La République du Bisounoursland fête dignement 2020 (en cramant 2020 voitures ?)

La République du Bisounoursland est un pays de lait, de miel et de traditions : alors même que la galette des Ni-Rois Ni-Reines En République est à peine digérée, il est plus que temps de reprendre le cours normal des activités de tous et de chacun en oubliant aussi vite que possible les fêtes de fin d’année dont les traditions ont, cette année encore, été parfaitement respectées. Notamment celle qui consiste à cramer toujours plus de voitures.

Eh oui : le passage de l’année 2019 à 2020 n’aura pas dérogé aux détestables habitudes d’un pays en décomposition de moins en moins lente. Apparemment, il est maintenant de tradition, après une ou deux coupes d’un champagne léger, d’aller brûler quelques véhicules pour se détendre à la nuit de la St Sylvestre. Et de façon toute aussi traditionnelle à présent, il semble que les autorités n’en ont plus rien à cirer : de même que les attaques de couteaux déséquilibrés sont maintenant rentrées dans ce qu’on définit comme « norme », la mise à feu de voitures particulières le 31 décembre ne provoque plus qu’un vague haussement d’épaule de la part du gouvernement, des politiciens et des autorités en général qui ont, il faut bien le dire, d’autres festivités à mener.

Dans ce cadre, on ne pourra que regretter la joie un peu trop débordante des Strasbourgeois dont l’enthousiasme festif a malgré tout fait parler de lui : les tirs au mortier, les violences et le nombre de voitures cramées ont été trop importants pour bénéficier du même camouflage en règle opéré partout ailleurs.

Et quand j’écris « partout ailleurs », c’est réellement partout. Quand on regarde, même rapidement, la presse locale, on se rend compte que toutes les grandes villes et les villes moyennes de France ont participé à cette nouvelle tradition festive : Vénissieux, Limoges, Laon, Besançon, Vannes, Nantes, Annemasse, Mulhouse, Toulouse, Reims, Amiens, St Etienne, La Roche Sur Yon, Angers, pour ne citer que les premières entrées dans les nouvelles locales, autant de villes grandes et moyennes qui affichent ainsi un soutien sans faille à cet intéressant folklore naissant.

Devant cette avalanche de nouvelles, on devra s’étonner de l’absence quasi-totale de tout décompte global de voitures brûlées dans les grandes métropoles françaises, ou même d’un total général permettant d’apprécier l’ampleur de ce nouveau rite annuel. Si l’on s’en tient aux grands médias nationaux qui n’ont de cesse, l’œil vibrant et la lippe excitée, de dénoncer la moindre fake news, le phénomène des voitures brûlées n’existe pas, pour ainsi dire : épiphénomène extrêmement localisé, petits dérapages locaux-régionaux sans importance et sans réelle signification sociologique, économique ou politique, les grands quotidiens se sont parfaitement entendus pour ne pas traiter de l’information qui, d’ailleurs, n’existe pas.

Les riverains qui, par mégarde, auraient vu des voitures brûlées le lendemain du réveillon sont au mieux d’enquiquinants rabats-joie un peu trop focalisés sur des faits divers anecdotiques, au pire des complotistes de l’extrême-droite nauséabonde, et puis c’est tout.

D’ailleurs, la République du Bisounoursland a bien compris comment régler le problème : on ne communique plus dessus, du tout, pour ne faire ni le jeu de la surenchère (on ne voudrait pas que s’instaure une petite compétition entre départements, cités ou régions, voyez-vous, la République veille), ni le jeu des zextrêmes, forcément à l’affût. Une pierre, deux coups, c’est simple, facile, carré, et ce #PasDeVague républicain sur les voitures en rappelle un autre sur les violences à l’Education Nationale (qui n’existent pas). Ce n’est absolument pas pour cacher l’étendue des dégâts, l’impuissance des forces de l’ordre, le jmenfoutisme des autorités et le désarroi des populations touchées. Pas du tout.

Dans ce cadre, on comprendra donc la rage qui a pu s’emparer des élus de Paris lorsque le président américain, Donald Trump, a eu l’impudence de noter que tous ces véhicules qui crament, ça fait mauvais effet et ça amoindrit les performances de la France en terme d’émissions de dioxyde de carbone.

Pour le premier adjoint à la mairie de Paris, Emmanuel Grégoire, tout ceci est grotesque. Rendez-vous compte, « seules six voitures ont brûlé dans la capitale le soir du 31 décembre », (eh oui, seulement six et pas 148, hein, les amis) et puis c’était à cause d’un accident (voire d’une coïncidence, peut-être même), et puis d’abord mêlez-vous de vos affaires et puis à Paris le vivrensemble pulse autrement plus que chez vous d’abord et puis zut, na.

Rassurez-vous.

Nous sommes le 6 et ce nouveau rituel est déjà oublié dans les médias et dans les têtes des dirigeants. L’actualité a fort heureusement posé un voile pudique sur les troubles qui secouent la France de plus en plus violemment, sur l’incurie des dirigeants, sur l’incompétence crasse de l’Etat à assurer sa mission de base – la sécurité des biens et des personnes, sur la vacuité de la notion de justice sur ce territoire, sur le jmenfoutisme total des classes babillardes qui, largement pourvues en parkings fermés, n’a pas eu à subir le désagrément d’une voiture cramée en bas de chez soi. Joie, bonheur et décontraction : c’est même oublié de la part de l’engeance qui a provoqué ces dégâts.

C’est donc oublié pour tout le monde.

Ou presque : pour les riverains, pour les victimes de ces exactions, les activités festives (auprès des banques, des assurances, des administrations obtuses et pénibles) vont continuer de longues semaines. Pour une partie de ces Français, il va falloir se fader toute une panoplie réjouissante de démarches et de formalités, sans compter qu’en général, ce ne sont pas les voitures de riches qui partent ainsi en fumée, mais bien celles des classes laborieuses dont les déplacements dépendent ultimement de ces véhicules maintenant cramés.

Pour beaucoup, l’assurance ne couvrant pas ces dégâts, cela veut dire de nouvelles dettes, de nouvelles galères invraisemblables, le tout pendant qu’une petite caste de privilégiés fait absolument tout pour bloquer le pays. Cela signifie pour certains une perte d’activité, pour d’autres de devoir faire une croix sur un travail, une rémunération. Le mois de janvier s’annonce idyllique pour ceux-là.

Tous ces individus dont on vient de ruiner une partie de la vie, personne n’en parle plus, dès le 2 janvier. Les âneries d’Anne Hidalgo et de son équipe de clowns tragiques ont eu plus de place dans les journaux que les problèmes des anonymes maintenant confrontés à une série de difficultés qu’aucun service de la République du Bisounoursland ne viendra amoindrir (au contraire même : les administrations françaises veilleront à maximiser l’emmerdement auprès de ces citoyens, n’ayant en réalité aucune autre raison d’exister).

Soyons lucide : cette République est mourante. Elle se fout ouvertement de ses citoyens, méprise le peuple et laisse les pires crapules et la plus basse des racailles proliférer.

Mais surtout #PasDeVague même si ce pays est foutu.

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