Primaire américaine : l’heure du choix

Tout semblait pourtant si prometteur. Après sept années d’une administration démocrate aux abois, sept années d’un contexte international plus tendu que jamais, la droite américaine se voyait déjà portée au pouvoir par la mécanique de l’alternance. A ceci, ajoutez un nom, celui d’une dynastie encore adulée par la base militante du parti et ajoutez une cagnotte de plusieurs millions de dollars avant même toute déclaration officielle. Oui, Jeb Bush s’attendait à un couronnement mais le régicide eut lieu avant même l’adoubement. Le grand (ex)favori s’est retiré le 20 février après un cuisant échec en Caroline du Sud.

Face à lui, Donald Trump annonçait en juin 2015 sa candidature à l’investiture républicaine dans l’hilarité la plus générale, quoique teintée d’une pointe d’indifférence. Pourtant, celui qui déclarait déjà en 1998 dans People Magazine que « les républicains sont le groupe d’électeurs le plus stupide des États-Unis » est aujourd’hui devenu le principal protagoniste des primaires. Au delà de l’ironie tragique de la situation, chacun est en droit de se poser la question suivante : comment expliquer la percée tant inattendue, que brutale, du magnat new-yorkais de l’immobilier ? Les causes sont multiples et les torts partagés : pléthore de candidats à l’investiture, règles électorales opaques et inconsistantes, sentiment d’abandon de l’Amérique blanche et conservatrice. Celle-ci justement fut, plus que toute autre, conspuée, moquée et caricaturée par les élites médiatiques et intellectuelles d’Hollywood comme de Washington DC pendant des décennies. Une proie facile qui est devenue aujourd’hui le fer de lance de la campagne Trump. Il faut le reconnaître, Donald Trump a su parler à ces oubliés d’Obama. D’aucun appellerait cela du populisme. Peu importe tant que le discours fait mouche. Mais fait-il vraiment mouche? A y regarder de plus près la réalité est infiniment plus complexe et contrastée.

Depuis le lancement des primaires « The Donald » n’a qu ‘en de très rares occasions étendu sa base au-delà de 35% des suffrages, toutes composantes sociales, économiques et religieuses de l’électorat confondues. Cela signifie sans ambiguïté, aucune, qu’une immense majorité des électeurs conservateurs se refusent à l’avoir comme candidat. Le constat n’en devient que plus évident au regard de ses résultats calamiteux dans les élections fermés, où seuls les républicains enregistrés comme tels peuvent voter et où il enchaîne piteusement défaite sur défaite. La réalité des faits devient ainsi limpide : son relatif succès n’est dû qu’au vote d’électeurs indépendants et démocrates pour sa personne. Et pourquoi diable aurait-il droit à leurs faveurs? Tout simplement parce que Donald Trump n’est en rien un conservateur, ne l’a jamais été et n’a aucune intention de le devenir.  Après avoir été un membre éphémère de l’inclassable « parti de la réforme des États-Unis d’Amérique » au tournant des années 2000, il s’oppose violemment à George W. Bush et à sa présidence. En 2008, il va jusqu’à financer la campagne d’une sénatrice démocrate candidate à la Maison Blanche, Hillary Clinton. Oui, cette même Hillary Clinton, qu’il entend aujourd’hui défaire en novembre lors de l’élection générale. Cohérence, quand tu nous tiens.

L’histoire étant riche en enseignements, il nous faut ainsi remonter à l’année 1976 pour voir une convention républicaine aussi disputée. Cette dernière déboucha sur l’investiture de Gerald Ford au détriment de Ronald Reagan avec le résultat que nous connaissons. Quarante ans plus tard la situation semble aussi inextricable. Depuis l’abandon de Marco Rubio, Ted Cruz apparaît comme l’unique opposant à Donald Trump. Père de famille et fervent chrétien, il est aujourd’hui le seul réel conservateur en mesure de faire barrage à Donald Trump. Avocat de formation, ce jeune latino-américain se lance en politique dans l’État du Texas où il en devient sénateur, en 2012, à l’âge de 42 ans. Inflexible sur la valeur de la vie et de la famille et droit dans ses bottes quant au strict respect du second amendement, il est un partisan pugnace de la liberté économique contre la bureaucratie centralisatrice, de l’État fédéré contre l’Etat fédéral. Vous l’aurez compris, Ted Cruz est l’incarnation la plus pure de la droite américaine traditionnelle.

Le parti républicain se retrouve donc confronté à un choix décisif : Donald Trump, trublion maniaque de cette course électorale ou Ted Cruz conservateur texan bon chic bon genre. Pendant ce temps « Madame Benghazi » se voit déjà dans le bureau ovale.

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11 Comments

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  • peripathos , 29 mars 2016 @ 10 h 53 min

    Votre analyse boite car elle ne tient pas compte dans l’évaluation des forces électorales de la division importante des voix du fait de la multiplicité des candidats !
    Kasich comme Cruz auraient normalement dû jeter l’éponge mais ils sont visiblement utilisés par “l’establishment” Républicain , du GOP , pour essayer d’imposer leur candidat en dépit de la base des électeurs “Républicains” qui en a plus qu’assez !
    C’est ce que les caciques compromis du GOP ont “réussi” à faire lors des 2 dernières élections en imposant Mc Cain puis Romney , 2 candidats mous et centristes très “fair” et très “soft” avec un Obama qui a pu ainsi l’emporter sans difficultés .
    A chaque fois cela a été le même scénario les voix de la majorité anti-establishment et du tea-party ….étaient divisées par le maintien curieux d’un candidat “ultra-conservateur” ( Santorum la dernière fois , un pasteur dont je ne me souviens plus du nom le coup d’avant ) .
    Ce coup ci c’est Cruz qui joue se rôle dont on voit bien qu’il est soutenu par Jeb Bush , Rubio , Romney ….même s’ils sont , en principe , très différents .
    Il est le jouet de l’establishment ( dont fait partie la famille Bush )

    GO TRUMP !
    L’establishment est mort de trouille . Trump pourrait faire voler en éclat ce parti en effet très stupide et corrompu qu’est le GOP qui s’entend bien , en sous-main , avec les démocrates .
    Ils ont les mêmes bailleurs de fonds et sont aussi mondialistes !

    TRUMP , lui , s’en est pris récemment à l’ONU …..

  • aletheia , 29 mars 2016 @ 11 h 47 min

    Le diviseur de voix “social conservative” c’était Mike HUCKABEE , un pasteur , pour finalement aboutir à la candidature du centriste Mc Cain , le candidat de l’establishment …..et pour une facile victoire d’obama

  • azra , 29 mars 2016 @ 22 h 05 min

    contrairement aux previsions,et au parti republicain,tromp,gagne de plus en plus.Ce qui va poser un probleme au GOP. Les attentats donnent,de plus,raison a Trump,qui est soutenu par les petits blancs….a suivrePS depuis 25 ans aux USA

  • Jacques , 30 mars 2016 @ 10 h 55 min

    Pas bien crédible votre analyse : vous prétendez que Trump dépasse rarement 35% des suffrages… alors qu’ils ne sont plus que 3 candidats républicains ! ! ! ? ? ? … dont seulement 2 raflent presque tous les délégués !

  • Pierre PAVY , 31 mars 2016 @ 14 h 39 min

    Bonjour,

    Le contenu de votre commentaire est souvent le même repris par les Trumpistes.
    Tout d’abord, il est toujours curieux de dire que la majorité des électeurs républicains en a assez de l’establishment. En 2008, McCain a écrasé ses concurrents ; en 2012, Romney était opposé un Gingrich et Santorum qui n’avaient pas un discours anti-système.

    Ensuite, Ted Cruz est soutenu par des cadres du Parti moins pour ses idées que pour sa capacité à pousser Trump dans une Convention contestée en Juillet.

    Enfin, Trump n’a rien à voir avec le Parti Républicain. Il est étatiste, isolationniste, progressiste au niveau sociétal… D’ailleurs, vos accusations envers sur les supposés connivences entre le GOP et les Démocrates sont hypocrites. Dois-je vous rappeler que Donald Trump a financé les campagnes des Clinton et voulu torpiller la réélection de Bush en 2004 ?

    Pierre PAVY, Rédacteur en chef du GOP France

  • Pierre PAVY , 31 mars 2016 @ 14 h 43 min

    Bonjour,

    En quoi les attentats donnent raison à Donald Trump ? Il est contre toute intervention au sol des troupes américaines pour éradiquer Daesh.

    Pierre PAVY, Rédacteur en chef du GOP France

  • Pierre PAVY , 31 mars 2016 @ 14 h 56 min

    Bonjour,

    Je vous invite à regarder les résultats de l’ensemble des primaires républicaines depuis le 1er Février. Les chiffres sont clairs, jamais Donald Trump n’a franchi la barre des 50% et tourne très souvent autour des 35%.
    Il a eu quelques pics de 47% (dans le Nevada et l’Arizona de mémoire).

    Votre raisonnement est : moins il y a de candidats, plus il y a de voix pour Trump. Mais c’est faux… Car Trump est censé être “seul contre tous” et, selon les pro-Trump, “parler au nom de la majorité des Américains”. Donc, logiquement, plus la division est forte, plus cela profite à Trump.
    Mais la réalité est différente car Trump stagne toujours autours des 35% (hormis quelques pics sporadiques) et n’a jamais franchi la barre des 50% (preuve que la majorité des républicains est contre une candidature de Trump).

    La moyenne des sondages du Wisconsin donne les résultats suivants :
    34,8% pour Cruz ; 31,8% pour Trump ; 22,5% pour Kasich. Les 10,9% restants sont soit indécis soit voteront pour des candidats ayant suspendu leurs campagnes (Rubio, Carson…)
    On est toujours sur du 35%…. Et, au mieux, Trump ne dépassera pas les 50%. Le drame du milliardaire est qu’il devait plier la compétition dès le début lorsqu’il y avait une forte division. Ici, moins il y a de candidats, plus c’est favorable pour les restants et non Trump “seul contre tous”.
    Son seul espoir s’appelle Kasich car, en cas de duel contre Cruz, Trump aurait été laminé.

    Pierre PAVY, Rédacteur en chef du GOP France.

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