Comme une après-guerre

Dans l’immédiate après-guerre des années 1940, Milton Friedmann avait visité la Grande Bretagne et la France. On lui avait alors demandé ce qu’il pensait de l’avenir des deux économies et sa réponse mérite d’être revisitée de nos jours.

Les deux pays en effet subissaient alors une crise aiguë de socialisme étatiste. Ils étaient passés sous l’influence respectivement de la victoire des travaillistes en 1945, et des partis fondateurs de la quatrième république, SFIO, PCF, MRP. Les mesures, planifications, nationalisations et réglementations, qui s’additionnaient des deux côtés de la Manche, allaient entraver gravement la reconstruction qu’elles prétendaient assurer et que l’aide Marshall allait heureusement faciliter.

Le diagnostic de Friedman fut que les Anglais adoptaient certes une réglementation stupide et que celle-ci se révélerait ruineuse parce qu’ils s’apprêtaient à l’appliquer. De leur côté, au contraire, les Français s’en sortiraient en ne s’y conformant pas.

Toutes proportions gardées, – car l’autodestruction du confinement n’est que peu de choses en comparaison des dommages de guerre, – que dirait Friedmann de nos jours ? Sans doute le contraire.

La France d’aujourd’hui va bientôt mesurer les conséquences funestes du discours du 16 mars, et sa phrase clef “quoi qu’il en coûte”.

Espérons seulement que le même esprit ne persistera pas, que l’ouverture à gauche de la Macronie ne se produira pas.

Face aux crises en effet, les pays qui s’en sortent le mieux sont ordinairement ceux dont les dirigeants commettent le moins de stupidités ou, ce qui revient à peu près au même, ceux qui écoutent à bientôt trois siècles de distance, le conseil que l’honnête physiocrate Quesnay donnait à Louis XV : “que feriez-vous si vous étiez roi ? – sire, je ne ferais rien”.

Un tel propos demeure sans doute incompréhensible pour un Bruno Le Maire qu’une rumeur inquiétante présente comme le successeur le plus plausible d’Édouard Philippe si celui-ci devait quitter l’Hôtel Matignon au lendemain du second tour des municipales.

Si nous regardons en arrière nous constatons que l’Angleterre travailliste s’effondra après la guerre, pourtant victorieuse, et ce jusqu’en 1979 où Margaret Thatcher prit la tête d’un pays complètement exsangue. Les phases où les “conservateurs” avaient repris la main électoralement n’avaient rien changé à la courbe déclinante, précisément parce que les tories d’alors, Anthony Eden premier ministre de 1955 à 1957, succédant à Churchill revenu en 1951, puis Mac Millan, de 1957 à 1963 s’étaient employés à ne “conserver” que le moule socialiste de leurs désastreux prédécesseurs. Il a vraiment fallu que l’Angleterre touchât le fond pour la Dame de Fer pût imposer les changements nécessaires dont même son parti ne voulait pas vraiment.

À la même époque, et en dépit des lourdeurs du plan Monnet, en dépit de la loi Croizat de généralisation de la sécurité sociale de 1946 – heureusement liquidée l’année même de son adoption —, en dépit des mesures de rationnement prolongées longtemps après la fin de la guerre, en dépit d’institutions ruineuses jamais abolies depuis, comme les statuts de la fonction publique ou du fermage, etc., c’est beaucoup plus rapidement que nos pseudo-historiens le prétendent que le redressement fut réalisé en esquivant l’étatisme officiel.

Très vite des mesures de libéralisation allaient en effet intervenir, dès le gouvernement Pinay de 1952, et même dans les premiers mois de la cinquième république, marqués justement par le retour de Pinay comme ministre des Finances de 1958 à 1960, conseillé par Jacques Rueff, lui-même appuyé par un discours très clair et très ferme du 21 décembre 1958 inaugurant le premier septennat du général De Gaulle. Tous les gens qui nous bassinent avec le “gaullisme social” c’est-à-dire avec l’héritage des orientations adoptées par leur idole à partir de 1966, au lendemain de sa difficile réélection, devraient relire, ou tout simplement découvrir ce texte.

Depuis, le “virage social” étatiste du gaullisme, aggravé par la crise de 1968, par les 7 points supplémentaires de dépenses publiques en 7 années de giscardisme, puis par les gluantse années Mitterrand, et ça n’a jamais cessé, le déclin de la France n’a cessé non plus de s’aggraver.

Le seul redressement possible passera par un changement de cap et par un changement d’état d’esprit.

> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog LInsolent.fr.

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