Non à la burkinistérie !

Burqini

Par burkinistérie, j’entends la polémique politico-médiatique franco-française qui s’est emparée du vêtement de bain couvrant qu’arborent certaines femmes sur la plage et qui, à en lire les arrêtés qui l’interdisent dans certaines communes, constituerait tantôt un « trouble à l’ordre public » (contrairement au minishort et au string donc, au bikini, ou, pire, au monokini voire au naturisme), tantôt un « heurt à la laïcité », laquelle promeut pourtant la tolérance bien-pensante. En plein état d’urgence, la République au sein nu (voir Delacroix en 1830) n’en est donc pas à une liberté individuelle près.

Mais en parlerait-on autant si cet accessoire, créé par Mme Aheda Zanetti, Australienne d’origine libanaise, ne rappelait par son nom l’encagement afghan, ou « burqa » et en réalité le voile saoudien intégral, ou « niqab » ? Ces interdits municipaux – dont celui de Villeneuve-Loubet vient d’être levé par décision du Conseil d’Etat au moment où j’écris – n’ont-ils pas plutôt contribué à faire une extraordinaire publicité à ce produit, comme le confirme la créatrice en personne, qui ne se cache pas d’en vendre au moins 40% à une clientèle non musulmane, qui aurait enfin trouvé avec ce complet le maillot la protégeant efficacement contre le soleil, notamment les rémissionnaires du cancer ?

Pourquoi vouloir faire de cet accessoire un totem du salafisme conquérant, là où le Coran interdit à la femme le port de tout vêtement moulant le corps (c’est en partie le cas du burkini) ou laissant transparaitre ce qu’il couvre ? Pourquoi ne pas voir dans l’objet de cette polémique stérile négatrice du droit le plus élémentaire le compromis qu’il incarne déjà entre la tradition islamique pour une femme de se couvrir en public (et le temps n’est pas si lointain où les femmes de confession catholique ne seraient point sorties tête nue, sans parler de celui, un peu plus ancien, où les maillots à la mode étaient presque qu’aussi complets qu’un burkini, hommes et femmes confondus) et celle de la modernité d’une femme musulmane se rendant à la plage ?

Pourquoi, enfin, dans cette vaine tempête qui consterne (ou amuse) nos voisins, ne pas réserver, ou avoir déjà réservé, le même sort coercitif à la femme juive respectant la « tsniout », ce qui la conduit à pareille modestie vestimentaire, sur des plages le plus souvent communautaires il est vrai…

C’est à se demander si l’impudique Marianne ne désire pas accroître encore le communautarisme dans l’Hexagone.
Une chose demeure certaine : en plus de rendre florissant l’entreprise de Mme Zanetti, cette nouvelle polémique, en servant admirablement les desseins propagandistes de Daech qui prétend impossible toute pratique de l’islam en France, sera prétexte à une nouvelle vague de recrutements djihadistes.

> Florent Ly-Machabert est directeur de mémoire et chargé de cours à l’EDHEC et à l’Univ. Paris I Panthéon Sorbonne et professeur de sciences économiques et sociales. Auteur de plusieurs ouvrages aux Ed. Lettres du Monde et Ubifrance, il est également consultant indépendant auprès de collectivités publiques (il a créé le cabinet Samarie & Cie), expert des nouveaux modèles de croissance et de développement économique.

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15 Comments

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  • ado , 6 septembre 2016 @ 11 h 19 min

    Mais non il ne se passe rien , le burkini est un vêtement ontologiquement neutre , l’emprise de l’islam sur notre pays reste un fantasme de la “fachosphère ” vraiment les braves gens ne veulent pas voir ce qu’ils voient.

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