La dernière faveur d’Emmanuelle Cosse à la filière bois

Au mois de mars 2017, à quelques semaines de la fin du quinquennat de François Hollande, le ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, a scellé avec l’ensemble des acteurs de la filière bois, l’Alliance nationale construction et rénovation. Sous couvert de bonnes intentions, ces engagements, pour la promotion des constructions en bois, risquent fort de mettre à mal les objectifs économiques et environnementaux qu’ils prétendent défendre.

Qu’est ce que l’Alliance nationale construction et rénovation ?

L’Alliance nationale construction et rénovation a été officialisée le 9 mars 2017 entre le Ministère du logement, l’Association des Régions de France, les acteurs de la filière bois et l’Ademe dans le but de diffuser, selon Emmanuelle Cosse, ministre du Logement, « les avantages qui s’attachent à l’usage du matériau bois dans la construction (1) », d’inciter les maîtres d’ouvrage à s’engager dans la construction bois et enfin de dynamiser la filière et de développer l’usage des matériaux renouvelables.

Plus précisément, l’Alliance regroupe l’ensemble des « contrats de filières bois » ainsi que le plan national bois-construction (2017-2020). Les premiers actaient déjà un soutien des pouvoirs publics à hauteur de 30 millions chaque année, auxquels s’ajoutent 40 millions pour favoriser l’investissement et l’innovation dans les entreprises de la transformation du bois. Le deuxième a l’ambition quant à lui, de lever les freins culturels aux bâtiments en bois pour les futures constructions et réhabilitations. Enfin, l’alliance porte l’ambition de cofinancer une étude prospective sur la demande de matériau bois dans la construction à horizon 2020-2030.

Mais ce projet, si ambitieux soit-il pour le développement économique et l’environnement, pourrait se fracasser sur certaines réalités du bois qui méritent d’être mises en lumière.

Les constructions en bois sont énergivores et émettrices de CO2

L’alliance nationale bois construction rénovation s’inscrit dans la dynamique du label « Bâtiments à énergie positive et Réduction carbone » dont les critères prennent en compte la future réglementation environnementale du bâtiment neuf prévue par la loi de transition énergétique. Or, les propriétés naturelles du bois n’ont qu’un pouvoir d’isolation relatif. En effet, dans une isolation bois, ce n’est pas le bois qui isole -ou seulement à 2,5%- mais les autres matériaux composant la cloison. Aussi, lorsque sont posés 20 centimètres de bois pour une construction, 100 centimètres d’isolant doivent être posés pour satisfaire par exemple aux critères BEPOS.

En outre, l’inertie thermique du bois, c’est-à-dire sa capacité à absorber de la chaleur ou de la fraicheur et à la restituer petit à petit est considérée par les règles européennes Th-I RT2012, FCBA comme « légère » voire « très légère ». Son incapacité à réguler la température ambiante impose donc de recourir à la climatisation ou au chauffage selon les saisons.

Le bois est un matériau faiblement revalorisé

Le développement de l’usage du bois dans les constructions est considéré, par le gouvernement, comme un moyen d’atteindre les objectifs de la loi de Transition énergétique pour la croissance verte. Selon le journal en ligne Batiweb, « elle doit en outre contribuer au développement de l’usage des matériaux renouvelables, d’une économie circulaire et d’une ville plus durable et dynamiser la filière bois construction (2) ».

Dans cette optique, le bois, ce n’est pas vraiment du premier choix : c’est un matériau faiblement revalorisé (à hauteur de 50% seulement en fin de vie) dont les déchets ne sont pas forcément inoffensifs : d’après la FDES (Fiche de déclaration environnementale et sanitaire) des « Murs ossature bois », 20% des déchets du bois sont même considérés comme « dangereux », car pollués par les nombreux produits chimiques nécessaires à sa conservation. D’autre part, s’il est vrai que le bois durant sa croissance absorbe du CO2 (1 m3 de bois absorbe 1 tonne de CO2), il redégage la totalité absorbée en brûlant ou en pourrissant en fin de vie.

La filière bois n’est pas une filière locale

En ce qui concerne le développement économique local, les bienfaits du bois sont là encore à relativiser. Si l’alliance porte l’ambition, avec l’appui des régions -notamment la Nouvelle-Aquitaine, région la mieux dotée en massifs forestiers- de dynamiser l’économie locale, il est bon de rappeler que 60% des sciages utilisés en construction sont importés et même parfois de loin (Russie, Scandinavie, Indonésie, Afrique). Pour les 40% de sciages restants, la distance moyenne parcourue entre la forêt et la scierie est de 110 kilomètres, et de la scierie aux chantiers de 500 kilomètres.

En outre, le développement de la filière bois pose la question des ressources et de l’avenir de la forêt française. Actuellement, 30% des bois sont non exploitables, pour le reste, 54% sont déjà exploités. Aussi, l’enquête annuelle IFN / Agreste / PIPAME, montre que les surfaces de forêts ne sont pas extensibles à volonté, réduisant ainsi les perspectives de croissance de la filière. La porte ouverte à des importations massives ? Ajoutons à cela que tous les pays du monde n’ont pas la même considération que la France pour le reboisement des parcelles exploitées.

Les constructions en bois sont-elles véritablement écologiques ?

Si le bois est une matière naturelle, les constructions en bois ne sont pas pour autant écologiques. Contrairement à ce qui est trop souvent véhiculé, ces dernières, pour durer, doivent faire l’objet de traitements chimiques indispensables, lourds et nocifs. Les traitements ignifuges, insecticides, fongicides sont réalisés par des produits dont certains sont classés cancérogènes par l’EPA (Environmental Protection Agency).

La pollution de l’air intérieur d’une maison en bois est à la limite des seuils d’exposition préconisés pour un ERP (Equipement recevant du public). Le bois, en émettant des COV (Composés organiques volatiles) a un impact négatif sur la qualité de l’air, pouvant avoir des incidences sur la santé et provoquer des irritations, des allergies voire, pour les cas les plus graves, des cancers.

Fausse bonne idée, ou pressions de lobbies aux intérêts bien compris ? Il n’en demeure pas moins que cette alliance n’encourage ni l’économie locale ni ne favorise les objectifs fixés par la Stratégie Nationale Bas Carbone. A se demander comment et pourquoi le précédent gouvernement a décidé d’un tel cadeau financier avant de rendre les clés.

Notes :
1. http://www.environnement-magazine.fr/article/49173-construction-en-bois-une-alliance-nationale-prend-racine/
2. http://www.batiweb.com/actualites/eco-construction/signature-dune-alliance-nationale-bois-construction-renovation-10-03-2017-30042.html

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2 Comments

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  • brennou , 7 octobre 2017 @ 18 h 34 min

    Satisfaire un “lobby forestier” ! Je rêve ! Alors que les forestiers français se battent pour utiliser leurs bois concurrencés par le dumping chinois qui achète nos grumes et renvoie des bois d’œuvre moins chers que nos scieries !
    Quant aux parois d’1,20 m (20 cm de bois + 100cm d’isolant) on en trouve dans les châteaux du Moyen Âge mais en pierre.
    Enfin ne me feites pas pleurer avec les histoires de CO2, vous n’y arriverez pas !

  • Tonio , 8 octobre 2017 @ 8 h 09 min

    Quand on tente de satisfaire de conditions à la fois écologiques et économiques on tombe dans les délires des écolos qui jamais ne vont jusqu’aux conséquences de leurs lubies; ces gens à problèmes n’ont jamais apporté la moindre solution “durable”, ni Ségo, ni Duflot, ni Cosse, ni Hulot, n’ont fait le moindre pas en avant, ils sont néanmoins toujours béatement enchantés d’eux-mêmes et de leurs hallucinantes initiatives..

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