La Chine comme menace mondiale

Au 30e anniversaire de la répression de 1989, qui frappa la révolte, à la fois gauchiste et démocratique assemblée, selon la tradition du pays, porte de la Paix céleste[1] on ne peut que contempler l’incroyable ignorance des médias hexagonaux.

Comme toujours, le complexe de gauche, à la fois geignard, haineux, sectaire et revendicatif, paralyse leur entendement par de faux et fumeux principes.

Mais, concrètement, l’effacement des données historiques élémentaires permet aux manipulateurs de l’opinion d’empêcher leurs concitoyens, lecteurs des gros journaux parisiens ou, pis encore, téléspectateurs affalés et passifs sirotant leurs apéros, de voir tout simplement les choses telles qu’elles sont.

En cette année 2019, on nous saoule encore avec le survol superficiel des anniversaires conventionnels. Or, la véritable commémoration chinoise focalise sur le trentenaire de l’écrasement des protestataires de la place Tien An-men, mais elle devrait surtout s’intéresser au centenaire du mouvement des étudiants de 1919. Car ce long fleuve sanglant qu’on appelle globalement la révolution chinoise, aboutissant à la conquête du pays en 1949 par Mao Tsé-toung, dérive de cette démarche.

Doit-on la considérer comme inspirée initialement par le marxisme totalitaire et son disciple Lénine ? On peut en douter. Dans mon petit livre consacré au congrès organisé à Bakou[2] en 1920 par le Komintern, on découvrira que, tout en prétendant assembler les peuples de l’orient[3], Moscou – c’est-à-dire aussi bien le gouvernement dictatorial de Lénine que le bureau des nationalités administré par Staline, – ne s’intéresse absolument pas à l’émergence de la contestation de l’ordre international en Chine. Le communisme mondial ne se préoccupe pas plus de l’Égypte qui, elle aussi, en 1919 avait entrepris de se révolter, mais où n’existe pas encore la revendication islamiste[4]. L’allié géostratégique que recherche le pouvoir soviétique c’est l’orient des nationalités musulmanes et plus particulièrement turques. C’est avec cette force qu’il partagera le Caucase.

Il se trouve qu’à Pékin on raisonne d’abord – faut-il s’en étonner ? – en fonction de données chinoises.

Et si l’influence de Kissinger a conduit longtemps les États-Unis à miser sur la Chine, même maoïste, pour contrebalancer la puissance soviétique, ce qui donna l’accord Nixon-Mao de 1971, on ne doit plus se leurrer désormais.

L’interpénétration stratégique, économique et financière entre les deux empires joue à long terme contre l’Occident, tendant même à satelliser la Russie, mais aussi d’autres pays comme le Pakistan et la Turquie, aspirés par la spirale de l’Empire du Milieu.

Or, on peut reprocher beaucoup de choses aux Fils du Ciel, sauf la sottise.

Traditionnellement deux catégories sociales représentent la légitimité dans l’espace confucéen : outre les paysans, viennent, avant tout les lettrés dont les étudiants incarnent la vague montante. Le parti communiste, réorganisé par Mao à partir de 1935, a n’a cherché qu’en partie à effacer cet héritage. On se souviendra du slogan “pi lin pi kong yundon” “critique de Lin Biao… et de Confucius”. Lancé en 1973 par le Grand Timonnier, il visait à associer Lin Biao et accessoirement Zhou en-laï au souvenir des lettrés confucéens balayés par le premier empereur Qin shi huang-di (259-210 av. J.-C.), sorte de Robespierre asiatique, leur persécuteur. Mao admirait ce mystérieux mégalomane en quête d’immortalité. On considérait, à l’époque de la prétendue révolution culturelle, cette querelle des légistes et des mandarins, vieille de plus de 2000 ans, comme profondément actuelle.[5]

Aujourd’hui, le dictateur, incontestablement communiste, Xi Jin-pin ne fait lui-même que reprendre le programme de Deng Xiao-ping tendant à construire une grande puissance en utilisant l’instrument de l’économie de marché. Le sinologue communiste français pro maoïste Jean Chesneaux (1922-2007) soulignait à juste titre, paradoxalement, dans ses cours que la ligne constante des Chinois depuis 1919 procédait du nationalisme[6]. Les révolutionnaires chinois ont cherché à relever le défi de l’Occident qui avait abaissé leur grand pays, à partir des guerres de l’opium (1839-1842 puis 1856-1860) et après la défaite des Boxers (1901). Ils ont donc expérimenté, et imité, ce qui leur sembla successivement, les modèles occidentaux : démocratie parlementaire, christianisme, socialisme de type soviétique, etc. Tout cela ayant échoué, y compris la phase du retour de Mao instrumentalisant les gardes rouges, le régime totalitaire de Pékin a imaginé de sous-traiter l’économie à un secteur privé contrôlé par le Parti. C’est dans cet esprit que Deng Xiao-ping s’est rendu aux États-Unis en 1979.

Les dirigeants américains étaient eux-mêmes persuadés que le capitalisme ne pouvait se développer qu’en évoluant vers la démocratie. Mais en fait ceci a produit un monstrueux assemblage qui cherche à s’étendre sur le monde. On a admis dans l’OMC un pays qui ne respecte pas ses principes fondamentaux. Les droits de la classe ouvrière y sont bafoués. À Pékin les travailleurs au bas de l’échelle vivent dans des caves et sont appelés de façon significative “le peuple des rats”[7]. Les libertés syndicales et le droit de grève n’existent pas. Le contrôle des changes permet à la banque centrale de manipuler les taux de change et de jouer de l’accumulation des capitaux comme l’instrument de la puissance mondiale.

Quant aux principes onusiens le pouvoir communiste chinois les contourne avec un cynisme total, opposant aux ONG des bobos ce qu’on appelle des “Gongo”. Ces organisations formellement “non-gouvernementales”, créées par les États eux-mêmes, propagent leurs mensonges et, en particulier, ceux de la Chine sur le Tibet, sur le Sin-kiang, sur Hong Kong, etc. Oui le régime de la Chine communiste est bel et bien devenu une menace pour le monde.

> le blog de Jean-Gilles Malliarakis

Apostilles

[1] Cette tradition remonte à l’époque où la Chine, étant gouvernée par ses conquérants du nord, mongols puis mandchous, établit sa capitale à Pékin, [en pinyin bei jing = capitale du nord, Nankin, nan jing = capitale du sud, celle des nationalistes et légitmistes fidèles à la dynastie des Ming déchue en 1644]. L’immense esplanade que nous appelons à tort “place” Tien an-men, et face à laquelle trône toujours le portrait du [très méchant] communiste MaoTsé toung, acueillait les suppliques des authentiques Fils du Ciel han, cantonnés au sud de la ville et auxquels était interdite la Cité du nord.
[2] cf. “La Faucille et le Croissant” Islamisme et bolchevisme au congrès de Bakou présenté par Jean-Gilles Malliarakis ed. du Trident.
[3] Après avoir échoué en occident.
[4] Les Frères musulmans ne furent créés, par Hassan el-Banna, qu’en 1928, avec l’appui discret de l’Angleterre.
[5] cf. La Dispute sur le sel et le fer” qui retranscrit leurs débats en 81 avant J.-C. au cours d’un conseil impérial.
[6] Ce mot peut être entendu au sens “maurrassien” : l’Action française à partir de 1899 cherchait dans la Monarchie le moyen de “salut public” propre à redresser une France humiliée par la défaite de 1870.
[7] cf. “Le peuple des rats” Dans les sous-sols interdits de la Chine, par Patrick Saint-Paul, 2016 ed. Grasset.

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