À la recherche de l’unité perdue…

Tribune libre de Christian Vanneste*

Les socialistes ont montré leur unité de façade lors du congrès de Toulouse. Celle-ci a reposé sur deux piliers : d’abord, aller à la rescousse de leur « Ayrault » en perdition et, ensuite et surtout, attaquer l’ennemi, la droite, caricaturée, ostracisée, disqualifiée. Il est vrai que l’un des ressorts de la psychologie des groupes repose sur la haine de l’autre, sur ce que l’étymologie nous inviterait à appeler l’hétérophobie. Les dictatures l’ont tellement bien compris qu’elles ont souvent fait appel à ce sentiment qu’Orwell a condensé dans le monde imaginaire de son roman 1984 et dans ces deux minutes de haine où le peuple retrouve son unité et oublie ses frustrations pour exprimer sa fureur contre l’ennemi extérieur et l’ennemi public, le traître. Le problème du parti socialiste tient moins à l’utilisation de cette vieille recette qu’au choix qu’il fait systématiquement de la guerre civile pour cimenter l’unité du parti au détriment de celle de la nation. C’est d’ailleurs dans ce péché originel du socialisme que se trouve son opposition radicale avec le gaullisme. On ne peut bâtir l’union nationale en tranchant dans la continuité historique d’un pays. On ne peut construire la solidarité d’un peuple en opposant les riches et les pauvres, les travailleurs et les épargnants, les locataires et les propriétaires, le public et le privé. On ne peut susciter le patriotisme, fût-il économique, en diluant la citoyenneté au profit des résidents étrangers, en s’attaquant systématiquement aux valeurs héritées de la tradition catholique de la France ou en favorisant un communautarisme douteux et des comportements marginaux. On ne peut faire l’unité d’un pays en additionnant les clientèles d’un parti.

“Les États-Unis semblent avoir tellement bien saisi l’importance de la menace pour cimenter une nation par nature très diverse qu’ils sont en guerre permanente depuis 1941.”

Il est trop facile de rappeler que la volonté du Général était au contraire de magnifier la continuité de la France et de son armée, d’incarner cette continuité à  Londres, en dehors de toute compromission avec Vichy, nul et non avenu, et de le faire avec des hommes de droite, comme Rémy, ou d’Estienne d’Orves et avec des hommes de gauche comme Moulin ou Brossolette. Sa volonté était d’unir le capital et le travail dans la participation, de transcender les clivages partisans par le recours à la démocratie directe et au référendum. L’échec du dernier de ceux-ci sept ans après le drame de l’Algérie française au cours duquel des Français ont été abandonnés par la communauté nationale montre combien une telle ambition est difficile même pour les hommes politiques qui échappent manifestement à la médiocrité.

Après l’Affaire Dreyfus, après la guerre menée contre l’Église catholique par les radicaux et les socialistes au nom d’une laïcité de combat revancharde, l’Union Sacrée s’est nouée en 1914, face à l’ennemi. Il faut relire Les Diverses familles spirituelles de la France » de Maurice Barrès, ce nationaliste, cet antidreyfusard, cet homme de droite, et notamment les chapitres qu’il consacre aux « israélites » et aux socialistes. Face au danger commun, le sens de la communauté nationale se réveille et dépasse les clivages partisans. C’est devant la menace qui pèse sur une communauté que celle-ci va entrer en résistance et va organiser sa résilience. Durkheim a, le premier, montré l’importance du taux de suicides comme mesure de la solidarité. En période de guerre, le nombre des suicides « égoïstes » diminue alors qu’il augmente pendant une crise économique. Les États-Unis semblent avoir tellement bien saisi l’importance de la menace pour cimenter une nation par nature très diverse qu’ils sont en guerre permanente depuis 1941 : après l’Axe, le communisme, avec notamment l’étrange survie du régime castriste au large de la Floride, et enfin le terrorisme islamiste. Dans la courte période du mirage de la fin de l’Histoire, le cinéma américain ne sachant quel ennemi inventer, avait eu recours aux extra-terrestres.

“On ne peut insuffler un élan national en divisant les Français, en appelant justice la revanche sociale, en valorisant avec  la dépense et l’emploi publics, ce qui nous affaiblit.”

Dieu merci, la menace de la guerre s’est éloignée, même si elle n’a pas disparu. Il est donc nécessaire de s’appuyer sur d’autres vecteurs de solidarité, d’ailleurs plus indispensables dans un pays comme le nôtre qui, depuis 1918,  a surtout le souvenir de guerres inutiles ou perdues. Il y a les menaces naturelles. Obama devra peut-être son élection à Sandy. Schröder avait gagné les siennes en luttant contre les inondations. Mais les catastrophes naturelles sont heureusement rares. Il reste deux moyens, l’un est de montrer que la crise économique que nous subissons ne doit pas conduire au sauve-qui-peut individualiste. C’est une guerre et cette guerre exige des armes, la compétitivité, de la discipline, la rigueur de la règle d’or, un moral, le sens de l’union et non l’affrontement des intérêts, et  la concentration sur les objectifs,  non la dispersion dans des luttes idéologiques hors-sujet dans le contexte actuel.

L’autre moyen est le meilleur sur le plan moral, mais il ne doit pas être opposé au premier auquel offre une âme. Cela s’appelle un idéal ! A côté de la « Nouvelle Frontière » de Kennedy ou du « Rêve » de Martin Luther King, « l’enchantement du rêve français » de François Hollande donnait à notre Merlin national une bien pâle figure. Quant au rêve européen, il s’est perdu dans l’élargissement et les brumes de la technocratie. On ne peut insuffler un élan national en divisant les Français, en appelant justice la revanche sociale, en valorisant avec la dépense et l’emploi publics, ce qui nous affaiblit. On doit susciter le rassemblement de TOUS les Français, en ne craignant pas le mot « national » et en osant un discours à la Churchill. C’est avec ce discours qu’il a gagné la guerre et perdu les élections. Dans ce pays admirable où chaque Anglais croyait, comme l’écrivait De Gaulle, que le sort de l’Angleterre dépendait de lui, seule la première comptait et le monde entier doit lui en être reconnaissant.

*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.

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10 Comments

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  • Le Nouveau Croisé , 31 octobre 2012 @ 15 h 49 min

    Juste un mot ” BRAVO “

  • René de Sévérac , 31 octobre 2012 @ 18 h 55 min

    “en ne craignant pas le mot « national »”.
    Au congrès du PS, une jeune maghrébine n’a pas hésité :
    en se référent à son “parti … euh .. national socialiste “

  • marie-france , 31 octobre 2012 @ 22 h 02 min

    BRAVO!!!!

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