Quelle laïcité pour la France ?

Il y aura un « après 11 janvier », nous dit-on. La « marche républicaine » ouvrirait une ère nouvelle, la barbarie devrait être anéantie, l’union nationale devrait se prolonger. Qui ne se réjouirait de telles perspectives ? Mais je m’interroge sur les arguments et les moyens envisagés pour bâtir une France nouvelle, du moins à court terme.

Mon scepticisme est total quand j’entends que l’on met la laïcité au cœur du dispositif de renaissance nationale. Certes la laïcité pourrait être la solution si on la concevait comme le principe du libre choix individuel de sa religion. On parlerait alors de « laïcité libérale », reconnue comme un droit fondamental de tout être humain. Mais elle est devenue le problème du jour où elle est devenue « laïcité d’Etat », interdiction de se référer à une religion dans la vie publique, dans toute relation sociale. Dieu doit être exclu de la société et l’Etat doit y veiller. Et il y a veillé avec beaucoup de soin à ce jour.

Depuis plus d’un siècle, la gauche milite pour un « service public unique et laïque de l’Education Nationale », le fameux Spulen du programme commun formulé en 1973. Le monopole d’Etat a complètement failli, parce qu’il n’a que faire de la religion, puisqu’il est lui-même religion. La laïcité est devenue « le nouveau Christianisme » comme disait Saint Simon au début du 19ème siècle pour expliquer la naissance et le développement de la religion socialiste.

Mais y a-t-il une religion sans Dieu ? Chassez le naturel, il revient au galop. Par nature imparfait, l’être humain est en recherche de perfection. Il aspire à donner un sens à la vie, à sa vie. Les religions monothéistes sont des passerelles avec Dieu. Retirez les passerelles et c’est la chute. C’est le vide religieux sidéral. Il crée un appel d’air dans lequel vont s’engouffrer tous les orphelins de Dieu.

C’est sans doute ce qui a attiré tant de jeunes vers une religion qui avait au moins un mérite : elle existait, elle signifiait (à tort sans doute) la victoire sur tous les autres, y compris les plus puissants. Nul doute que l’ambition politique des dirigeants islamistes, et surtout des sunnites qui ont toujours prôné un Islam mondialisé, ait fait beaucoup pour diffuser le « rêve musulman » et le transformer en réalité barbare. Mais cet impérialisme et ce radicalisme n’auraient pas reçu autant d’adeptes s’il y avait eu en face quelque ferme croyance des « incroyants ».

“La concurrence des religions est le seul moyen d’éviter les guerres de religion.”

L’incroyance est à son tour la conséquence du système éducatif. Qu’il y ait ici carence de la famille et de l’école, et les jeunes sont livrés aux manipulations de toutes sortes. Il serait temps de revenir à une vraie liberté religieuse, qui inclut en particulier une vraie liberté scolaire : la possibilité d’ouvrir des établissements vraiment autonomes où l’on pourrait parler de Dieu aux enfants et aux jeunes. Ici, on objecte souvent le danger des écoles coraniques, mais combien de temps pourraient-elles supporter la concurrence des écoles religieuses, catholiques, juives ou protestantes, qui exercent aujourd’hui un tel attrait sur les familles, en dépit des privilèges et des interdits qui permettent à l’Etat de garder la main sur l’ensemble du système d’enseignement ? Ce n’est pas par hasard que l’on voit à nouveau autant de jeunes dans les églises, ou dans les « manifs pour tous » : la majorité d’entre eux sont issus de l’école libre – fût-elle en liberté surveillée. Mais ces jeunes sont des privilégiés, ils ont échappé, avec l’aide de parents croyants, aux délires intellectuels et pédagogiques de l’Education Nationale : ils n’ont pas été élevés dans la religion d’Etat.

La concurrence des religions est ainsi le seul moyen d’éviter les guerres de religion. Gary Becker, prix Nobel 1992, rappelait à juste titre que les vertus de la concurrence s’expriment dans tous les domaines, et pas seulement entre les producteurs. La concurrence est exigence, elle doit répondre aux attentes. Elle seule peut donc combler le vide religieux où la laïcité d’Etat a précipité les jeunes générations.

“Il serait peut-être temps de se convertir au christianisme, ou à toute autre religion concurrente, si l’on veut en finir avec la religion d’Etat, qui engendre le vide religieux et multiplie les conversions à la chaîne, les conversions qui enchaînent.”

Je ne fais pas pour autant l’apologie du relativisme : si le choix est entre toutes religions, certaines répondent sans doute mieux à la liberté et la dignité de la personne humaine. Le chemin de la Vérité n’est ni facile, ni unique ; et la découverte de Dieu procède d’une démarche personnelle, éclairée sans doute et par l’éducation et par la grâce divine.

Il serait peut-être temps de se convertir au christianisme, ou à toute autre religion concurrente, si l’on veut en finir avec la religion d’Etat, qui engendre le vide religieux et multiplie les conversions à la chaîne, les conversions qui enchaînent.
Comme d’autres l’ont dit, la crise dans laquelle l’Occident s’est plongé n’est pas essentiellement économique, elle est sociétale, elle est politique, elle est morale. Et l’Occident ne s’en sortira qu’au prix d’une renaissance spirituelle. Des millions de Chrétiens d’Orient persécutés ont aujourd’hui le courage de nous montrer la voie.

Que la foi se perde et la peur grandit. La peur sème la haine, engendre la xénophobie, assimile l’immigration à une croisade. « N’ayez pas peur !» : la célèbre apostrophe de Saint Jean Paul II a trouvé un écho dans le « Nous n’aurons pas peur » du 11 janvier. L’après 11 janvier ne peut être salutaire que s’il rompt avec la laïcité d’Etat et libère la foi.

> Cette tribune a d’abord été publiée par l’ALEPS sur Libres.org.

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18 Comments

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  • Louis Ferdinand Baron von Wetzler , 30 janvier 2015 @ 10 h 47 min

    Je ne suis pas Charlie même si je pleure l’exécution brutale de mes confrères journalistes et des autres victimes de ces bras armés par le Coran sanguinaire brandi par les fanatiques de l’État islamique.

    Je ne serai jamais Charlie car cet hebdo reste pour moi un torchon qui méritait son faible tirage mais sûrement pas sept millions d’exemplaires. Je me rassure en affirmant que ce fabuleux tirage fera long feu malgré la publicité indécente faite autour d’un carnage. Mais la France n’est pas et ne sera jamais Charlie sauf pour une minorité de bobos ou de gens qui, par crainte du voisin, n’osent pas ne pas afficher le logo, assez stupide si l’on y réfléchit bien, de « Je suis Charlie ». Alors, pourquoi tous ces Français sont-ils descendus dans la rue ?
    Parce que, le matin du 8 janvier, ces marcheurs se sont réveillés d’une longue torpeur dans laquelle nos chers médias les avaient plongés. Ils ont eu peur de la réalité survenue au cœur de Paris, et ont répondu massivement à l’appel de l’Élysée. Appel relayé via un matraquage médiatique sans précédent les invitant à s’outrager de ces attentats. La cellule de communication de l’élysée avait su réagir magnifiquement pour récupérer les avantages d’un tel massacre qui, s’il avait concerné l’exécution à la kalachnikov de la rédaction de Boulevard Voltaire, de Présent ou de Minute, n’aurait réagi que par un communiqué lambda.
    Cette réalité, c’est l’effet frontières ouvertes à tous ; cette réalité, ce sont les jeunes de nos banlieues qui ont massivement applaudi leurs frères en religion Coulibany et Kouachi ; cette réalité, c’est le Coran dont on a appris qu’il était en rupture de stock « depuis les évènements » ; cette réalité, c’est ce mot que ne veulent pas prononcer nos dirigeants, celui d’islamisme car forcément, dans « islamisme » il y a l’islam. Un islam qui, en 40 ans, s’est taillé une place impériale dans notre pays. Avec plus de 2.200 mosquées, des voiles en veux-tu en voilà, du halal partout, etc.

    Pourquoi ces marcheurs républicains sont-ils descendus dans la rue ? Ils étaient là « contre le terrorisme » ! Pas contre l’islamisation de leur pays. Oh, je ne généralise pas puisqu’il est évident que le radicalisme ne concerne que 10 % des musulmans installés en Europe. Mais 10 % rien qu’en France cela donne 600.000 radicaux… Et même en enlevant les enfants de ce nombre, on arrive à quelques centaines de milliers de bras qui, du jour au lendemain, peuvent se retourner contre nous.

    Quel plaisir Abd-Er-Rahman, le vaincu de Poitiers, a-t-il dû retirer en regardant de son paradis, cette grande « marche républicaine » suivre sagement un Président hier au ban de la nation et, ce jour-là, paradant fièrement entouré de 50 leaders mondiaux, et devenu grand chef de la lutte anti-terroriste qu’il ne veut surtout pas identifier.

    Et pourtant, s’il avait lu Malraux, qui, en 1956, écrivait : “Le monde occidental ne semble guère se préparer à affronter le problème de l’islam… [les immigrés] préféreront conserver leur misère à l’intérieur d’une communauté musulmane. Leur sort sans doute restera inchangé. Nous avons d’eux une conception trop occidentale. Aux bienfaits que nous prétendons pouvoir leur apporter, ils préféreront l’avenir de leur race. L’Afrique noire ne restera pas longtemps insensible à ce processus. Tout ce que nous pouvons faire, c’est prendre conscience de la gravité du phénomène et tenter d’en retarder l’évolution.” C’est d’un bien mauvais présage…

    Floris de Bonneville

  • HIBISCUS , 30 janvier 2015 @ 11 h 28 min

    Pourquoi les islamistes viennent ils s’installer en terre chrétienne, si ce n’est pour
    l’envahir et l’occuper définitivement comme c’est déjà le cas dans la plupart de nos
    villes françaises. Des quartiers entiers complètement islamisés, des commerçants
    ne vendant que du hallal, des restaurants kébab, des magasins avec des bâches
    musulmanes en vitrine. Et des mosquées comme s’il en pleuvait, plus de 4200 ont
    été recensées. Il est insupportable de se sentir étranger dans son propre pays.
    J’attends 2017 pour voter Marine Le Pen, car elle est la seule à proposer la fermeture
    de nos frontières et l’arrêt de l’immigration musulmane intensive.

  • marie _france , 30 janvier 2015 @ 11 h 39 min

    @ H ibiscus,ne vous faîtes aucunes illusions ,Marine le Pen ,ne passera pas,elle aura toujours les biens pensants de la droite et gauche qui s’uniront pour lui faire barrage,nous en aurons un “échantillon” avec les élections dans le Doubs ou l’ump,donnera “ses” voix au ps il l’a dis

  • HIBISCUS , 30 janvier 2015 @ 11 h 55 min

    Pas si elle fait plus de 50% de voix. Mince il faut que les français réagissent, qu’ils
    défendent leur pays, ou est passé l’esprit combatif et révolutionnaire????

  • Daniel PIGNARD , 30 janvier 2015 @ 12 h 06 min

    Un tableau montrant un parallèle intéressant entre le catholicisme et la shoah, nouvelle religion d’Etat:
    http://leschroniquesderorschach.blogspot.fr/2015/01/le-massacre-de-charlie-hebdo-permis-de.html

  • Quéniart , 30 janvier 2015 @ 12 h 18 min

    comme l’a dit le sieur valls “je suis attaché éternellement a israel”,quand même,on se demande ce qu’il fiche en France,et, il n’est pas le seul il y en a tout autant dans les autres partis de l’umps fn udi et ça se dit français,mais tout les ans ça va aux diners du crif et chanter la hatikvah l’hymne israelien

  • HIBISCUS , 30 janvier 2015 @ 12 h 31 min

    Les juifs peuvent bien penser et croire ce qu’ils veulent, je m’en contre fiche.
    Ils ne sont ni barbares ni sauvages, et ne sont pas des terroristes.
    Le compagnon de ma soeur est juif, et malgré une pratique intense de sa religion, il
    s’intègre parfaitement, allant même à l église quand cela est nécessaire (baptême, décès).
    Idem pour ma soeur catholique.

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