Du RPR à LR, l’histoire d’une chute (III)

Chirac est réélu en 2002. Les 5 ans de cohabitation ont été un désastre pour le pays. Tandis que les Allemands procédaient aux réformes qui permettaient de sauver leur industrie, de boucler la difficile réunification et de profiter de la monnaie unique en tant que Mark sous-évalué, les socialistes français faisaient exactement l’inverse avec les 35 heures ! Les ouvriers le sentent bien et abandonnent le PS. Face à Jean-Marie Le Pen, la victoire est facile, et suivie d’une législative de confirmation. Deux modifications ont permis cette résurrection : le quinquennat et la fixation de l’élection des députés après celle du Président. Comment imaginer que les Français se déjugent en quelques semaines ? Chirac ne fera rien de son second mandat, sauf une position intelligente et gaulliste face aux Etats-Unis pour l’Irak. Le lamentable Raffarin gâche une majorité solide et concocte une élection régionale calamiteuse.

Depuis 1979 pour les Européennes, 1983 pour les municipales et 1986 pour les régionales, la proportionnelle a permis à un parti de naître et de grandir, le Front National. Or, la Ve République reposait sur un mode d’élection uninominal majoritaire à deux tours. C’est très logiquement que deux partis coexistaient à droite, l’UDF et le RPR, rivaux au premier tour et unis au second. La création de l’UMP rassemblant les deux en 2002 prétend mettre fin aux querelles désavouées par les électeurs, et rassurer les sortants. Elle est absurde, car elle gomme la spécificité gaulliste et droitière du RPR, et n’empêche nullement les centristes de créer une UDI. De plus, le Front National qui s’est développé grâce à la proportionnelle existe désormais lors des seconds tours, y compris pour la présidentielle. Beaucoup d’électeurs potentiels du RPR choisissent désormais le FN. La droite est donc plus divisée que la gauche, rassemblée autour du PS. La logique consistait soit à accepter les alliances de second tour avec le Front National, soit à réoccuper son terrain, celui qu’avait abandonné le RPR. Raffarin introduit un scrutin à deux tours à la proportionnelle avec prime majoritaire, ce qui correspond à la première solution. Mais un « cordon sanitaire » est instauré autour du FN alors que l’idéologie a peu de place au niveau local. La Gauche rafle toutes les régions à l’exception de l’Alsace.

Le ministre de l’Intérieur prend du poids : Nicolas Sarkozy fait de la sécurité son cheval de bataille. Lorsqu’il se présente à l’élection présidentielle, il réanime l’esprit « RPR » en gagnant l’élection clairement à droite. Cette seconde stratégie est celle qu’attendaient les militants et beaucoup d’électeurs déçus par l’inertie de Chirac. Mais à peine élu, et alors que le Front National a été marginalisé et ses électeurs séduits, le nouveau président commet l’immense bêtise de pratiquer l’ouverture à gauche. Cela ne fera pas gagner une voix, et les élections régionales de 2010 répéteront stupidement les précédentes. En 2012, Sarkozy tente de renouveler 2007, mais sous les critiques de ceux qui, à l’intérieur même de l’UMP, considèrent que le FN doit être exclu de la politique nationale, y compris à travers ses idées les plus justes, comme l’identité nationale. François Hollande est élu, et l’UMP livre ses entrailles faites de rivalités, de tricheries, de turpitudes et de haines recuites dans un duel entre Copé et Fillon.

Comme Zorro, Sarkozy revient et repeint l’UMP discréditée en « Les Républicains ». Les militants, majoritairement de droite, en continuité du RPR, vont tour-à-tour choisir Fillon comme candidat à la présidentielle, avec le programme de révolution conservatrice dont la France avait le plus grand besoin, puis Wauquiez comme président du parti, qui s’affiche bien à droite. Le premier est torpillé par un complot savamment organisé dans les bureaux de l’Elysée, mais sans doute avec l’assentiment de Sarkozy. Le second tombe dans le piège qui se referme inexorablement : pour ne pas faciliter l’alliance des centristes et des socialistes, il faut repousser « l’extrême-droite ». L’alliance s’est produite avec Macron. Mais Fillon, comme Waucquiez, repoussent toujours tout rapprochement avec le « Rassemblement National ». La droite se rétrécit en un conservatisme de façade, écrasé entre un centre-gauche progressiste pour lequel votent avec un rare aveuglement les électeurs de droite apeurés par les « gilets jaunes », et une droite populaire insuffisamment libérale. A force d’être ni, ni, de n’être ni eurosceptique, ni eurobéate, la droite des Républicains coule, permet à Macron de faire passer sa défaite relative en victoire. Wauquiez démissionne.

Une fois encore, elle attend le sauveur : Sarkozy de retour ? Marion Maréchal, en fédératrice, enfin ? Cette histoire française, si on la compare à celle d’autres pays européens est désespérante !

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