancienne messe. Privés soudain d’un rite qu’ils aimaient, ils ont cherché, sous les risées, à en comprendre mieux le sens, à savoir pourquoi il dégageait pour eux un tel charisme.

Dans ce même pays, ce sont les nouvelles générations (bien plus que leurs parents ou grands-parents) qui sont les plus soucieuses de préserver le message moral de l’Eglise, car elles y perçoivent une extraordinaire force de proposition, en présence d’une modernité en voie de décomposition avancée.

Le « progrès », auquel les générations précédentes (et si vous me permettez, Très Saint Père, cette remarque que je voudrais pas que vous ressentiez comme une impertinence) vouaient une idolâtrie sans mesure, ne fait plus aujourd’hui parmi les jeunes l’objet d’une adoration irraisonnée.

Comme vous sembler le noter vous-même avec justesse, il y toujours lieu de se garder du triomphalisme et du pharisaïsme. Ô combien cette pensée est-elle vraie pour les rénovateurs à tout crin, qui, se refusant de juger leur arbre à ses fruits, semblent à jamais fermés aux merveilleuses surprises que Dieu les invite à découvrir chaque jour. Leurs innovations d’il y a quarante ans paraissent tout d’un coup bien poussiéreuses, alors que les antiques traditions brillent plus que jamais comme un sou neuf. Surprise de Dieu !

Vous nous invitez à scruter les signes des temps. Mais lesquels ?

L’athéisme se répandant dans le monde, devons-nous y voir un signe de l’inexistence de Dieu, et convertir, comme dans les anciens pays communistes, nos sanctuaires et basiliques en musées de l’athéisme ?

Nombreux sont ceux qui, en Occident ou ailleurs, ont vu un signe des temps dans la prodigieuse expansion du marxisme, ce chancre se nourrissant des maux de notre société. Nombre de clercs se sont faits les sectateurs de cette idéologie criminelle et aujourd’hui complètement dépassée. Ce qu’ils avaient décrit comme un progrès n’est plus qu’une vieille illusion morte, qui fait rire ou pleurer, mais certes plus rêver.

“Vous nous invitez à scruter les signes des temps. Mais lesquels ?”

Tel ne peut certes pas être le message du bon pasteur que vous êtes. Un signe des temps peut aussi nous annoncer un péril de mort. L’Eglise doit, plus que jamais, nous inviter au discernement et en faire preuve elle-même, à l’initiative de ses pasteurs les plus éminents.

Comme vous avez raison de mettre l’accent sur l’exemple du Christ, vivant exemple de miséricorde, fréquentant les pécheurs et les prostituées ! Evitant le pharisaïsme, nous devons certes comprendre que nous sommes pêcheurs et aller à la rencontre de tous nos frères, y compris et surtout ceux que la monstruosité de notre époque a cruellement meurtris au plus intime d’eux-mêmes.

Mais pour que nous puissions les aimer, les aider leur apporter le réconfort et leur rendre l’espoir, encore faut-il que l’Eglise garde des repères.
Ainsi faut-il, par exemple, qu’elle sache continuer à distinguer obstinément le pécheur de son péché, ce qui vaut évidemment dans les deux sens : gardons-nous non seulement de la tentation de réduire le pécheur à son péché mais aussi de celle, apparemment et faussement généreuse car manquant en réalité à la véritable charité, de nier la réalité objective du péché au mauvais prétexte d’accueillir le pécheur. Car la charité ne saurait faire l’économie ni de la justice ni de la vérité.

Qui dira qu’en accueillant Marie-Madeleine, Notre Seigneur n’a en aucune manière entendu légaliser ou justifier la prostitution ? Qui rappellera sans en amputer la finale (« Va et désormais ne pèche plus ») les quelques paroles du Christ à la femme adultère ?

Ne nous y trompons pas. Vous le savez bien mieux que moi, l’Eglise catholique est plus fragile et faible que jamais face aux puissances du monde et des médias, des lobbies, ouverts et occultes, qui peuvent à tout instant la broyer comme fétu de paille.

La tentation est grande de gagner, pour quelques jours, leur faveur avec quelques articles favorables, quelques points dans les sondages, avant que, très bientôt, nous ne soyons tous broyés dans un engrenage inexorable, où nous ne pouvons que perdre notre âme.

Au contraire, les signes des temps ne nous invitent-ils pas à résister à toutes ces puissances du mal, au prince de ce monde qui avilit sans cesse l’être humain, par son invitation au plaisir facile et vulgaire ? A cet égard, les encycliques Familiaris Consortio et Evangelium Vitae ouvraient une voie très riche, dont on peut regretter qu’elle semble avoir été si peu suivie par le Synode récent.

Veuillez, Très Saint Père, pardonner à un simple paroissien du bout du banc la hardiesse avec laquelle il se livre à cette méditation. Seule votre demande a pu m’inciter à la formuler et à la soumettre en toute humilité à votre infinie sagesse.

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15 Comments

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  • 0 / 10
  • brandenburg , 29 octobre 2014 @ 16 h 26 min

    Bravo,Madame!N’ayez pas peur meme des mauvais pasteurs comme le fit en son temps Sainte Catherine de Sienne,simple laique et Docteur de l’Eglise!

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