Plaisir, bien commun et rôle des femmes dans la construction d’une société plus juste

Notre société est progressivement devenue hédoniste, elle a érigé le plaisir comme finalité de la vie ; le consumérisme, la pornographie et le relativisme sont des avatars de cet esprit de jouissance qui l’a contaminée, et les femmes sont les premières victimes de l’effacement de la recherche du bien commun. 

Non pas qu’éprouver du plaisir soit moralement répréhensible ! Mais il n’est pas un but en soi. Aristote, ce philosophe qui a si bien analysé la nature humaine, dans ses qualités comme dans ses défauts, nous apprend que le plaisir le plus intense est en réalité un signe, une récompense. C’est un cadeau qui prouve que le sujet a posé un acte qui correspond à sa nature profonde, qu’il a exercé ses capacités au maximum. Pour reprendre la citation exacte, « le plaisir n’est pas un devenir senti mais un acte non entravé » (1).

Cette perspective du plaisir comme preuve de l’harmonie du sujet avec sa nature propre, et non pas comme synonyme de bonheur, permet de dégager deux points majeurs concernant les femmes :

• D’une part, ce n’est qu’en respectant la dignité des femmes en tant qu’elles sont femmes que celles-ci pourront se réaliser pleinement : il n’y a pas d’accomplissement sans le plaisir de se sentir respectée pour ce que l’on est – et les femmes ne seront jamais des êtres masculins – et pour ce que l’on fait – d’où la nécessité de laisser les femmes prendre des responsabilités.

• D’autre part, on ne peut accepter de satisfaire les désirs égoïstes de minorités au détriment du bien commun, c’est-à-dire ici de menacer l’équilibre d’altérité complémentaire entre hommes et femmes parce que quelques-uns estiment que la liberté se trouve dans le grand flou. Leur refus de la réalité biologique est une volonté (à peine voilée) de créer un Homme nouveau sans identité (sexuelle, familiale) qui n’ait alors d’autre but que la consommation. Ou comment le plaisir (intense et plein de sens) de vivre en étant soi-même est gravement menacé par le plaisir (minable et absurde) de vivre pour consommer. L’accomplissement versus l’asservissement ! 

Les femmes doivent se sentir libres de se réaliser pleinement en fonction de ce qu’elles sont, et en particulier en fonction de leur féminité, que cela passe ou non par la maternité, par des engagements (associatifs, politiques, économiques), par des activités professionnelles ou personnelles.

La société a tout à gagner de permettre aux femmes de s’exprimer et d’agir selon leur sensibilité propre, dans le respect des différences sexuelles et personnelles. Il s’agit non pas d’abolir cette différence sexuelle mais d’œuvrer, dans la réalité de cette complémentarité hommes/femmes (porteuse d’un enrichissement mutuel insoupçonné de beaucoup semble-t-il), pour le bien commun. Il est bien dommage que cette notion de bien commun ait disparu du vocabulaire politique, alors qu’il est un aspect majeur de la pensée aristotélicienne, elle-même au fondement de la philosophie politique. La prudence est cette vertu (une vertu est une disposition acquise à force de répétition)
qui implique une perception commune du modèle idéal, une «recherche commune de ce qui est juste», et qui devrait gouverner le monde en place et lieu de la poursuite de l’intérêt particulier. La justice générale «tend à produire ou à conserver le bonheur (et les constituants du bonheur) pour la communauté politique» : elle vise à ériger un cadre propice au développement de chacun selon sa nature et ses capacités. C’est ainsi le concept de justice qui prime sur celui d’égalité : il s’agit de rendre à chacun ce qui lui est dû.

Il est urgent que le bien commun retrouve la primauté sur les plaisirs égoïstes de minorités qui veulent museler la dignité humaine : que ce soit ceux qui nient la sexuation biologique, ou bien ceux qui réduisent la femme à l’état d’objet de satisfaction de leurs désirs.

Dans cette dernière catégorie, on pense généralement aux sociétés où les femmes sont opprimées, réduites à l’état de possessions de leurs pères ou de leurs maris, et où ces hommes ont tous les droits sur elles. Mais nos sociétés ne valent pas mieux en matière de réduction de la condition des femmes. Il est ainsi scandaleux de constater l’image que renvoient les publicités dans notre propre pays. Elles mettent en scène des corps de femmes dans des postures lascives non plus seulement pour des marques de lingerie et d’habillement, mais désormais également pour des produits sans rapport aucun avec la féminité (cf. les récentes campagnes de publicité pour de célèbres marques de crèmes glacées) ! Quelle vision notre société donne-t-elle des femmes, en particulier aux enfants ? La réponse est affligeante : un pur objet de consommation visant à éveiller les désirs de potentiels clients. Et nombre de femmes intègrent malheureusement elles aussi ce logiciel et entrent dans ce jeu du « sois belle et tais-toi ».

Les femmes sont ainsi victimes de l’instrumentalisation d’un ultralibéralisme économique qui cherche à entretenir l’hédonisme nécessaire à l’écoulement maximal de ses produits, que ceux-ci soient matériels ou bien du domaine des services. Parmi ces « services », certains dégradent la dignité humaine, et en particulier celle des femmes. Ne trouvez-vous pas absolument intolérable que des affiches sur le quai du métro parisien incitent à l’adultère, assurant qu’« être fidèle à deux hommes, c’est être deux fois plus fidèle » ? Le tout pour une agence de site de rencontre en ligne dédiées aux personnes mariées ! Il y a peu, cette affiche aurait été condamnée pour atteinte aux bonnes mœurs. Mais aujourd’hui, on laisse dégrader cette institution qui est le fondement de notre société. On le fait au nom d’une prétendue liberté à révoquer avec préméditation l’engagement que constitue le mariage ; cette prétendue liberté est elle-même sous-tendue par un libéralisme capitaliste prête à sacrifier le socle de la société et l’institution d’une stabilité louable dans laquelle s’épanouissent des hommes et des femmes qui se sont librement et mutuellement choisis. Et ce dans la perspective d’accroître ses bénéfices, de gagner encore plus d’argent, sachant qu’il est bien plus facile de pousser à la consommation des êtres déboussolés et sans repères que des personnes enracinées dans leur histoire et profondément liées à d’autres personnes.

SOS : les femmes méritent mieux que la réification ! Mais ce n’est pas en niant leur féminité que l’on va les aider à sortir de la situation injuste dont elles souffrent en général. Le problème est qu’aujourd’hui un petit mais puissant lobby cherche à faire gober au monde entier que leur liberté, et donc celle de la société, ne peut passer que par un égalitarisme forcené, une confusion entre masculin et féminin. Et qui est d’abord visé par cette volonté de changer de civilisation ? Les enfants ! On compte leur expliquer dès 6 ans qu’ils peuvent choisir leur genre, et que la sexuation n’est pas une donnée biologique mais une construction sociale.

Nous devons continuer de nous soulever contre ces théories fallacieuses ! Face aux problèmes, réels, des femmes à être des actrices de leur destin dans la société, il faut exiger qu’elles soient respectées par TOUS (hommes comme femmes) : elles ne sont ni des hommes masculins, ni des objets que l’on dénude sans honte – voilà pourquoi les Femen sont des contrexemples criants du vrai féminisme. On parle beaucoup du voilement des femmes, qui pose certaines questions quant à la liberté de celles ui le choisissent ou le subissent ; mais le dévoilement, pour sa part peu abordé, dégrade au moins autant la dignité des femmes. Opposons-nous à ce système qui vise à marchander le corps des
femmes pour le plaisir ! Comment permettre l’accomplissement – porteur de félicité – quand la société nous colle l’étiquette de créatures inférieures asservie au devoir de plaire, existant uniquement par leur capacité à séduire et procurer du plaisir, visuel ou sexuel ? Et inversement, lorsqu’une femme choisit d’assumer avec féminité les responsabilités qui lui sont confiées, il y a toujours des hommes pour la critiquer. Ce machisme est visible dans le domaine politique, quand par exemple des députés sifflent une ministre qui ose porter fièrement une jolie et décente robe fleurie ; on le constate dans le monde de l’entreprise quand des femmes sont obligées de passer par la
promotion canapé pour monter en grade. Mais cette triste réalité prend en fait sa source dans un embrigadement idéologique bien plus profond. Rien que le visionnage des clips de musique mettant en scène des jeunes femmes à moitié nues (et à la plastique irréprochable) comme starlettes poussant la chansonnette ou se trémoussant
à côté du chanteur (et dont la prestation aguicheuse n’apporte rien en matière de compréhension de la chanson) acclimate le public, souvent jeune, à l’idée d’une femme objet de consommation. Le formatage des esprits va même encore plus loin lorsque ce sont des magazines pour adolescentes à peine pubères qui poussent à une vie sexuelle précoce, faisant miroiter aux toutes jeunes filles que le but de la vie est de coucher le plus tôt et le plus possible…

ASSEZ ! Cette compétition aux plaisirs immédiats et irrespectueux des dignités personnelles est un traquenard ! Aristote lui-même met en garde contre le cercle vicieux de la compensation d’une tristesse, d’une vacuité intérieure par la recherche de plaisirs immédiats et intenses, qui nous entraînent finalement dans une vanité totale, dans une quête insatiable de jouissances détachées d’une finalité plus grande – le bonheur par la réalisation de soi. Mais les valeurs que transmet actuellement la société abondent malheureusement dans ce sens, et c’est finalement une course éperdue pour se divertir de l’ennui qui tient lieu de vie. Et qui dévaste au passage la beauté de l’altérité qui constitue l’être humain sous ses deux formes : homme et femme.

Le plaisir plénier naissant dans l’exercice de la vertu elle-même acquise par l’éducation (un environnement vertueux facilite l’acquisition de ces dispositions bonnes), il est donc nécessaire d’enseigner à tous, garçons comme filles, que la vraie liberté ne jaillit que dans l’accomplissement de sa nature profonde ; et comme cette nature est, entre de nombreuses autres caractéristiques propres à chacun, une nature sexuée, c’est en se respectant soi-même et en respectant autrui en tant qu’il est un être humain doté d’une des deux formes de cette sexuation que nous pourrons construire une société qui se respecte… Une société qui se préoccupe du bien commun.

En somme, le plaisir doit non pas nous tenir lieu de guide mais de révélateur : non pas ennemi, le plaisir doit, en tant que preuve du chemin parcouru vers le bien commun, devenir l’allié de notre libération, cette libération de la féminité contre la confusion des genres, cet avènement de la justice contre l’égalitarisme nivellateur, cette levée de la vérité contre le nihilisme.

1. Ethique à Nicomaque, p.153 A 13

Illustration : Willem Haenraets

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28 Comments

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  • 0 / 10
  • Gisèle , 31 janvier 2014 @ 19 h 19 min

    @monhugo
    C’est d’un grotesque !! Ils se pissent dessus !!!!
    Qu’ils se noient !!!!!

  • Psyché , 31 janvier 2014 @ 22 h 51 min

    « ….L’être humain ne se réduit pas à son bas-ventre, que diable !…. »

    Tout à fait d’accord avec cette assertion.

    Je vous invite pourtant à visionner le documentaire d’Arte “Le ventre, notre deuxième cerveau”

  • monhugo , 1 février 2014 @ 0 h 09 min

    Arrêt de visibilité de nombreux commentaires avec google chrome.
    Il faut se replier sur mozilla.

  • Aristote , 1 février 2014 @ 8 h 50 min

    Bravo cher disciple .
    On peut ajouter que cette réhabilitation du désir et du plaisir de la vertu a été très bien expliqué par mon ami St Thomas et par mon disciple américain A. Mc Intyre .

  • Alainpsy , 1 février 2014 @ 9 h 27 min

    ” LA Femme n’existe pas ” (Lacan), point amère mais libérée de ce fardeau elle peut courir en toute innocence dans les prés aux fleurs sauvages et autres herbes folles.

  • baldag , 1 février 2014 @ 10 h 45 min

    Ce débat devient pénible, idiot.
    Les femmes ont certes été enfermées dans un stéréotype politique fabriqué par les hommes.
    Pour ma part, homme ayant travaillé dans le commerce industriel, je me suis toujours réjoui de rencontrer une femme ingénieur, une femme directrice, une femme patronne. Elles étaient de bonnes interlocutrices respectées par le personnel masculin.
    Alors, aujourd’hui, les femmes peuvent accéder à toutes les études, à tous les métiers.
    Regardons la proportion de femme dans les universités par branche d’études :
    elles recherchent en majorité l’humanitaire, la communication, le droit, la médecine, les lettres, le social.
    En quelle proportion les trouve-t-on dans la métallurgie, le BTP, l’ingénierie, l’armée de l’air comme pilotes, l’armée de terre en unité combattante, l’entretien d’usines, bref, tous ces métiers dits masculins?
    Près de chez moi, il existe une école formant des techniciens pour plusieurs disciplines en alternance allant de bac à bac + 5. Je vois chaque jour les élèves en détente dans les extérieurs de l’établissement. Il y a environ 1/3 de filles et 2/3 de garçons. Pourquoi?
    Pourtant, hormis quelques rares métiers où la force physique normale d’une femme ne lui permets pas d’exercer (et encore), on ne les voit guère s’engouffrer en nombre dans les écoles où sont enseignées ces matières alors que rien ne les en empêche.
    En politique, on décrète la parité. Quelle erreur! Il appartient aux femmes de d’imposer leur présence, leurs idées et leurs points de vue. Alors, on nous raconte qu’il y a des barrages masculins. Oui, mais pas au point où on les féministes professionnels qui défendent surtout leur organisation laissent entendre.

  • passim , 1 février 2014 @ 14 h 20 min

    Parfaitement exact.
    Mais les cruches qui se sont fait blouser par les soixantehuitards, et ont ouvert leurs cuisses au nom de l’égalité, de la liberté et du progrès, ne sont que la navrante illustration du profond conformisme de la plupart des femmes.
    Elles apprendront peut-être un jour a penser par elles-même, non en tant que femmes, membres de la Féminité, mais en tant qu’individus autonomes, tout en tenant compte de leur spécificité.
    Vous faites sans doute partie de ces personnes trop rares, et serez peut-être d’accord avec moi pour admettre que les femmes, pour la plupart, sont complices de leur propre marchandisation, donc de leur abaissement en tant que sujet moral.

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