Critique du catholicisme féminisé

Dans son article sur la réaction conservatrice engagée au printemps 2013, Léonidas Durandal pointe la responsabilité des hommes dans l’échec formel de celle-ci. Ayant traité dans un premier article la face claire de l’implication des femmes dans cette réaction, à savoir la redécouverte de la symbolique spirituelle du féminin, je souhaite ici en traiter la face sombre, à savoir la féminisation du mouvement dans sa philosophie et ses modes d’actions et les conséquences sous-jacentes.

Culture du résultat VS culture du vagissement

“Le cerveau masculin est caractérisé par une pensée systémique, le cerveau féminin par une pensée emphatique”, rappelle le professeur Simon Baron-Cohen. Dans mon précédent article, j’avais signalé que l’engagement prédominant des femmes était lié à la vision intrinsèquement morale du féminin, à prendre effectivement au sens individuel comme le note Durandal. La contrepartie en est la diffusion latente au sein des mouvements d’un esprit de déploration à mi-chemin entre Bécassine et la Bibliothèque rose, si caractéristique de cette « France bien élevée » encensée par la blogueuse Gabrielle Cluzel, au détriment de l’analyse stratégique et de l’efficacité opérationnelle. Le problème en soi n’est pas que cette France bien élevée, hommes comme femmes, soit un peu naïve et ingénue sur les bords. Le problème est qu’elle soit satisfaite de l’être tout en prétendant vouloir agir sur la société, ce qui n’est pas la même chose. Concrètement, le problème n’est pas que la France bien élevée qui s’engage dans le militantisme utilise les notes opérationnelles collaboratives pour exhiber le descriptif de ses ragnagnas par le menu, du type « Je suis une maman, je ne veux pas commettre d’actes illégaux ». Le problème n’est pas qu’elle transforme les conf’ calls par inbox Facebook en dégueuli de niaiseries h24 pour tromper son ennui domestique. Le problème n’est même pas qu’elle aille jusqu’à créer un groupe Facebook secret rassemblant toutes les femmes du staff de son mouvement militant afin de ragoter sur le fait que certains hommes du staff “n’ont pas de couilles” car ils n’ont pas osé imiter les Bonnets rouges. Le problème est qu’elle soit incapable de se remettre en cause et de s’appliquer pour les affaires publiques cette philosophie de contrition et de repentir qu’elle prêche ad nauseam pour les comportements privés. Il n’est du reste pas surprenant qu’un David Van Hemelryck, dont les capacités admirables à mépriser souverainement les instincts maternels mal placés de ceux qui utilisent le chantage affectif geignard et culpabilisateur comme principal mode de relation aux autres, ait été si mal perçu par cette France-là. Comment celle-ci, toute à sa satisfaction de s’être créée un gentil petit univers militant à mi-chemin entre la nurserie et le salon de thé, aurait-elle pu accepter un mâle autoritaire lui faisant bien sentir que ses capacités à pétrir la pâte à gâteau sont sans valeur pour ce qui est de pétrir la pâte sociale, et que ses qualités domestiques, de même que ses maternités multiples, ne lui vaudraient pas plus de considération sur un plan militant que ce qu’elles y valent : rien ?

“La France bien élevée vous emmerde !”, titrait la bloggeuse Gabrielle Cluzel lors de la controverse l’opposant au philosophe Alain de Benoist. C’est exact, Madame Cluzel, les gloussements et les jacassements de cette mijaurée commencent sérieusement à nous les briser. C’est à se demander si une certaine France bien élevée ne le fait pas exprès, au moins inconsciemment. Ce serait compréhensible car, après avoir perdu les pouvoirs institutionnel, symbolique, culturel, spirituel,… bref, tous les pouvoirs, chercher à émasculer ceux qui se battent serait pour elle le seul moyen d’avoir encore un semblant d’influence sur les choses. Cette petite pleurnicherie de bon aloi, ce petit piaulement infâme n’ayant pas pour but de trouver des solutions, ce qui serait symptomatique d’un vulgaire manque d’Être indigne de gens de bonne compagnie, mais uniquement de décharger sa rancœur et sa frustration sur les épaules des autres.

Retrouver le sens de l’héroïsme et du tragique

Il y a maintenant plus d’un an, Nicolas Bernard-Buss était condamné à deux mois de prison ferme pour avoir manifesté sur les Champs-Élysée. Au risque de perdre son procès en appel, Nicolas n’aura pas hésité à transformer celui-ci en tribune contre la politisation de la justice. Que nos adversaires parlent « d’insolence », de « non-respect de l’institution » ou de « fanfaronnade de gamin » était prévisible, et disons-le, de bonne guerre. Que ce type de critiques soient venues de nos propres rangs est par contre proprement écœurant. L’incarcération de Nicolas, transformant un banal étudiant en martyr de la cause, aura eu pour effet de relancer celle-ci au-delà de toute espérance. Or, Nicolas était l’un des rares militants prêt à assumer jusqu’au bout ses convictions, sans haine ni lyrisme suicidaire d’aucune sorte. Là où tant d’autres n’auraient eu pour objectif que de retourner vagir pitoyablement dans les jupes de leur mère, Nicolas était parfaitement conscient du bénéfice immense que son incarcération apportait à la cause, et était prêt à assumer le risque de privation de sa liberté voir de sa vie pour cela. « S’apitoyer sur le sort de Nicolas qui a fait trois semaines de taule serait bien ridicule. Cette bande de chochottes ! », déclarait notamment Gabrielle Cluzel. Ce fantasme maternel qui consiste à imaginer qu’énoncer une vérité avec ce petit mépris caractéristique des mères castratrices est susceptible de la démonétiser est malheureusement un des plus répandus parmi les ouailles de Madame Cluzel. A cette occasion, la majorité des femmes du mouvement, en particuliers les mères, n’ont pas réagi dans l’optique première de faire progresser la cause, mais de rétablir l’intégrité de leur ponte putative au sein de ce substitut de foyer que constitue pour elles certains mouvements militants. Qu’une femme éprouve de la souffrance de voir se rompre le lien entre elle et son fils, que ce soit physiquement par la mort ou spirituellement par son don de soi à la communauté, est naturel. Qu’elle soit incapable de faire abstraction de ses instincts naturels au nom de l’intérêt de la cause, a contrario de la Vierge Marie accompagnant son fils au Golgotha, est une faute morale.

Comme l’explique le psychiatre Guy Corneau dans son livre Père manquant fils manqué, l’individu héroïque est quelqu’un qui tire sa définition identitaire de l’admiration qu’il suscite au sein de la communauté pour laquelle il se bat. Le corollaire est que c’est tout autant la communauté qui dépend du héros, que le héros qui est engendré par la communauté, physiquement et spirituellement. « Je confesse une forme de respect pour les djihadistes partis se battre en Syrie, dont il relève de la liberté d’homme d’avoir choisi cet engagement à haut risque », déclarait l’avocat Gilles-William Goldnadel à l’hebdomadaire Valeurs Actuelles. Les jeunes musulmans partant se battre en Irak le font en raison du soutien au moins tacite que leur apporte une communauté pour laquelle la revanche postcoloniale à caractère religieux représente une motivation prioritaire. Pour les catholiques héroïques prêts à investir leur énergie contre reconnaissance, la problématique est simple : pourquoi aller se battre pour le catholand si c’est pour susciter les même jérémiades qu’un Nicolas Bernard Buss ou le même rejet qu’un David Van Hemelryck, au lieu d’aller faire une carrière en entreprise qui leur apportera bien plus surement ce que promettait un Bonaparte à ses hommes : “honneur, gloire et richesse” ? Napoléon, de Gaulle et Sarkozy, héros au bon comme au mauvais sens du terme, ne sont pas apparus par hasard, mais parce qu’ils ont répondu à un désir de la nation. La question qui se pose collectivement au catholand est simple : a-t-il vraiment le désir d’engendrer des Bob Denard et des Roger Degueldre (photo infra) ?

Si la France bien élevée se refuse à engendrer des héros, se battant pour elle contre rétribution spirituelle, alors elle ne pourra être défendue que par des mercenaires, se battant pour elle contre rétribution matérielle. Il n’est d’ailleurs pas anodin que l’an dernier, un des militants les plus efficaces du mouvement ait été un ancien militaire d’origine colombienne dont la notoriété tient autant à son efficacité sur le terrain qu’à son palmarès féminin et judiciaire. On ne compte plus les réunions de planification opérationnelle passées à écouter les “mamans” déplorer les déboires sentimentalo-sexuels des pauvres petites filles modèles, confondant le militantisme subversif avec les mondanités du prix de Diane et incapables de se retenir d’ouvrir les cuisses à tort et à travers.

Reconstruire un catholicisme masculin

“Le paganisme romain était une religion de fils portant leur père, le christianisme est une religion de mères portant leur fils mort sur leurs épaules”, analyse l’écrivain Pascal Quignard dans son livre Le sexe et l’effroi. Alors que la première allégorie est simple à appréhender, la seconde est facilement sujette à un contresens qui est exactement celui qu’incarne la France bien élevée. Là où beaucoup y voient la mort spirituelle de l’avorton restant soumis à maman, se trouve en réalité le modèle christique de l’homme offrant sa mort physique pour sauver sa vie spirituelle, non pas à sa mère en tant que femme, mais en tant que matrice de la lignée familiale et nationale. Ceci est le point de convergence entre mon précédent article et la réponse de Durandal.

« On ne fait pas la révolution sans poussettes », implorait Gabrielle Cluzel pour justifier la placidité des manifestants de l’an dernier. Il faut effectivement reconnaître une qualité à la France bien élevée : elle pond. Mais comme l’a rappelé Léonidas Durandal, la quantité des ressources humaines ne compense pas leur manque de combativité. « J’offre mes enfants, qu’ils meurent pour la Palestine ! », déclarait à la télévision une mère de famille palestinienne lors de l’Intifada de 2000. La question qui se pose à la France bien élevée est très simple : est-elle prête à assumer la pensée qui sous-tend ce type de discours ? Dans le cas contraire, elle ne pourra que se consoler en se disant que ses fils feront de parfaits eunuques pour garder les harems et que leur bonne éducation donnera toute satisfaction à leurs futurs maîtres.

Le corollaire du contresens commis par la France bien élevée, laquelle peut largement être identifiée à la France catholique, consiste à se revendiquer d’un combat moral, mais uniquement au sens féminin du terme, en entendant celui-ci au sens des comportements individuels. Il est du reste parfaitement logique que l’engagement public de cette France catholique se soit fait sur les questions de mœurs, domaine spécifique où la morale individuelle se confond avec la morale sociale. Le combat sur ce terrain a été sa force, mais il est également sa limite (Cf. une tribune précédente). Si elle veut reconquérir la suprématie politique, la France catholique ne pourra pas faire l’économie d’assumer pleinement le combat pour la morale sociale, masculin par essence, qui dans bien des cas ne coïncide pas voir s’oppose à celui pour la morale individuelle. Concrètement : au nom du devoir prioritaire d’assurer la perpétuation de son corps politique, la France catholique devra réviser le jugement qu’elle porte sur les personnes, en considérant que leur moralité sociale évaluée selon leur contribution à cet objectif prime sur leur moralité individuelle. Au vu de ce qui est en jeu, disons clairement que si la France bien élevée n’accomplit pas cette mutation de son plein gré, il faudra alors la lui imposer de force.

Conclusion : vaincre ou mourir

“Sous l’influence des femmes, la plupart perdirent, non pas l’ardeur du combat, le courage ou la force de mourir, mais plutôt celle de vaincre, la fixe et forte résolution de l’emporter à tout prix. Ils s’adoucirent, n’eurent plus cette âcreté dans le sang qui fait gagner les batailles”, disait Michelet à propos des députés girondins de 1792. Si les catholiques veulent avoir une chance de l’emporter dans la “struggle for life” politique, pour reprendre le mot de Charles Darwin, la première chose à faire est de refaire leur la formule de Carl Schmitt selon laquelle « l’ennemi n’a jamais tort ni raison, il est vainqueur ou vaincu, point final ». Que la France bien élevée soit forte, ou que la France bien élevée soit morte.

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31 Comments

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  • 0 / 10
  • Psyché , 4 août 2014 @ 22 h 48 min

    M Dutrueil, une fois de plus vous délirez et vous participez à une véritable pollution intellectuelle de ce blog.
    Le catholicisme n’est pas intimement européen comme vous l’annoncez, il a bien au contraire une vocation universaliste et ce n’est pas rien si, ne vous en déplaise, il est une des toutes premières religions au monde et sur tous les continents.
    D’où l’incontinance de vos propos.

  • Fikmonskov , 5 août 2014 @ 8 h 47 min

    Le commentaire le plus désespérant du Web… Bravo.

  • Fikmonskov , 5 août 2014 @ 8 h 49 min

    “Il faut revoir au moins le titre de l’article que je n’ai pas eu le temps de lire à l’instant .”

    Donc vous l’ouvrez sans savoir de quoi vous parlez, et vous le clamez fièrement ?

    C’est un concours ?

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