Le pire, c’est lui !

Comme chaque samedi, le ministère de l’intérieur publie son évaluation du nombre des « gilets jaunes ». Un peu moins de 40 000 sur toute la France. Les commentaires soulignent donc la décrue du mouvement. Là n’est pas l’essentiel qui réside dans sa durée exceptionnelle. C’était le seizième samedi de mobilisation et il y a toujours des milliers de Français qui continuent à arpenter les artères de Paris et de plusieurs grandes villes de province. D’après les sondages, une majorité de Français souhaite la fin de ces manifestations, mais c’est une majorité encore qui éprouve de la sympathie pour le mouvement. Par ailleurs, la « popularité » de Macron retrouve son niveau de septembre.

La poursuite des manifestations hebdomadaires semble désormais profiter au pouvoir au moins superficiellement : des manifestants moins nombreux et un chef de l’Etat qui rebondit dans les sondages. Cela démontre d’abord l’efficacité de nos institutions qui tiennent le choc d’une contestation importante par son ampleur et sa durée. Mais cette impression ne doit pas masquer le maintien d’un degré élevé de sympathie pour les contestataires : beaucoup pensent que la protestation n’a pas d’issue concrète et devient inutile, mais considèrent en même temps que le pouvoir ne les représente pas, et manque de légitimité. Le fait que le seizième samedi a été marqué par moins de violences, à l’exception de deux incidents à la charge des « forces de l’ordre », ne plaide pas en faveur d’un arrêt des hostilités.

Quatre facteurs doivent intervenir dans le scénario du film souhaité par le pouvoir. Le premier constitue le fond de la stratégie présidentielle : le pourrissement ! Plus le mouvement se poursuit, plus les arguments à son détriment s’additionnent. Il n’était pas possible d’interdire les défilés partout en France, mais il était possible d’en réprimer les débordements puisqu’ils n’étaient pas, pour la plupart, autorisés. Dans cette ambiguïté a résidé l’amorce d’une tentative de retourner l’opinion grâce au choc des images. Le saccage de l’Arc-de-Triomphe, qui aurait sans doute pu être évité, a été le sommet de la manoeuvre. Que des groupes d’extrême-gauche aient pu intervenir notamment à la fin des cortèges pour incendier des voitures ou briser des vitrines, malgré un quadrillage policier important et des gardes à vue préventives, laisse d’autant plus songeur que les auteurs sont pour beaucoup parfaitement identifiés.

Le second élément est l’utilisation du premier dans un matraquage médiatique inouï en vue de diaboliser les gilets jaunes. L’addition est tellement lourde qu’elle pèche par excès : ils ruinent le commerce, gâchent les soldes, freinent la croissance, coûtent cher au contribuable urbain ; ils accroissent l’insécurité en épuisant les forces de sécurité. En s’attaquent aux policiers et en détruisant les radars, ils sont responsables de la montée de la violence dans les banlieues et de la mortalité sur les routes. Enfin, comble de l’horreur, après avoir été comparés aux chemises brunes, les voilà associés à l’antisémitisme. Le Président a signé cette mise en scène fondée sur l’amalgame avec une formule assassine : en manifestant, on se rend complice du pire. Ce qui est excessif est insignifiant, certes, mais, calomniez, il en restera toujours quelque chose.

En troisième lieu, un glissement politique s’est produit : la révolte fiscale était de droite. Mais les atteintes à l’économie et particulièrement au commerce, de même que les agressions de policiers ont fait basculer une partie de la droite soucieuse d’ordre. C’est désormais la France Insoumise qui veut mener le bal. C’est pour le pouvoir une divine opportunité pour récupérer des électeurs au profit de LREM aux élections européennes. C’est cela qui explique la baisse du soutien aux manifestations, mais le maintien relatif de la sympathie de ceux qui n’ont pas oublié la récrimination fiscale face à un Etat prédateur, premier motif de la protestation. Lorsque Valérie Pécresse appelle à un arrêt du mouvement, elle se laisse bêtement récupérer, sans percevoir qu’on peut parfaitement en déplorer certains effets tout en approuvant la démarche d’origine.

Enfin, il y a le festival macronien qui aligne les images porteuses : du salon de l’agriculture à la rencontre nocturne avec des SDF, on joue la compassion ; avec Juppé, on cherche à séduire « à droite » ; et dans la tournée du grand débat, on affiche son savoir-faire, qui n’est d’ailleurs qu’un savoir-dire. Dans ce western, il y a d’un côté « super-intelligent » face aux brutes, mais les Français, là encore, ne sont pas dupes. 62% pensent que rien ne sortira du fameux grand débat. Roulés en 2017, accepteront-ils de l’être à nouveau ?

L’envers du décor est en effet de nature à redoubler l’amertume, voire la révolte. Macron a tout du pompier incendiaire ! C’est sa politique, son matraquage fiscal au détriment notamment des retraités, les déclencheurs ! C’est surtout son mépris systématique à l’encontre du peuple français qui a soulevé la colère. Son recul ou son changement d’attitude ne doivent tromper personne. Cet homme n’aime pas son pays. Son objectif est de le voir se fondre dans une Europe technocratique, soumise politiquement aux Etats-Unis, version « démocrate », et acceptant une mondialisation irréversible. La série des déconvenues sur le plan économique, avec la « surprise » hollandaise sur Air-France-KLM, et les échecs sur Ford ou Ascoval, la poursuite d’une ingérence aussi scandaleuse que poussive en Syrie, devraient inquiéter davantage. Mais pire encore se révèle le recul sournois de nos libertés avec les lois sur la manipulation de l’information ou « anti-casseurs ». La désignation par le « Prince » du procureur de Paris procède, elle-aussi, d’une personnalisation du pouvoir qui va à l’encontre des apparences. Il faut maintenant que l’opposition de droite cesse ses escarmouches et prenne la mesure du danger pour le pays : le pire, c’est lui !

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