Les Gilets Jaunes au Pays de Schrödinger

On apprend avec amusement que le gouvernement, droit dans ses bottes, ferme dans ses convictions et intraitable sur les questions écologiques, a finalement annoncé un moratoire de la hausse des taxes sur le carburant. Comme c’est onctueux !

On ne pourra qu’apprécier à sa juste valeur la forme que prend la reculade gouvernementale : plutôt qu’une baisse des taxes, on assiste à l’annonce en fanfare d’un arrêt de la hausse, temporaire de surcroît (avec rattrapage du temps perdu ?). C’est un peu l’équivalent d’une pause dans la flambée de chômage fièrement annoncée comme le début d’une baisse tendancielle, ou cette habitude grotesque de présenter comme une diminution de dépenses toute réduction du rythme de leur hausse. Je crois qu’il y a un nom pour ce genre de procédés rhétoriques minables.

Ces annonces seront-elles suffisantes pour désamorcer la colère des Gilets Jaunes ? C’est assez peu probable d’autant que tout indique que, parallèlement, le mouvement est maintenant durablement noyauté par toute la fine fleur syndicaliste et son cortège de collectivistes.

Entre les prochains lieux d’action désignés (raffineries, dépôts de pétrole, ports, qui entraîneront une pénurie donc un renchérissement du produit dont les Gilets Jaunes voulaient voir le prix baisser – comme c’est malin !) et la cornucopie rigolote de demandes toutes plus fantaisistes les unes que les autres, on se demande franchement où sont partis les messages qui ont accompagné le mouvement à ses débuts et qui réclamaient, simplement, moins de taxes.

Il suffit de lire les principales propositions remontées par un récent sondage pour comprendre l’étendue du problème :

(cliquez sur l’image pour agrandir)

En substance, alors que la réduction des dépenses publiques intervient malgré tout en troisième position, on ne peut que constater la présence d’une série de demandes qui dépendent toutes du bon vouloir de l’État et dont la facture finale sera, obligatoirement, présentée au contribuable ou au consommateur (ou aux deux).

Après être passé par différentes phases de grogne puis de colère, le mouvement semble maintenant se structurer autour de ces demandes bancales qui poussent doucement mais sûrement nos Gilets Jaunes, au départ sur le terrain ferme du ras-le-bol fiscal, sur celui nettement plus bourbeux du pays de Schrödinger, du nom de ce physicien quantique qui familiarisa le concept de la décohérence quantique autorisant certains systèmes à partager plusieurs statuts, à la fois mort et vivant dans le cas du proverbial chat.

Dans le cas qui nous occupe, on se retrouve avec un pays devant diminuer les dépenses publiques tout en augmentant les domaines d’intervention de l’État. En somme, il s’agit donc de réduire ces dépenses en les augmentant ce qui est un bon résumé de la schizophrénie des Français.

Certes, comme je l’expliquais dans un précédent billet, on ne peut guère s’étonner ni de cette récupération du mouvement par l’insubmersible frange dodue des marxistes-collectivistes, ni que le réflexe naturel de Gilles et John, militants lambda du mouvement, soit de réclamer tout et son contraire : l’habitude a été prise depuis trop longtemps de tout attendre de l’État, et la médiatisation de toute autre solution n’est pas à l’ordre du jour.

Mais soit : il reste indispensable de rappeler quelques évidences. Il faut le dire, le redire et le crier même : non, taxer les riches n’est absolument pas une solution, c’est l’essence même du problème français.

D’une part, si la taxation était une solution, la France serait déjà un pays de Cocagne. D’autre part, la logique impose d’écarter cette idée : la taxation en général, et celle des riches en particulier, c’est l’aiguillon pour tous ceux qui le peuvent de chercher les solutions pour échapper à l’impôt, dont la plus évidente est l’exil. Exil d’autant plus facile à pratiquer qu’on est riche, justement.

Autrement dit, taxer les riches, c’est garantir qu’ils s’en aillent et avec eux, leurs dépenses, leurs investissements et leurs emplois. Plutôt que « faites payer les riches », le message que les Français devraient s’approprier est sans conteste « faites venir les riches » : aucun pays n’est devenu pauvre d’accueillir à bras ouverts tous les riches du monde.

D’autre part, il faut en finir avec l’idée ridicule que les taxes sont imposées aux entreprises ou aux étrangers. Taxes à l’import, taxes sur les salaires, taxes sur les produits, taxes sur les méchantes GAFA, le résultat est toujours le même : de la même façon qu’une taxe sur le lait n’est jamais payée par une vache, ces taxes ne sont jamais payées par les importateurs, les salariés, les producteurs, qu’ils soient GAFA ou pas. Le seul payeur de toutes ces taxes, c’est toujours le consommateur, d’une façon ou d’une autre.

À ce titre, demander au gouvernement une hausse du SMIC, c’est demander une hausse des prix : la hausse imposée aux entreprises se traduira par une augmentation des salaires donc des coûts de production, donc une hausse des prix des produits vendus. Ce sont les consommateurs qui paieront la différence. Qui sont les consommateurs ? Pour beaucoup, les smicards, dont ceux qui réclamaient une hausse de leur salaire.

En pratique, le seul levier dont dispose réellement le gouvernement est celui de la dépense publique. C’est d’ailleurs le seul qu’il n’a touché que dans le sens de l’augmentation depuis des lustres.

De toutes les propositions du sondage ci-dessus, la baisse des dépenses publiques est la seule qui permettrait de retrouver rapidement des marges de manœuvre pour les entreprises, qui se traduiraient en un accroissement de la productivité. C’est cet accroissement de productivité qui constitue ensuite la seule et unique source durable et économiquement saine de profits pour créer de l’emploi et augmenter les salaires.

Toute réintroduction de la moindre taxe, du moindre impôt, fut-il symbolique (croit-on), toute augmentation supplémentaire de la dépense publique, fut-elle pour des douceurs temporaires (minima sociaux, aides diverses) finiront inexorablement par créer de nouveaux chômeurs et de nouveaux Gilets Jaunes.

Messieurs Gilles et John, est-ce vraiment ce que vous voulez ? Voulez-vous vraiment une baisse des dépenses publiques mais une augmentation des minimas, du SMIC, des aides et de la redistribution ? Ou n’est-ce que le reflet de ce que des syndicalistes ou des gauchistes réclament en votre nom ?

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16 Comments

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  • Charles , 6 décembre 2018 @ 19 h 20 min

    Voila pourquoi le Markron ne pourra pas finir son mandat.
    Vidéo éditée le 28 octobre 2018 et elle approche les 700.000 vues en 40 jours.

    https://www.youtube.com/watch?v=3gtn0Js5IIs

  • Charles , 6 décembre 2018 @ 19 h 30 min

    Gloup, la fin est assez violente. J’avais pas vu. désolé.
    A prendre avec des pincettes et du recul.
    Ces images expriment l’état de désespoir et de rage de certains”citrons”

  • Charles , 6 décembre 2018 @ 19 h 48 min

    Au point de 38.47, intervention lucide ce jour de Stephane Ravier du RN
    sous les quolibets d’une assemblée sénatoriale de gros chats FM gavés à 20.000/mois.
    Il est coupé au micro vers le point de 44.11, donc un peu moins de 6 mn.
    Ils sont presque tous gros et gras à force de manger…

    https://www.youtube.com/watch?v=b7ZRbiNExIM

  • Charles , 6 décembre 2018 @ 20 h 57 min

    En Belgique, le gilet jaune se généralise
    En Allemagne, des manifestants anti markelle commencent à enfiler des gilets jaunes.

    http://www.fdesouche.com/1118023-en-allemagne-lextreme-droite-revet-luniforme-des-gilets-jaunes?utm_source=engageim

  • Charles , 6 décembre 2018 @ 21 h 40 min

    Je vous recommande de visionner la sélection d’interventions
    très pertinentes de 5 personnes;
    Un gilet jaune de 60 ans point 20 secondes,
    on ne peut plus attendre, cela dure depuis 20 ans),
    Natacha Polony (enfin lucide au point 2.05)
    un autre GJ ( point 3.20 qui explique la mutation des GJ),
    puis, cerise sur le gâteau la magnifique intervention de Emmanuel Todd
    (a partir de 5.20)
    Il explique bien le principe de violence d’état qui est la cause de la violence des GJ.Au point 11.20 il confirme le rôle d’agents provocateurs de la poulice politique pour taguer l’arc de triomphe.

    https://www.youtube.com/watch?v=LzNtOhv2U6Y

  • Charles , 8 décembre 2018 @ 22 h 41 min

    Un petit gars astucieux pose la bonne question
    sur le rôle normal d’une banque centrale (rôle bloqué en France en 1973)
    qui devrait pouvoir prêter à zéro % à l’Etat qui en est l’actionnaire.
    Il est donc inutile de passer par des banques privées
    qui, par ailleurs, se fournissent auprès de la même banque centrale….

    Zéro réponse du journaliste de l’empire (ici, la Villardière)
    qui sait bien qu’il ne doit pas répondre à une question de ce genre…

    https://www.youtube.com/watch?v=HkHogTQG_v4

  • Charles , 9 décembre 2018 @ 13 h 44 min

    Ici Polony explique bien l’écart insoluble entre la base et les zelites.
    Il faut voir la tête des bobos babas qui sont sidérés.

    https://www.youtube.com/watch?v=q91mNqYELzA

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