Lettre ouverte aux auteurs, créateurs et ayants droit

Madame, Monsieur,

Je vous invite à lire la QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) qui va prochainement être examinée : la protection de vos droits et l’égalité des auteurs devant la loi en dépendent.

À l’heure actuelle, votre œuvre peut être digne d’être copiée, reproduite ou téléchargée, mais non d’être protégée.

La situation est déjà en soi ubuesque. Il suffit d’y ajouter une dose de mauvaise foi, celle des copieurs qui contestent l’originalité de l’œuvre qu’ils ont pourtant copiée, reproduite ou téléchargée (preuve que votre œuvre est originale puisqu’ils l’ont copiée, reproduite ou téléchargée !), et l’affaire est pliée.

Le juge, relayant la mauvaise foi des copieurs, exige que vous fassiez la preuve de l’originalité de votre œuvre.

Le problème est que cette contrainte n’est définie nulle part dans la loi et la condition qu’elle est ou non satisfaite ne dépend pour cette raison que de l’appréciation souveraine du juge.

L’auteur est ainsi privé du droit sacré de la défense puisqu’il ne sait pas ce que le juge lui demande et comment satisfaire le juge. Personne ne le sait à vrai dire, comme vous le lirez dans la QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité).

En d’autres temps, un tel usage aurait fait bondir l’intelligentsia.

Une loi qui oblige sans dire comment l’obligation qu’elle fixe doit être remplie est anticonstitutionnelle.

Une loi dont l’application dépend uniquement de l’arbitraire du juge, qui décide tantôt de l’appliquer, tantôt de ne pas l’appliquer, sans raison précise et objective, strictement définie et déterminée, est anticonstitutionnelle.

Ainsi, face au mal grandissant du plagiat, le professeur, qui voudra à l’avenir sanctionner l’étudiant qui aura plagié, devra préalablement convoquer l’auteur de l’œuvre copiée devant le juge pour qu’il fasse la preuve de l’originalité de son œuvre.

Car la loi est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse, et il n’y a aucune raison qu’on oblige un auteur sans obliger tous les auteurs.

Il n’aura à le faire, en réalité, que si l’étudiant conteste l’originalité de l’œuvre qu’il a copiée. C’est là une prime à la mauvaise foi mais ce n’est pas la justice.

Fi de la protection par le dépôt légal ou la publication qui prouve que vous êtes l’auteur de l’œuvre ! Tout dépend désormais du bon vouloir du juge, juge qui n’a pourtant pas le droit de juger l’oeuvre puisque le Code de la propriété intellectuelle protège “les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite et la destination” (Art L112-1).

Pour extraordinaire que ce soit, le juge peut, pour des raisons aussi obscures qu’incompréhensibles (pauvres Lumières !), décider que vous n’avez pas à être cité quand on copie, reproduit ou télécharge votre œuvre, sans que l’on sache quel auteur devrait être cité.

Votre œuvre peut ainsi devenir par la décision du juge un objet non identifié qui n’a pas besoin d’être volant pour que l’on soit en pleine science fiction ! C’est là un mystère qui ne cadre pas avec ce que l’on attend de la justice. “Où commence le mystère finit la justice”, nous dit Edmund Burke, et avouez qu’une œuvre sans auteur est un sacré mystère !

La démocratie ne peut s’arrêter aux portes des palais de justice et il est de notre responsabilité commune de défendre l’état de droit.

Il n’y a dans cette pratique, instaurée par les juges, aucune justice. Il n’y a qu’une contrainte abusive qui n’est rien d’autre que de l’oppression.

Face à l’aberration de cette situation qui menace tous les auteurs, la QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) est le seul moyen d’empêcher cette mauvaise pièce judiciaire d’être rejouée.

Faites-vous une opinion par vous-même en lisant la QPC.

Puis agissez en votre âme et conscience. Si c’est là la justice que vous voulez, ne faites rien. Si cette justice vous indigne, vous pouvez adresser votre message de soutien à [email protected].

“C’est dans les grands dangers qu’on voit un grand courage”, prophétisait Jean-François Regnard. Nous verrons ce qu’il en est.

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11 Comments

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  • Charles , 29 janvier 2014 @ 14 h 22 min

    Je suis surpris par votre article.

    J’ai eu l’occasion de travailler sur le droit de la propriété intellectuelle
    a plusieurs reprises dans un passé récent.

    En effet,il existe deux manières simple et certaines de dater un contenu d’auteur.
    On sait avec certitude quel contenu,par qui il a été déposé ,comment et quand:

    1.En utilisant le dépôt numérique privé,
    Par exemple avec le site copyright france.
    Ils indiquent que leurs clients ont ainsi bénéficié de jugements.
    Ils indiquent être devenu le 1 er centre de dépôts numériques en Europe.
    Si nécessaire,ils produisent un exploit d’huissier avec une version papier du dépôt.

    On peut aussi utiliser le dépôt papier auprès de tiers.(Notaires etc)

    2.En utilisant le dépôt public par enregistrement au service des impôts.

  • Jack , 29 janvier 2014 @ 14 h 44 min

    Sujet intéressant ! La question demeure cependant : comment considérer une oeuvre dite de l’esprit qui a été payée à son auteur et déjà reproduite… A partir du moment qu’elle devient publique par la vente, cette oeuvre, si elle n’est pas exploitée commercialement, son auteur peut-il prétendre à des émoluments !?
    Le sujet est vaste et concerne aussi bien la littérature que les vidéos, chansons, musique, etc… A en croire certains et en raisonnant par rapport au texte de loi, à l’heure actuelle, des millions de gens sont en infraction, puisque les oeuvres achetées sont reproduites tous azimuths, via Internet… Il y autait donc des millions de gens en infraction !!!
    “L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création,
    d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.”
    (Art. L111-1 du Code de la propriété intellectuelle).

    On est d’accord sur ce texte, mais du moment qu’il a déjà été reproduit publiquement par la vente, l’acquéreur qui en fait mention est-il coupable s’il n’en tire pas bénéfice !?

  • V_Parlier , 29 janvier 2014 @ 14 h 57 min

    En effet, étant familier au dépôt et à l’analyse des brevets, je suis en outre surpris de voir à quel point on peut parfois bloquer ses concurrents en brevetant n’importe quoi (même si ce n’est aucunement inventif) pour peu qu’on soit le premier à utiliser la dite méthode, ou “invention” ou simplement idée très banale que les autres ont déjà eue mais n’ont pas osé breveter.
    C’est d’ailleurs pourquoi la notion de “domaine public” a heureusement été introduite depuis bien longtemps (pas aujourd’hui!) afin de pouvoir démontrer, lorsqu’on est défendeur accusé d’enfreindre un brevet, que le brevet n’est pas inventif. Et je trouve cela parfaitement NORMAL.

    En ce qui concerne le domaine artistique (dans lequel je n’ai pas d’expérience), combien de fois ai-je entendu qu’un interprète devait verser des millions à un autre parce-que 3-4 notes jouées à la cinquante-et-unième seconde correspondent à la même séquence de 3-4 notes de l’accompagnement à la quatrième minute d’un autre morceau, transposée d’un schmilblick d’octave etc… Ces histoires de protections de droits d’auteur ne servent qu’à protéger les bénéfices de l’industrie de “l’entertainment”, et d’ailleurs çà m’étonnerait beaucoup que le pouvoir actuel, plus qu’un autre, aille contre dans les faits. C’est de la rigolade.

  • V_Parlier , 29 janvier 2014 @ 15 h 05 min

    En effet, le but de cette “protection” serait bien là: Dès que vous reprenez sur un blog une photo pour illustrer, une vidéo issue d’un enregistrement sur une chaîne TV, ou comportant un fond musical (non exploitable pour écoute en tant que tel, et seulement pour quelques secondes), vous serez tous passibles des sanctions possibles: coupure internet, amende, etc… Admettez qu’avec çà vous supprimez pas mal de blogs d’opinions, voire tous! Je pense que même nos maîtres à penser ne s’y osent pas parce-qu’il perdraient encore un pan des 15-20% qui continuent de les soutenir…

  • Catoneo , 29 janvier 2014 @ 16 h 28 min

    La propriété intellectuelle, c’est du vol.
    Seul le Yéti peut la revendiquer, lui qui n’a connu que ses parents !
    Tout le reste est bouillon de culture au sens bactériologique.
    Par contre si une idée est créée, l’objet de cette idée peut-être protégé.
    L’idée, jamais.

  • jejomau , 29 janvier 2014 @ 17 h 08 min

    30 janvier : accueil de François Hollande à Strasbourg

    François Hollande sera à Strasbourg jeudi matin et nous irons l’accueillir dans la bonne humeur avec nos drapeaux, nos sweats et nos sifflets pour lui signifier qu’il peut compter sur nous dimanche à Paris !

    RDV à partir de 10h45 devant le Palais Universitaire (François Hollande y est attendu pour 11h10).

  • daniel , 29 janvier 2014 @ 19 h 19 min

    En France, la protection des droits d’auteur et associés dépendent du bon vouloir des magistrats, et compte tenu des coutumes locales de chacune des juridictions (dont les pénales, qui en plus l’emportent sur le civil) , en font ce qu’ils veulent, d’où des décisions totalement contradictoires les unes par rapport aux autres.

    Ce genre de droit est d’autant plus complexe que d’une part, tout le monde, chaque individu, peut devenir auteur, et d’autre part, c’est toute l’économie qui repose dessus. Pour certains, les droits d’auteurs relèvent du virtuel, mais en réalité, le champ économique reste lui bien réel.

    Bref, à l’échelle mondiale, la protection de tels droits procèdent de la foire au slip, faut pas s’étonner que le gouvernement baisse la culotte !

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