Le Père Noël est un banquier, et c’est une ordure !

La pause temporaire que connaît l’Europe sur l’euro et la trêve des confiseurs nous font (un peu) oublier la crise. Seule, cette année, Chypre aurait pu attirer notre attention sur la situation, mais il est vrai que les mécomptes de l’économie française et des pilotes incertains qui la commandent, suffisent à nous occuper l’esprit. Et pourtant, nous sommes tous des Chypriotes ! Deux accords signés à l’échelle européenne concernent le système bancaire, ils sont présentés comme des “avancées” dans un langage convenu, jugeons-en plutôt.

Premier accord : les banques qui perdent de l’argent pourront se payer, comme à Chypre, sur leurs clients. Pas avant deux ans, nous dit-on. Mais il y a bien eu un accord conclu le 11 décembre 2013 prévoyant, non pas une aide des États en cas de faillite des banques, comme lors de la survenue de la crise en 2008 (au vu des déficits publics, c’est devenu impossible), mais bien une ponction sur les actionnaires, les prêteurs (obligations) et… les clients, c’est-à-dire les déposants. Mais, me répondrez-vous, pour ces derniers, il faudra que la banque le demande. Que nenni ! Les miracles du numérique et de l’Eurocratie réunis permettent d’ores et déjà 8% de prélèvement et plus si affinités. Voici donc un OFNI, un objet financier non identifié, un prélèvement obligatoire privé ! C’est ainsi qu’à Chypre, les dépôts supérieurs à 100 000 euros ont connu un prélèvement allant jusqu’à 37% et, pour la « machine à laver”, les fonds russes jusqu’à 60% ! On se rassurera à bon compte en se disant que ce sont là des sommes élevées voire des fonds de provenance douteuse. Certes, mais chacun sait que la séparation entre l’argent des clients et les fonds spéculatifs est très ténue et qu’aux USA depuis la liquidation du Glass-Steagall Act pris sous Roosevelt (plus de séparation entre dépôts et spéculation) et en Europe à l’imitation des USA, ces messieurs prennent des risques avec votre argent mais se montrent frileux pour financer votre petite entreprise ou votre achat immobilier.

Car rien n’a vraiment changé depuis 2007. Ainsi, la valeur virtuelle des produits dérivés dépasse son niveau d’avant-crise, soit dix fois le PIB mondial. Ces produits dérivés sont détenus, entre autres, par la BNP, la Société Générale et le Crédit agricole et représentent une valeur de 40 fois le PIB français (2 000 milliards) et je n’ose pas la comparaison avec les fonds propres desdites banques ! Cette démence financière peut encore nous exploser à la figure. Tout cela indique bien où est le pouvoir : pas vraiment à l’Élysée ni même à Bercy qui mangent dans la main des banquiers, comme les “autorités” européennes, en témoigne la décision du 11 décembre.

Sortir des banques ?

Bien sûr, quand on prend conscience de tout cela, le réflexe est de se débancariser, de vider son compte. Mais nous sommes tous des captifs : il y a belle lurette que les ménages sont entrés en banque, depuis les années 70, et que l’essentiel de leur transactions se fait en monnaie scripturale. Difficile donc d’y échapper, sauf à acheter de l’or. Mais, payer sa crémière ou son percepteur ainsi paraît difficile, même dans un contexte de niveau de vie massacré. Nous nous acheminons donc, en France, vers un modèle grec ou espagnol et portugais. N’oublions pas que la déflation n’est pas un assainissement, ou tout au moins elle n’est pas que cela, elle est surtout une formidable contraction de l’économie. Le Conseil de l’Europe s’en est aperçu, lui qui note un “développement inquiétant de la pauvreté des familles”, surtout en Europe du Sud. La France est au Sud, elle y plonge par toutes ses racines culturelles, elle y plonge désormais par ses paramètres économiques.

Deuxième accord le mardi 17 décembre : les grands argentiers de l’Eurogroupe ont préparé les dossiers en vue de la construction d’une union bancaire. En substance, il s’agit de faire en sorte qu’en cas de crise, la solution soit trouvée par les institutions européennes et non par les États. Dès le 1er novembre 2014, la surveillance des 6 000 banques européennes sera confiée à la BCE. Voilà un pas vers le fédéralisme si l’on sait lire ! Michel Barnier, commissaire chargé du Marché intérieur, se réjouit que cette union bancaire (soit) “la condition de la stabilité financière (qui) permettra aux banques de faire leur travail qui est de prêter à l’économie réelle”. On ne peut que tomber d’accord, puisqu’en substance, il s’agit, via les États, d’éviter que le contribuable paye pour les banques! Il s’agit là d’une mutualisation du risque bancaire et les Allemands par la bouche de Wolfgang Schaüble, ministre confirmé de l’Économie dans la grande coalition, y voient un risque de “violer la souveraineté bancaire” des États. Mais le véritable problème n’est pas là : il est prévu qu’il faudra 10 ans pour mettre en place un fonds de résolution (des faillites bancaires) doté de 60 milliards d’euros. À comparer aux montants cités plus haut des produits dérivés français, c’est ridicule. La Deutsche Bank à elle seule, c’est plus de 50 000 milliards de produits dérivés. Que se passera-t-il en cas de faillite d’une grande banque européenne avec un filet de sécurité (Back Stop en jargon européen) aussi petit et encore en gestation ? Pour l’heure, l’esprit de l’accord reste sur le secours des États dont on sait désormais les limites. Il y a bien aussi le MES, Mécanisme Européen de Stabilité, mais ses réserves sont très inférieures au potentiel de dettes et il s’est avéré manquer de moyens dans la crise financière espagnole. Pour l’heure, on voit bien que les solutions sont remises aux calendes grecques tandis que les problèmes sont aux ides de mars ! Compte-tenu des ces perspectives, je conseille le carpe diem pour Noël ou, mieux, l’espérance chrétienne.

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10 Comments

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  • xrayzoulou , 29 décembre 2013 @ 16 h 59 min

    Oui, nous sommes dans de sales draps ! La banque aux ordres du gouvernement et de l’Eurobanque risque de nous plomber bientôt.Il n’y a pas d’alternative à la banque ! On est obligés de passer par celles-ci. Quand on a du fric, ils déroulent le tapis rouge, sinon le conseiller ou la conseillère (pour mon cas) ne se déplace pas à l’instar de son prédécesseur qui, si il n’était pas occupé, venais dire bonjour. Et fait son travail en dépit du bon sens et me prend de haut si je fais une remarque !
    J’ai envie de rendre ma carte bleue (payante) mon chéquier et retirer tout mon argent de la banque, mais il faudrait une alternative à cette façon car on est prisonnier de cette institution (en plus ils ont vite fait de prendre des agios, des frais etc….
    Et l’état voleur ne nous lâchera pas. Nous allons descendre plus bas que la Grèce, l’Espagne, et le Portugal !

  • conseillère , 29 décembre 2013 @ 18 h 06 min

    Puisque vous dites que je suis à l’instar de mon prédécesseur, cela veut dire que vous appréciez ma politesse… me trompe-je ou vous pas être Français?
    Dans ce cas, reprenez vos agios et retournez dans votre pays!

  • Psyché , 29 décembre 2013 @ 19 h 49 min

    Excellent article de NDF nous mettant en garde sur le risque bancaire latent et sur les solutions nouvellement mises en place par l’europe et par les gouvernements nationaux pour faire payer les clients de la banque en premier en cas de faillite bancaire (validation du cas Chypriote …)

    Dans cet ordre d’idée, je vous recommande également ce post du Blog à Lupus, très bien documenté sur le sujet.

    http://leblogalupus.com/2013/12/16/les-clefs-pour-comprendre-du-lundi-16-decembre-2013-toucher-aux-depots-bancaires-cest-la-bombe-atomique-dans-les-mains-de-fous-par-bruno-bertez/

    En conclusion, c’est à chacun de se faire une idée mais je vous conseillerais quand même de diversifier au maximum les avoirs, de mettre de l’or au coffre, de ne pas conserver plus de 50.000 € en liquide dans une même banque, de ne pas être lié à une seule banque, d’envisager l’immobililier, de conserver de quoi tenir 2 semaines en argent liquide toujours disponible, d’ouvrir de suite un compte dans une banque non-systémique (oui il y en a !) et pour ceux qui ont un gros capital, ce qui n’est pas mon cas, d’ouvrir un compte à l’étranger à condition de bien choisir son pays de destination et si possible dans un pays hors zone euro et non concerné par le transfert automatique de données.

  • Charles , 29 décembre 2013 @ 20 h 25 min

    Que du Bonheur:
    La presse UMPS/UERSS est en train de couler en France.
    -600 journalistes virés en 2012.(& 600 non journalistes)
    -300 journalistes virés en 2013.
    -Une estimation de 600 virés en plus en 2014.

    Les bobos boivent le bouillon.
    Les dirigeants sont pris entre 2 feux qui s’auto-alimentent:
    Les Annonceurs baissent leurs annonces publicitaires dans un marché atone.
    Les ventes au numéros (kiosques) continuent de baisser.

    La quasi totalité des titres sont touchés,quotidiens et magazines.
    Des chutes de diffusion entre 6 et 10% sur 12 mois,ce qui est grave.
    Les ventes en kiosques s’effondrent pour les quotidiens Bobos.
    Libération,Le Monde, passent sous les 50.000 exemplaires en kiosques.
    Aujourd’hui est également dans la tourmente.
    Le Nouvel Obs est touché et personne n’en veut…

    http://www.lamanchelibre.fr/national-9330-2013-annee-noire-pour-presse-papier.html

  • Psyché , 29 décembre 2013 @ 20 h 53 min

    à Charles pour compléter, François Hollande a annulé les dettes de l’Huma envers Bercy, plus de 4 M€, tout de même pas une paille.

    http://www.observatoiredessubventions.com/2013/le-gouvernement-annule-une-dette-de-4-millions-de-l-humanite/

    Pour info voici les actionnaire de l’Huma, 20% détenus par Hachette-TF1-Caisse d’Epargne, pas des indigents et donc qui POURRAIENT PAYER LEURS IMPOTS !

    Le capital de l’Humanité est réparti ainsi :
    – 20% sont détenus par la Société des lecteurs et lectrices de l’Humanité
    – 20% par la Société Humanité Investissements Pluralisme (Hachette-TF1-Caisse d’Epargne)
    – 10% par la Société des personnels de l’Humanité
    – 40,71% par des actionnaires individuels (représentant le Parti communiste)

    Le gouvernement de l’Islande, lui, a annulé les dettes des particuliers !

  • Psyché , 29 décembre 2013 @ 21 h 00 min

    La Suisse a elle aussi des banques systémiques, c.a.d. à risque et “too big to fail” et pour vous rassurer, elle est sur le même chemin que l’Europe.
    Pour sauver ces banques, elle prépare la confiscation des avoirs des particuliers clients des banques.

    ww.loretlargent.info/crise/confisquer-l’epargne-des-particuliers-afin-de-sauver-le-systeme-bancaire-suisse/11468/

  • Psyché , 29 décembre 2013 @ 21 h 01 min

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