La tragédie-comédie grecque

Avec la probable sortie de la Grèce de la zone euro, certains sont tentés d’évoquer la « tragédie grecque ». Au pied de la lettre, cette expression est assez juste. Dans une tragédie, les contradictions inscrites dans le destin d’un personnage conduisent inévitablement celui-ci vers sa perte. La Grèce qui a inventé la logique, d’une part, et la démocratie de l’autre, se trouve broyée par le choc de l’une et de l’autre.

La monnaie européenne reposait sur une logique, celle de la convergence économique des pays qui l’adoptaient. A l’entrée, il fallait respecter des critères qui garantissaient la possibilité d’utiliser l’Euro. Ensuite, la circulation de la richesse entre les pays utilisateurs devait faciliter leur rapprochement économique et social. Malheureusement, le réel n’est pas toujours aussi rationnel. Alors qu’une monnaie unique suppose un Etat et une politique uniques également, les Etats ont poursuivi des gestions différentes fondées sur de vieilles habitudes. A la rigueur et aux efforts déployés au nord, en Allemagne notamment, a répondu le laxisme et les facilités propres aux pays du sud, privés cette fois de l’arme de la dévaluation pour compenser leur dérive. La France, comme l’Italie font partie de ceux-là. Lorsque les bulles immobilières des uns et les dépenses publiques excessives des autres, parfois les deux, ont été frappées de plein fouet par la crise de 2008, les divergences se sont accentuées. Les taux de chômage les soulignent : l’Allemagne est en-dessous de 5%, la Grèce à 26% et la France à 11%. L’Espagne, également à 26%, a subi un remède de cheval andalou et retombe à 23%.

Les attitudes des différents pays ont assez fidèlement reflété leur tradition sinon leur identité. L’Allemagne a anticipé et accompagné la crise. Forte de son industrie et d’un Mark sous-évalué qu’on appelle l’Euro, elle incarne la vertu. L’Espagne dont les finances nationales n’étaient pas les plus malsaines, mais dont les régions avaient tendance à voir grand, a affronté la crise avec courage lors du retour de la droite au pouvoir. Elle a retrouvé la croissance et les excédents, mais au prix d’une cure d’austérité qui a touché les revenus, la retraite et la dépense publique de façon sévère. La France, ce pays où Dieu est heureux, n’a pas fait grand chose et se situe parmi les cancres qui vivent sur leur poids et leur héritage. Elle dévisse doucement avec un chômage qui augmente quand il diminue ailleurs. La Grèce, entrée en fraude, a alterné les coups de théâtre. Le gouvernement socialiste confronté à la crise et aux vrais chiffres que son prédécesseur avait soigneusement cachés a renoncé piteusement à un référendum sous la pression de la troïka en 2011. Près de quatre ans plus tard, le gouvernement d’extrême-gauche revient au référendum. Entre deux, un gouvernement d’union nationale dominé par la droite a tenté avec quelque succès le régime imposé par les prêteurs. Mais dans le contexte politique chaotique d’une majorité sans cesse menacée, d’une rue surchauffée, et d’une démagogie sans limite de la part de l’opposition, sa route a été cahotante jusqu’à la dissolution et aux nouvelles élections qui ont rendu les sacrifices des Grecs inutiles. Le nouveau gouvernement Tsipras a gesticulé plus qu’il n’a gouverné, entendant malgré les prêts consentis à la charge des contribuables européens, augmenter les impôts, mais ne pas baisser la dépense publique.

Face à cette folie grecque que les pays comme l’Espagne ou l’Irlande supportent d’autant moins qu’ils ont surmonté la crise au prix de lourds sacrifices, les Européens incarnent-ils la raison ? Non, pour deux raisons. D’abord, comment les peuples européens peuvent-ils tolérer ce déni de démocratie qui semble désormais régner sans vergogne à Bruxelles ? En 2011, le président de la Commission, Barroso avait osé dire : « il faut tuer ce référendum ». Aujourd’hui, Jeroen Dijselbloem, président de l’Eurogroupe, interrompt les discussions avec la Grèce dès l’annonce du référendum, tandis que Mme Merkel laisse entendre que les négociations pourront reprendre après. Ou les peuples doivent se taire ou on ne doit pas les écouter ? Curieuse logique démocratique ! Certes, le peuple grec est déraisonnable lorsqu’il veut bénéficier de l’Euro sans en payer le prix, lorsqu’il entend faire porter le poids de la mauvaise gouvernance qu’il a entretenue aux contribuables des autres pays. Mais les dirigeants européens n’ont-ils pas été moins raisonnables encore en instaurant une monnaie politique qui, loin d’être favorable à la croissance, a créé l’illusion de la richesse tout en tuant la compétitivité nécessaire pour la créer ?

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2 Comments

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  • 0 / 10
  • lemans , 1 juillet 2015 @ 10 h 01 min

    Ce n’est pas le moment d,aller se faire voir chez les Grecques

  • nauticat , 1 juillet 2015 @ 15 h 42 min

    bonjour ,comédie tout court ! Qu’est-ce que je disais dans mon post d’hier ?Que cette comédie allait perdurer ,que le référendum même s’il avait lieu serait “bidouillé” ,ou considéré comme nul .
    Et qui est-ce qui va encore faire les frais des magouilles politico- européennes et payer la facture ? Bravo ! vous avez gagné !
    En marge de ceci ,et si la Grèce reste dans l’Euro toujours à mes frais ; J’ai quelquefois amarré mon petit bateau dans les ports Grecs ; j’entends désormais que battant pavillon français ce soit gratuit partout .

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