Retour sur les élections sénatoriales du 28 septembre 2014

Quel enseignement principal tirer des élections sénatoriales d’hier ?
Il y a d’abord une continuité logique avec les élections municipales de cette année. Le corps électoral sénatorial étant renouvelé, on ne pouvait que s’attendre à une poussée de la droite, voire du FN. On notera une certaine proportion entre le nombre de mairies conquises et celui de sièges sénatoriaux. L’UMP avait pris un grand nombre de mairies : en toute logique, elle obtient des gains significatifs. De même, le FN emporte peu de mairies pour se retrouver finalement avec deux sénateurs. L’inverse eût été étonnant, même s’il faut constater que quelquefois la gauche résiste. Au-delà du mode de scrutin, quand il y a rejet, il y a rejet ! La victoire est nette pour la droite parlementaire : elle dispose désormais d’une majorité de 32 sièges, ce qui permet d’oublier la défaite à quelques sièges de 2011.

Le FN a attiré l’attention sur lui avec ses deux élus… Y a-t-il une poussée ?
Cette poussée, qui reste minime, mais fructueuse dans deux départements (Bouches-du-Rhône et Var), manifeste un début d’enracinement, dû en partie à l’existence de municipalités, mais pas seulement. Il n’est pas étonnant de voir le FN obtenir des élus dans des départements où une partie de l’électorat lui est acquis, alors même que l’élection est indirecte. Que cela signifie-t-il ? Que les grands électeurs qui sont souvent des élus locaux sont sensibles aux thèmes développés par le FN : immigration, disparition des services publics locaux, etc. Ainsi, le FN a obtenu sur le territoire national 3 929 votes, alors qu’il ne disposait, au mieux, que d’un millier de grands électeurs (on ne votait pas dans toutes les communes, car le Sénat a été renouvelé par moitié). En revanche, dans les autres départements (notamment ceux situés dans le nord du pays), le FN progresse, mais ne parvient pas à défier le PS, l’UMP et l’UDI. Peut-être l’absence d’implantation locale y a-t-elle été pour quelque chose (ainsi, dans l’Aisne, elle se limite à une seule commune, celle de Villers-Cotterêts). On peut aussi l’expliquer par l’absence de zone électorale contigüe et permanente ; là où le FN obtient des sénateurs, la poussée du FN se vérifie à toutes les élections, qu’elles soient locales ou nationales, alors qu’ailleurs, elle n’est confirmée qu’à certaines élections (élections européennes). Enfin, indépendamment de ces situations, on doit admettre une porosité non seulement des électorats FN et UMP, mais aussi des élus locaux FN et UMP. Les élus locaux réagissent encore comme les simples citoyens et sont moins sensibles aux consignes des appareils. N’étant pas toujours des professionnels de la politique, l’élection sénatoriale présente un caractère moins « existentiel ». Jusqu’où ira cette porosité des électorats ? Cela dépendra des évolutions du FN et de l’UMP, mais il semble qu’il existe déjà, de manière implicite, un système non seulement de désistement, mais d’attraction.

Et le phénomène des dissidences ?
Une élection sénatoriale reste une élection particulière en ce sens qu’elle révèle un enjeu de microcosmes, où les questions idéologiques sont souvent peu présentes. Néanmoins, on remarquera, notamment à droite, le poids de l’étiquette. Sauf rares exceptions, les dissidents élus à droite ont été des sénateurs sortants. Dans les autres cas, le dissident est une figure connue (cas de Jean-Pierre Grand dans l’Hérault). Les dissidences ont donc peu « fonctionné » à droite. En revanche, elles ont été un peu plus « payantes » à gauche. La liste dissidente de Jean-Noël Guerini obtient trois sièges à Marseille, alors que Samia Ghali, candidate PS officielle, parvient juste à sauver son siège… Pour autant, il faut se souvenir également qu’en 2011, lors de la fin du quinquennat sarkozyen, on avait enregistré un nombre important de dissidences à droite. Le phénomène de dissidence révèle toujours une majorité affaiblie et usée. En 2014, comme en 2011. La seule différence est que l’usure de la majorité apparaît aujourd’hui au bout de deux ans et non lors de la quatrième année, comme ce fut le cas en 2011. La majorité ne fait pas que subir les effets de la vague bleue de mars 2014 : elle révèle sa propre fragilité. Cet échec sera-t-il médité par François Hollande ? Est-ce le prélude à une dissolution, solution risquée, mais logique ?

Justement, concernant la gauche, que peut-on dire sur ces élections ?
À gauche, on a évidemment senti un phénomène d’usure. On constate évidemment un rattrapage sur le nouveau corps électoral consécutif aux municipales de mars 2014, mais aussi une moindre discipline de la part des grands électeurs. Certaines figures sénatoriales sont éliminées, comme Jean-Pierre Michel, défenseur du « mariage pour tous », en Haute-Saône. On notera aussi l’élimination de certains élus du Parti radical de gauche (PRG), comme celle de Jean-Michel Baylet, président du conseil général du Tarn-et-Garonne. Peut-être faut-il y voir des règlements de compte de la part du PS, peu enthousiaste à supporter un PRG frondeur… Mais la défaite a aussi une valeur symbolique, comme on le voit dans le passage de certains départements de gauche à droite. Ainsi, la gauche est battue en Corrèze, fief du Président Hollande.

Et sur l’équilibre des institutions, que représente cette victoire de la droite ?
Quelle que soit la figure sénatoriale retenue pour la présidence du Sénat (Gérard Larcher ou Jean-Pierre Raffarin), cette assemblée continuera à préserver sa spécificité. Le Sénat entend s’opposer au Gouvernement, mais, en interne, au sein de la droite, les sénateurs n’ont nullement envie d’être les courroies de transmission de l’UMP. Ils l’ont clairement affirmé. Le Sénat entend donc faire contrepoids. Mais rappelons que même sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le Sénat avait marqué sa différence. Il n’est pas certain que le favori de l’élection à la Présidence de l’UMP ait gardé du Sénat une si bonne image…

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16 Comments

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  • PG , 30 septembre 2014 @ 11 h 12 min

    L’UMP ne connait pas une poussée proportionnelle à ses gains municipaux.
    Outre que le FN a triplé ses soutiens par rapport à ses grands électeurs issus des régionales et surtout municipales , l’UMp connait de nombreux ”demi échecs”.
    Ainsi dans les Bouches du Rhône, l’UMp était face à un PS démonétisé, dont dont élus sortants sont soit condamnés (Andrieux) soit sur la sellette (GUERINI), GAUDIN (l’homosexuel qui a aidé au Sénat à faire passer la loi TAUBIRA en évitant la navette parlementaire qui embarrassait l’UMP autant que le PS) .
    Et bien GAUDIN n’a pas eu les élus auxquels il croyait : le Fn en a obtenu 1 et GAUDIN -2 élus seulement- a aidé GUERINI le dissident socialiste à en obtenir 3, le PS n’en ayant qu’un.
    Dans le VAR, FALCO, qui reconnaissait la réussite financière de l’équipe FN quand il a repris la mairie, s’était lancé dans une croisade anti -FN : le résultat est pitoyable pour l’UMp et lui.
    Ailleurs l’UMP aurait pu gagner, avec le FN qq dizaines de sièges supplémentaires.

    En choisissant l’alternance sans le peuple, l’UMP se condamne à perdre en 2017 : le sort en est jeté, vraisemblablement.

  • Sagil , 30 septembre 2014 @ 11 h 18 min

    J’ai entendu hier sur une radio périphérique le salaire et les avantages d’un sénateur.Ecoeurant quand on sait la misère de tous nos compatriotes.La France, aujourd’hui me donne envie de vomir.avec le nom de république c’est l’ancien régime qui est de retour.A quand le grand coup de balai? A quand la guillotine sue la place dite de la Concorde?

  • Tite , 30 septembre 2014 @ 15 h 43 min

    Encore un poncif ! Y en a marre ! Arrêtez cette propagande, par pitié ! Renseignez-vous, lisez, cultivez-vous avant d’écrire n’importe quoi :

    “… avec le nom de république c’est l’ancien régime qui est de retour…”

    Personne, je dis bien PERSONNE ne crevait de faim ou n’était dans la misère crasse sous l’Ancien Régime et particulièrement au début de la Révolution !
    Les seuls qui n’avaient pas un statut enviable étaient les journaliers et ce, même sous la république !

    Lorsque l’on regarde les tableaux des Frères Le Nain, lorsqu’on lit les chroniques d’époque sur la misère des paysans, on n’a jamais l’honnêteté de rappeler que nous avons subi ce qu’Emmanuel Leroy Ladurie (historien spécialisé dans l’histoire du climat et ses conséquences) appelle “la petite ère glacière”.
    Comment nourrissez-vous le peuple quand les blés gèlent en Juillet, qu’il neige en Mai, puis au mois d’Août, que toute récolte pourrit sur pied et ceci pendant près d’un siècle ?

    La misère de la France, ce n’est pas l’Ancien Régime, c’est la république.

    “Surtout ! Ne donnons pas la parole au peuple ! Il est pour le Roi.”
    Robespierre

    “Qui n’a pas vécu sous l’Ancien Régime ne connaît pas la douceur de vivre”.
    Talleyrand

    “En France, l’Histoire de France est écrite par les ennemis de la France”.
    Fustel de Coulanges

    “Gouverner les hommes, ce n’est pas les asservir”.
    Louis XVI

    Et pour finir en beauté… républicaine :

    “Il faut tuer les femmes parce qu’elles sont l’organe reproducteur, les enfants parce qu’ils sont des assassins en puissance, les vieux… parce qu’ils sont les deux.”
    Robespierre (9 thermidor – à propos de la Vendée)

  • Français désabusé , 30 septembre 2014 @ 15 h 48 min

    L’ancien régime était moins corrompu, c’est pour vous dire l’horreur de celui-ci!

  • jsg , 30 septembre 2014 @ 18 h 11 min

    Je suggère une immense manifestation ou tout le monde serait habillé de blanc.
    Et si un journaleux demande pourquoi, il serait opportun de lui répondre que les Français en ont assez d’être en foncé….

  • tournesol , 30 septembre 2014 @ 18 h 50 min

    Une bonne nouvelle et un espoir, 4000 grands électeurs ont voté pour le FN, des électeurs de droite et de gauche.
    Un espoir donc que l’UMP éclate et qu’il rejoigne Marine LE PEN qui ne traîne aucune casserole avec son parti de patriotes pour la France et les Français.

  • vu de sirius , 1 octobre 2014 @ 13 h 01 min

    Je n’aurai qu’un commentaire à faire : méfions nous du “marais” centriste! 40 sénateurs UDI, c’est beaucoup trop! j’aurais préféré avoir 40 sénateurs FN!

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