Pitié pour Mohamed Merah

Tribune libre

Faut-il plaindre Mohamed Merah ? Le titre est volontairement provocateur car l’interrogation demeure, au moins chez certains, non sans juste raison.

Une monstruosité peu commune

Le tueur de Toulouse et de Montauban a marqué la France d’un sinistre souvenir. Convaincu d’agir au nom de sa religion, il a froidement abattu trois militaires, qui, revenant d’Afghanistan, avaient porté haut les couleurs de la France à l’étranger. Et si c’est sur le sol Afghan qu’ils ont bravement risqué leur vie pour la France, c’est sur celui de leur patrie qu’ils sont finalement morts pour elle. La France a mal lorsque ses fils se font tuer et l’émotion était palpable. Dès les premiers jours de l’enquête, la France retenait son souffle. Il fallait arrêter l’assassin. La Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et son patron en personne se chargeaient de l’affaire. Il fallait que le meurtrier fût mis hors d’état de nuire, il fallait que le meurtrier payât. Après tout, ce n’était que justice.

Quelques jours plus tard, c’est la consternation. Le même homme abat froidement trois enfants et un enseignant à l’entrée et dans la cour de l’école confessionnelle juive Otzar Hatorah à Toulouse. Sans pitié aucune pour ses victimes, il n’hésite pas à tirer sur un homme qui essayait de protéger ses deux jeunes fils de 3 et 6 ans ainsi que sur l’un des enfants rampant à terre aux côtés des corps de son père et de son frère. Il n’hésite pas non plus à poursuivre et à traîner par les cheveux une fillette de 8 ans, avant de lui coller un pistolet sur la tempe et de presser la détente.

S’attaquer à ses militaires est déjà une blessure pour la France, mais en s’acharnant sur ses enfants, Mohamed Merah lui a lacéré le cœur. La justice allait être d’autant plus implacable que l’assassin exprimait « le plaisir infini » qu’il avait eu à abattre ses victimes.

En une semaine, Mohamed Merah, jeune homme de 23 ans, est devenu un tueur en série. En une semaine, il est devenu l’homme le plus détesté de France.

L’homme le plus détesté de France

« La France a peur ! » s’exclamait un journaliste il y a quelques années. Une fois Merah encerclé, la France n’avait plus peur, elle criait « vengeance ». Pendant 24 heures, les conversations des Français ont tourné autour de l’affaire Merah et les conclusions étaient souvent les mêmes. Au bureau, dans la rue ou dans les cafés ! Du bobo parisien au Français de province, la sanction était unanime : « il faut tuer ce porc ! », « aucune pitié pour les tueurs d’enfants ! », « ce genre de type, il faut le castrer ». Des Français, qui d’ordinaire se prononcent fermement, parfois naïvement, contre la peine de mort, exigeaient tout aussi fermement son application immédiate. Du côté des hommes politiques, les réactions fusaient sans ambages. « Ces crimes ne sont pas ceux d’un fou. Un fou est irresponsable. Ces crimes sont ceux d’un fanatique et d’un monstre », déclare alors Nicolas Sarkozy. Lionnel Luca salue « la mort d’un salaud ». Alain Juppé décrochait la palme du manque de charité fraternelle en déclarant à propos d’un père qui venait de perdre son fils : « si j’étais le père d’un tel monstre, je me tairais dans la honte ». Non Monsieur Juppé, aucun homme n’est un monstre. Il n’y a que des êtres humains qui commettent parfois des monstruosités.

« Je crois qu’il n’y aura pas beaucoup de Français pour verser une larme », a affirmé Marine Le Pen. Verser une larme, peut-être pas mais compatir peut-être un peu…

Pitié pour celui qui n’en a pas eu

François Bayrou a naïvement pris en exemple « les cités, ce qui se passe autour de l’emploi, ce qui se passe autour de l’école, le fait que notre société n’arrive plus à intégrer ceux qui naissent sur son sol et (sont) souvent nés de parents nés eux-mêmes », pour comprendre, en partie, le passage à l’acte de Merah. Non, Merah avait le choix et la possibilité de devenir un criminel ou un homme honnête. Il a délibérément choisi la voie du meurtre. L’État avait donc le devoir de rendre justice pour préserver le Bien Commun dont il a la charge, fût-ce en lui ôtant la vie.

Toutefois, est-ce une raison de le crucifier sur l’autel de la surenchère ? L’empathie qui n’a pas effleuré Alain Juppé, le père d’Abel Chennouf, un des militaires abattus par le tueur, l’a semble-t-il comprise. Il a adressé ses condoléances à la mère de Mohamed Merah, lui exprimant sa sincère compassion. S’il est juste que la compassion aille en premier lieu aux victimes et à leurs familles, ne doit-elle pas visiter également celle du tueur?

Ne faudrait-il pas rechercher dans « le plaisir infini » que le tueur prenait à tuer ses victimes, une raison supplémentaire de compatir à la fin qui l’attend ? Plus un acte est abject, plus il est nécessaire de mettre hors d’état de nuire son auteur, mais également d’être profondément désolé à l’endroit de celui qui l’a commis.

À l’occasion des débats qui ont émaillé l’Affaire Merah, la voix de la sollicitude et de la miséricorde a été étouffée par celle du ressentiment. Une fois celui-ci décédé, est-il encore utile de piétiner la mémoire du tueur ?

Si l’islamisme a motivé Merah à devenir un tueur, c’est toutefois le catholicisme qui lui offre la plus grande chance de rédemption. La Religion qui connaît la Miséricorde divine, fruit de l’amour inconditionnel et infini que Dieu porte à ses enfants, quelques soient leurs actes, semble être la seule mère qui tende encore les bras au « tueur en scooter ». Si le désir de vengeance s’entendait partout en France, c’est dans la bouche d’une jeune fille catholique que j’ai entendu la première expression de charité sincère pour ce « pauvre homme ». « Pauvre homme ? », l’interrogeais-je. “Oui pauvre homme“, me dit-elle car « les petits innocents qu’il a tués monteront tout de suite au Paradis. Ils connaitront le bonheur dans les Cieux et tout le monde priera pour eux alors que personne ne prie pour lui, bien qu’il en ait plus besoin ». Et de poursuivre : « j’espère que la Vierge Marie lui ouvrira ses bras et l’accueillera comme une mère qui pardonne à son fils ».

La France a apposé le terme « Fraternité » à sa devise. Souvent galvaudé par la gauche, le mot a pourtant une signification bien précise et plus conservatrice qu’on voudrait nous le faire croire. Il dresse le constat que nous sommes tous frères. Cette « Fraternité » vient du fait que nous provenons tous d’un même Père. Or peut-on en vouloir à un membre d’une même famille de pleurer la mort d’un frère meurtrier qui n’exprime aucun repentir ? Ne devrait-on pas, au contraire, lui faire l’aumône d’un peu d’amour, alors même que ce sentiment semblait avoir déserté son cœur ?

La France est souvent décrite comme « la fille aînée de l’Eglise ». N’est-ce pas justement aux aînés de montrer l’exemple ? S’il est juste que les actes de Merah soient condamnés, il est tout aussi juste et sain de souhaiter le meilleur pour un frère, quels qu’aient pu être ses actes. Pour les catholiques certainement, mais également pour les non croyants, il est bon, non pas de voir le diable en Merah, mais de souhaiter, tel le Bon larron, qu’il se soit repenti et peut-être, un jour, le retrouver au Ciel, non en raison des crimes qu’il a commis mais malgré eux. A moins d’avoir déjà, soi-même, renoncé à cette Fin…

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20 Comments

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  • 0 / 10
  • Steph , 31 mars 2012 @ 21 h 54 min

    En revanche, celajun, je suis prêt à parier que vous n’avez pas 40 ans, mais plutôt 23 ! ;=)

  • LE PRAT , 2 avril 2012 @ 8 h 39 min

    C’est beaucoup de polémiques pour rien. D’une part on ne demande pas aux hommes de pardonner ou pas, à d’autres hommes, Dieu seul pardonne. Le qualificatif de monstre n’a aucun sens, tant on l’applique à tout et n’importe quoi, il n’est que le fruit d’une stérile colère vis-à-vis de ceux qu’on a pas su ou pu empêcher de nuire. Rendez à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César, cela calmera les esprits.

  • Benoît , 2 avril 2012 @ 9 h 31 min

    Très bel article !!

    La responsabilisation des personnes, la dureté de la sanction et le refus de toute forme de médiocrité n’empêchent nullement la compassion et la charité !! Oui ce type a gravement fauté, et oui nous devons le pardonner ! C’est ainsi que Jésus l’entend, et c’est ce qui fait de notre religion la seule et vraie foi !

    Personnellement je prie pour lui. Imaginez sa souffrance quand ses yeux se sont ouverts devant la réalité de Dieu et l’horreur de ses crimes…

    Bien à vous tous !

    Benoît

  • Isabelle Morguill , 2 avril 2012 @ 14 h 31 min

    (Oui, ok pour le 2°, mais pour le premier point, ça dépend. Qui est “on” ? César ou Dieu ? Si c’est Dieu, le Christ ne nous a-t-il pas enseigné la prière suivante : “Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés…” Une pensée pour Monsieur d’Elbée et son célèbre Pater au passage ! Mais je crois que Pierre écrivait bien en tant que chrétien.)

  • guillaume , 4 mai 2013 @ 8 h 39 min

    Je partage assez votre opinion ….

  • guillaume , 4 mai 2013 @ 9 h 07 min

    Le problème à mes yeux est que si le pardon Chrétien est mal compris, ce “concept” abouti très vite à la notion de compréhension et par conséquent d’excuse; un peu comme un père qui pardonne à son enfant et lèverai la punition.
    Le fait de dire que quelque soit la faute l’homme sera pardonné n’est ce pas aussi pour certain une incitation à fauter? Il est plus facile de s’en prendre au chrétien qui pardonne qu’à d’autres qui châtient.

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