Mieux qu’une monarchie : la démocratie sans le peuple…

La Révolution avait pour but essentiel de faire passer la France d’une société d’ordres, de castes, de privilèges, de corporations et de confréries à une nation de citoyens égaux en droits. Ce n’était pas la monarchie qui était contestée, laquelle a survécu à la nuit du 4 août, moins à celle de Varennes. Elle a encore été célébrée sous sa forme constitutionnelle lors de la fête de la Fédération du 14 Juillet 1790 que nous commémorons tous les ans le jour de la fête nationale. Mais, dieu merci, la Restauration est en marche. Nous avons toujours un monarque, élu, une Marie-Antoinette qui aurait plutôt le statut de la Pompadour, et dont certains, mal intentionnés, craignent une influence à la légitimité douteuse. Mais surtout, nous avons enfin retrouvé le charme de la monarchie finissante, ses affaires du collier, ses lettres de cachet pour embastiller les récalcitrants à la pensée unique, sa justice à deux ou trois vitesses, sa confrérie de la manchette, son oligarchie politique et financière qu’il ne viendrait à l’idée de personne d’appeler « aristocratie », ses finances délabrées, son endettement monstrueux, sa complexité administrative parcourue par les délicieux fumets de succulents fromages. Que plus de deux siècles après la Révolution, la France ait sauvegardé une personnalité aussi constante montre à quel point il était inutile de s’interroger sur l’identité nationale. Certes, elle n’est plus cette grande monarchie chrétienne, le plus puissant des États européens. Certes, son monarque est le Président d’une République, mais il est tout autant que son lointain prédécesseur prisonnier de l’impuissance du pouvoir. Ce sont des détails : la cour est plus que jamais présente et avec elle la caste faisandée qui nous dirige à la godille, un coup à gauche, un coup à « droite ». Son image dans le monde est intacte : le Pays des Droits de l’Homme ? Vous voulez rire ! Celui du luxe, des parfums et du vin, de la licence des moeurs et de la corruption drapée de beaux discours moralisateurs, bref, une société civilisée, un peu décadente, mais qui en tire un charme fou.

“Comme les aristocrates de l’Ancien Régime nourrissaient les philosophes qui allaient les perdre, par le même snobisme, les fortunes d’aujourd’hui financent l’essaim de gauchistes qui peuple de nombreuses rédactions.”

Son portrait a peu changé. La tête est toujours aussi grosse et a même encore enflé. Tout se décide dans notre beau pays entre les portes de Clignancourt et d’Italie, enfin entre la Place des Vosges et le Jardin de Luxembourg. C’est là que se croisent les élus influents, ou influencés, les journalistes vedettes, les juges indépendants, mais politisés, les hauts-fonctionnaires carriéristes, les penseurs et écrivains mondains sans oublier les hommes d’affaires avisés qui financent les gazettes où écrivent les pas encore ci-devant journalistes qui influencent les pas encore ci-devant ministres. C’est dans ce terreau choisi que naît la pensée à la mode, les idées de quelques-uns qui vont devenir l’opinion de tous, la connivence de bon ton des gens qui comptent. Ne pas s’y référer, c’est courir le risque d’être un « beauf », un ringard, ou, plus grave, un conservateur. Comme les aristocrates de l’Ancien Régime nourrissaient les philosophes qui allaient les perdre, par le même snobisme, les fortunes d’aujourd’hui financent l’essaim de gauchistes qui peuple de nombreuses rédactions. Lénine disait que les capitalistes étaient si bêtes qu’ils achèteraient la corde avec laquelle on allait les pendre. C’est Lénine qui était bête : les soixante-huitards maoïstes ou trotskystes qui mènent la danse médiatique s’entendent comme larrons en foire avec des patrons mondialistes pour qui le progrès rime avec l’absence de limite et de frontière, de Marrakech à New-York. La libération de 1968 est réalisée dans le bonheur… pour qui en a les moyens. C’est ce que nos révolutionnaires ont compris en ralliant le côté des moyens. Reste le peuple… les Dupont-Lajoie qui vivent dans leurs quartiers pourris, en attendant d’être remplacés par d’autres. « Après moi le déluge », disait, paraît-il, Louis XV. Quand je vous disais que rien n’avait changé depuis 89. Il voulait du pain. Pourquoi pas de la brioche ? Il veut du boulot, et on lui offre royalement des emplois aidés.

“La gauche fait, la droite ne défait pas.”

La nouveauté, ce sont les élections : des États-Généraux à répétition. Pas grave pour le moment : la gauche fait, la droite ne défait pas. Le référendum est tenu à distance. On jouit d’un pouvoir qui se distingue de plus en plus de la responsabilité puisque des tas de gens qui ne sont pas élus peuvent justifier les décisions désagréables ou l’incapacité de prendre les nécessaires. De l’Europe à la CNIL, une myriade d’instances, d’autorités et d’observatoires en tous genres offrent des retraites confortables et des alibis en or. La démocratie sans le peuple est la plus délicieuse des monarchies. En France, des millions de personnes ont défilé et continuent de se mobiliser contre une loi voulue par la cour et exigée par certains courtisans. Le mépris a très royalement accueilli ce regrettable désordre. Mais tranquillisons-nous : la France n’est pas isolée. Le même processus est à l’oeuvre ailleurs. Ne vient-on pas d’apprendre de nos médias ravis que dans le pays du gentil Obama, une petite majorité de la Cour Suprême, des juges « désignés » avaient piétiné le vote par référendum des électeurs californiens et autorisé le mariage de deux lesbiennes. L’événement a eu lieu après cinq ans durant lesquels le peuple avait – quel scandale ! – suspendu l’application des droits de l’homme. Heureusement la nouvelle conception de ces « droits » n’a plus rien à voir avec le droit naturel et la raison : ils sont désormais plastiques et évolutifs et peuvent à chaque fois permettre de dire au peuple : “C’est le droit ! On ne te demande pas ton avis de facho potentiel !”

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42 Comments

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  • LUC+ , 30 juin 2013 @ 17 h 48 min

    Non bien entendu car qui n’a jamais péché jette la 1ère pierre a dit ‘JESUS ‘ !!! mais je ne suis qu’un pauvre pècheur mon ami !

  • Christiane , 30 juin 2013 @ 17 h 51 min

    En cela, vous avez raison, mais il n’est jamais trop tard pour bien faire à condition de reprendre le combat du bon côté, même si on doit y laisser des plumes. Pour comprendre ce qui, pour certains peut être inexplicable, consultez le site : ” le citoyen engagé. blog. les juifs ont mis la main sur
    l’ UMPS”, tout s’explique et il est clair qu’il n’y a rien à attendre de ces gens-là.

  • xrayzoulou , 30 juin 2013 @ 18 h 18 min

    L’article de Christian Vaneste est un petit bijou, merci. Ces enfoirés et toute leur clique semblent être seuls en France. Le peuple est transparent et ils font leurs petites magouilles pensant que nous sommes bêtes ! mais attention, il pourrait y avoir un nouveau “1789” !

  • LUC+ , 30 juin 2013 @ 21 h 26 min

    POURQUOI DES ‘PSEUDOS’ VOUS AVEZ HONTE DE VOTRE PRENOM ?

  • monhugo , 30 juin 2013 @ 21 h 57 min

    Les raccourcis (sans jeu de mots – cf.le parallèle avec la sinistre Révolution de 1789, développé par Christian Vanneste ici !) sont audacieux souvent, mais le savoir-faire du polémiste est indéniable.

  • PARITEPEREMEREdepuis2000 , 1 juillet 2013 @ 3 h 16 min

    Vous n’avez pas bien lu le Pr Vanneste en tapant ” sinistre Révolution de 1789 ” car l’auteur de cette tribune a clairement mentionné que la monarchie (mais constitutionnelle) faisait partie du programme des activistes du Tiers-Etat au moins jusqu’au 14 juillet 1790 !
    M. Vanneste est suffisamment intelligent cultivé et honnête pour ne pas commettre d’amalgames aussi grossiers que le vôtre.
    Combien de fois faudra-t-il rétablir pour certains néo-monarchistes de surface que 89-90 ne doivent absolument pas être confondus avec 93 ?
    Vous devriez savoir que la plupart des délégués aux Etats-Généraux issus de la paysannerie catholique de l’ouest (notamment des futurs insurgés) étaient très favorables à la “révolution” initiale pour en finir avec les privilèges nobiliaires et aussi ceux du clergé … Régulier … mais sans hostilité envers le clergé Séculier “de proximité” où bon nombre de leurs fils servaient humblement le culte en osmose avec le vrai peuple.
    Ce milieu rural de l’ouest a été successivement écoeuré par
    – l’accaparement des nouveaux biens nationaux par les néo-bourgeois des villes notamment avocats notaires etc
    – les levées de jeunes hommes en masse pour des défenses de frontières sur des menaces le plus souvent fantasmées
    – la provocation administrative inutile et même contre-productive qui a consisté à exiger de son petit clergé séculier des “jurements” au nouveau pouvoir politique alors même que simultanément ce petit clergé penchait initialement avec le tiers-état contre les prélats et les ordres monastiques jugés parasitaires (ces “jurements” sont à rapprocher des serments extorqués par Vichy aux fonctionnaires …).
    La survenue de la crise de 89 est imputable à une aristocratie d’une incompétence politique crasse, qui ne cessait depuis des décennies de faire obstacle à l’aggiornamento nécessaire, voir l’activité des “parlements” qui fantasmaient toujours sur un retour d’une féodalité pure et dure (et d’autre part ces petits hobereaux avaient du mal à placer leurs fils surnuméraires et voulaient renforcer leurs privilèges face à la concurrence intellectuelle croissante des fils de la bourgeoisie économique en plein essor).
    La dégénérescence des événements modérés de 89-90 (monarchie constitutionnelle en vue) en convulsions épouvantables résulte à la fois de cette médiocrité des politiciens nobles et de la défaite des réformateurs face aux pires des exaltés extrémistes.
    Avec plus de chance pour les vrais compétents pacifiques, on pouvait raisonnablement aboutir à un compromis avec une monarchie plutôt symbolique (d’arbitrage suprême et garante de la justice) qui délègue constitutionnellement la chose-publique (res-publica) à des représentants élus.
    On aurait ainsi fait l’économie des atroces guerres napoléoniennes qui sont la pire honte française quand on interroge encore de nos jours toutes les opinions publiques de tous les autres pays européens …

  • Erick , 1 juillet 2013 @ 5 h 50 min

    En accord avec vous avec cependant une petite nuance: pour la responsabilité de la chute de l’Ancien Régime vous faites amalgame de l’aristocratie de “robe” avec l’aristocratie “d’épée”. La première avait effectivement besoin de prendre le pouvoir, pas la seconde.

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