Le repos dominical est sacré, il doit être sanctuarisé !

« Paris pourrait davantage s’ouvrir au travail dominical pour que le dimanche, les touristes fassent les magasins à Paris plutôt qu’à Londres », a estimé hier Nathalie Kosciusko-Morizet (propos publiés aujourd’hui par Direct-Matin). De son côté, Manuel Valls, a précisé, lors de l’université d’été du MEDEF, avant-hier, que le gouvernement allait assouplir la législation concernant le travail dominical, dans la ligne des rapports remis par Jean-Paul Bailly en décembre 2013 et Gilbert Cette en avril dernier.

Face à l’égarement conjoint d’une « droite bobo » et d’une gauche libertaire, oublieuses de nos racines et promptes à remettre en cause les fondements de notre société, il est urgent de rappeler un certain nombre de vérités déjà ébauchées sur mon blog, il y a un an.

D’abord, le repos dominical est conforme à la nature profonde de l’homme qui n’est pas uniquement un consommateur (80kg de matière, comme aimait à dire Marx) mais avant tout un être spirituel et charnel, doué d’intelligence et de volonté, capable de sentiments et d’affections, et dont l’horizon dépasse, quelque soient les croyances de chacun, le cadre matériel de la vie en société. « Toute l’histoire de l’humanité est l’histoire du besoin d’aimer et d’être aimé » résumait dans une formule percutante le pape Jean-Paul II, dans son discours prononcé au Bourget, le 1er juin 1980.  « L’homme ne se nourrit pas seulement de pain » précise de son côté l’Évangile (Lc, IV, 4). Le repos dominical vient donc nous rappeler que c’est l’économie qui est au service de l’homme et non l’inverse. Le jour chômé (seul ou en famille) est à lui seul la justification du travail effectué au cours des six autres jours de la semaine. S’il venait à disparaître, ce serait la finalité même du travail qui serait en cause. Car le travail existe pour l’homme et non l’homme pour le travail. Prétendre le contraire reviendrait à inverser les finalités de la vie humaine et à dévoyer le travail en nouvel esclavage des temps modernes. Pour noble et épanouissant qu’il soit, le travail reste un moyen ; il ne constitue jamais une fin en soi. Y a-t-il derrière cette idolâtrie du travail une vision protestante de la société, qu’a si bien analysée Max Weber dans son ouvrage L’éthique protestante ou l’esprit du capitalisme ?

Ensuite, le repos dominical est une conquête des Chrétiens pour faire prévaloir la liberté religieuse et permettre la célébration de la messe dominicale. Institué par l’empereur Constantin en 321, il mit du temps à pénétrer les mœurs mais sous l’impulsion de l’Église, il s’incorpora tellement à l’organisation de notre société que la Convention ne put l’abolir lorsqu’elle institua le calendrier révolutionnaire et le culte décadaire (les decadi étant censés remplacer les dimanches). On n’efface pas d’un trait de plume plus de 1500 ans de civilisation chrétienne. C’est donc tout naturellement que le calendrier grégorien fut progressivement réintroduit sous l’Empire et que la Restauration rétablit le repos dominical en 1814. En 1879, la IIIème République laïciste tentera une seconde fois d’abroger le repos dominical, dans un souci manifeste d’effacer toute référence chrétienne dans l’organisation de la société. Peine perdue, moins de 30 ans plus tard, en 1906, le repos dominical était à nouveau sanctuarisé sous l’effet conjugué des députés catholiques et des militants socialistes. Revenir sur cette disposition aujourd’hui porterait donc une atteinte grave à la liberté religieuse des Chrétiens qui n’auraient plus la faculté de pratiquer librement leur culte. On avance certes l’objection d’une libéralisation sur la base du volontariat des salariés, de sorte que personne ne soit contraint de travailler contre son gré le dimanche. Mais qui peut croire une seule seconde que le salarié puisse disposer de sa pleine liberté pour refuser le travail dominical s’il sait que son employeur lui préférera un autre salarié acceptant une telle contrainte ?

Troisième vérité, le repos dominical est un équilibre tiré de l’histoire, un héritage culturel de notre civilisation chrétienne, qui permet, au-delà des convictions personnelles de chacun, le maintien de notre cohésion sociale. En effet, l’objection classique à l’argumentation tirée de la nécessité de garantir la liberté religieuse de chacun, consiste à avancer que dans une société laïque, marquée par la diversité des croyances, le repos dominical est une discrimination qui ne profiterait qu’aux seuls Chrétiens, alors que les citoyens de confession juive ne peuvent opter pour le samedi, ni les Musulmans pour le vendredi, ou les non-croyants pour le jour de leur choix. Et de proposer un système à la carte, où chacun pourrait choisir son jour chômé en fonctions de ses convictions religieuses ou de ses convenances personnelles. Mais comment ne pas voir qu’une telle réforme sonnerait le glas de notre cohésion sociale et effriterait la société en une multitude de communautarismes toujours plus revendicatifs qu’ils s’estiment minoritaires et bafoués ? Il est indispensable qu’une société respire à l’unisson : non l’unisson des croyances où chacun dispose de sa pleine liberté, mais la communion des rythmes, principale garantie de l’harmonie sociale. Ainsi, au-delà des convictions religieuses de chacun, le dimanche est en France le jour choisi pour faire respirer la société et respecter la nature spirituelle de l’homme, parce la France est un pays de tradition chrétienne, marqué dans son histoire, comme dans son patrimoine et ses mentalités par plus de 1500 ans de civilisation chrétienne. Il est juste et bon qu’un employeur permette à ses salariés, dans la mesure des adaptations possibles, de s’absenter ponctuellement pour pratiquer le culte de leur choix (par exemple en se rendant à la Mosquée le vendredi midi). De même pour le culte juif, où la question ne se pose quasiment pas en pratique, puisque le samedi, héritage du secteur bancaire confirmé par les accords de Matignon en 1936, est chômé pour beaucoup de salariés. Mais, au-delà des convictions religieuses de chacun, il est fondamental que le dimanche reste sanctuarisé en France, il en va de notre histoire, de notre cohésion sociale, de notre culture et de notre civilisation. Derrière la volonté de remettre en cause le repos dominical, n’y a-t-il pas de la part d’une certaine élite mondialisée une indifférence voire un rejet de nos racines ?

Enfin, quatrième vérité, l’abandon du repos dominical n’aurait aucune incidence positive sur le niveau de croissance de notre économie. Cet argument, brandi tant par le personnel politique boboïsé que par le MEDEF, est doublement fallacieux : il oublie d’abord que pour le salarié, l’augmentation du temps de travail peut souvent conduire à son étalement dans le tempssans création de richesse supplémentaire, et que pour le consommateur, l’ouverture des magasins le dimanche lui permet d’étaler ses achats dans le temps, sans augmentation notable de la consommation, qui est d’abord limitée par le faible pouvoir d’achat des Français. De plus, j’entends souvent les promoteurs du sabordage dominical invoquer une liberté supplémentaire pour le consommateur, mais ils oublient de rappeler que derrière celui qui peut librement faire ses courses le dimanche, il y a un ou plusieurs salariés qui n’ont peut-être pas choisi de leur plein gré d’effectuer une journée de travail supplémentaire au détriment de leur vie familiale. Si dérogations il doit y avoir, ce ne doit être qu’au cas par cas, en fonction d’une nécessité impérieuse des citoyens et non pour la satisfaction de leurs caprices. Beaucoup de dérogations existent d’ailleurs déjà et il serait dangereux de vouloir traiter un micro-problème par une législation de portée générale.

Dans une société traversée par l’individualisme, la consommation à outrance et la perte des repères, le repos dominical est garant de la solidarité des liens familiaux et fraternels et ouvre l’homme à sa dimension spirituelle et contemplative. Il est aussi un frein à la fragilité narcissique de ceux qui trouvent dans les activités multiples et la frénésie de loisirs un lieu de compensation illusoire à leur vide intérieur. « L’appétit effréné de vie, qui ne donne aujourd’hui aucune paix aux hommes, finit dans le vide d’une vie perdue » affirmait le pape émérite Benoît XVI en 2007. Sans cette boussole du repos dominical, on donnerait raison à Bernanos qui prophétisait à juste titre que « la civilisation moderne […] est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ».

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35 Comments

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  • 0 / 10
  • Charles , 31 août 2014 @ 10 h 23 min

    La logique est un peu longue à développer ici, car elle fait appel à des concepts macroéconomiques non encore vulgarisés.

    Pour faire court;
    Une application “chrono-segmentielle” de la fiscalité du travail
    repose sur une analyse “numérique” de notre évolution économique.

    A savoir, la numérisation économique (robotisation/webisation) déclenche une contraction du temps liée aux gains continus de productivité. Nous pouvons & (hélas)devons faire plus de choses
    dans un même laps de temps.

    Pour mémoire,ce sont les productifs pauvres (1.000 à 1,500 e/net/mois) qui couvrent plus de 80% des prestations publiques.

    De plus, le travail hors standards (la nuit,le jour férié,la soirée)
    serait un travail de base (premiers échelons), donc concernant surtout les productifs pauvres.

    Il est donc nécessaire de leur offrir une vraie compensation & motivation qui soient viables pour les clients,les investisseurs et l’autorité publique.

    L’exonération fiscale qui ne concernerait que les sursalaire (suppléments au salaire normal pour les heures standards)est justifiée par les gains acquis en productivité et en capacité export.

    Le productif continue donc à cotiser sur la tranche standard de son revenu mais ne cotise plus sur les primes de la tranche hors standard (la nuit,le jour férié etc).
    Du point de vue de la sécurité sociale,il n’y aurait pas de baisse des encaissements,puisque le temps de travail standard continuerait à cotiser comme avant.
    Seul le temps hors standards (à la fois hors chronologie 5/7 et hors quotas 35 h) serait non cotisant.
    La suite de la démonstration mathématique étant hors sujet ici.

  • Cap2006 , 31 août 2014 @ 13 h 22 min

    En effet… si c’est chronosegmentiel…. cest plus clair… ;-)))

  • o.icaros , 31 août 2014 @ 13 h 26 min

    Dans un pays déchristianisé, la suppression du dimanche comme jour chômé serait comme l’effacement de notre histoire, c’est-à-dire l’acceptation de notre propre effacement. Je ne vais à l’église que pour assister à un concert et maintenant, de plus en plus souvent, à un enterrement. Mais je suis attaché à la longue histoire.
    Cela dit, où est le problème? Supprimer le dimanche comme jour chômé ou le remplacer par un autre jour de la semaine? Par exemple, on pourrait fixer le week-end du vendredi au samedi pour ne pas offenser les juifs et les musulmans. Mais les juifs ne sont pas demandeurs et les musulmans ne l’ont pas été non plus. Ce sont des “chrétiens” qui se substituent à eux pour faire cette proposition. Ce qui prouve dans quel état d’imbécillité nous sommes tombés. Les musulmans en venant en France savaient que ce pays areligieux est quand même un pays chrétien et le “vivre ensemble” c’est respecter le pays dans lequel on veut s’enraciner. Le “vivre ensemble” ne doit pas s’exercer dans un seul sens. Et d’ailleurs, les autres Français qui ne sont ni juifs ni musulmans pourquoi seraient-ils exclus de cette problèmatique…
    Et après le dimanche, faudra-t-il débaptiser aussi tous nos villages qui portent des nom de saints pour leur donner des noms juifs et musulmans? Il faut quand même un peu de décence. Et la décence serait que ce soit eux qui nous le disent: arrêtez vos conneries.

  • o.icaros , 31 août 2014 @ 13 h 26 min

    Dans un pays déchristianisé, la suppression du dimanche comme jour chômé serait comme l’effacement de notre histoire, c’est-à-dire l’acceptation de notre propre effacement. Je ne vais à l’église que pour assister à un concert et maintenant, de plus en plus souvent, à un enterrement. Mais je suis attaché à la longue histoire.
    Cela dit, où est le problème? Supprimer le dimanche comme jour chômé ou le remplacer par un autre jour de la semaine? Par exemple, on pourrait fixer le week-end du vendredi au samedi pour ne pas offenser les juifs et les musulmans. Mais les juifs ne sont pas demandeurs et les musulmans ne l’ont pas été non plus. Ce sont des “chrétiens” qui se substituent à eux pour faire cette proposition. Ce qui prouve dans quel état d’imbécillité nous sommes tombés. Les musulmans en venant en France savaient que ce pays areligieux est quand même un pays chrétien et le “vivre ensemble” c’est respecter le pays dans lequel on veut s’enraciner. Le “vivre ensemble” ne doit pas s’exercer dans un seul sens. Et d’ailleurs, les autres Français qui ne sont ni juifs ni musulmans pourquoi seraient-ils exclus de cette problèmatique…
    Et après le dimanche, faudra-t-il débaptiser aussi tous nos villages qui portent des nom de saints pour leur donner des noms juifs et musulmans? Il faut quand même un peu de décence. Et la décence serait que ce soit eux qui nous le disent: arrêtez vos conneries.

  • o.icaros , 31 août 2014 @ 13 h 26 min

    Dans un pays déchristianisé, la suppression du dimanche comme jour chômé serait comme l’effacement de notre histoire, c’est-à-dire l’acceptation de notre propre effacement. Je ne vais à l’église que pour assister à un concert et maintenant, de plus en plus souvent, à un enterrement. Mais je suis attaché à la longue histoire.
    Cela dit, où est le problème? Supprimer le dimanche comme jour chômé ou le remplacer par un autre jour de la semaine? Par exemple, on pourrait fixer le week-end du vendredi au samedi pour ne pas offenser les juifs et les musulmans. Mais les juifs ne sont pas demandeurs et les musulmans ne l’ont pas été non plus. Ce sont des “chrétiens” qui se substituent à eux pour faire cette proposition. Ce qui prouve dans quel état d’imbécillité nous sommes tombés. Les musulmans en venant en France savaient que ce pays areligieux est quand même un pays chrétien et le “vivre ensemble” c’est respecter le pays dans lequel on veut s’enraciner. Le “vivre ensemble” ne doit pas s’exercer dans un seul sens. Et d’ailleurs, les autres Français qui ne sont ni juifs ni musulmans pourquoi seraient-ils exclus de cette problèmatique…
    Et après le dimanche, faudra-t-il débaptiser aussi tous nos villages qui portent des nom de saints pour leur donner des noms juifs et musulmans? Il faut quand même un peu de décence. Et la décence serait que ce soit eux qui nous le disent: arrêtez vos conneries.

  • penelope , 31 août 2014 @ 14 h 36 min

    les pompiers,le samu sont des urgences,ce ne sont pas des magasins ouverts tous les jours où même les touristes peuvent y faire leurs achats,il passent plusieurs jours chez nous,ils peuvent également se reposer le dimanche de leur shopping;il ne faut pas confondre ce qui est indispensable avec ce qui dépend du plaisir.

  • Aimegeaielle , 31 août 2014 @ 15 h 02 min

    Entièrement d’accord avec vous Gisèle !

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