Boris Johnson, le parlement… et Paris

À l’imbroglio invraisemblable du Brexit, le nouveau Premier ministre prétend, right or wrong, mettre un terme par une sortie coûte que coûte le 31 octobre. Il s’exprimait une fois de plus dans ce sens hier après-midi devant le 10 Downing street. “Je ne veux pas d’une élection”, a-t-il déclaré. Souhaitant garder les mains libres pour négocier un accord, il persiste dans la suspension du Parlement pour cinq semaines, sans doute pour ne pas se retrouver dans la situation de Theresa May, peut-être pour aboutir au fatidique no deal, lui ouvrant la voie vers ce Grand Large, que l’empire britannique naissant avait choisi à partir de 1822.

La situation ne cesse d’évoluer, jour après jour. Dès ce 3 septembre un vote des Communes doit intervenir. Et face à cette interruption des débats de la chambre basse programmée pour plus d’un mois, les manifestations véhémentes se multiplient, criant au coup d’État. Et toute cette confusion amène, dès lors, certains observateurs à s’interroger sur l’avenir même des institutions anglaises qui, rappelons-le, remontent au XIIIe siècle, ont traversé l’époque absolutiste des Tudors, survivant à la guerre civile du XVIIe siècle, chassé les Stuarts, permis à l’Europe de chasser Napoléon, tenu tête à Hitler puis à l’URSS, etc.

C’est ainsi que Jean-Dominique Merchet, plus connu comme spécialiste des questions militaires et de renseignement, en arrivait ce 2 septembre au soir, dans un article mis en vedette sur le site de L’Opinion, à considérer qu’à “Londres comme à Rome, la démocratie représentative entre en crise” et que “la Chambre des communes du Royaume-Uni” souffre d’un “fonctionnement grippé”.

Dans le New York Times, Stephen Castle envisageait, il y a 3 jours, pas moins de 6 familles de scénarios parmi lesquelles il plaçait curieusement en tête, pour dire qu’on ne peut pas l’écarter, la reprise des rênes par les Communes. Schéma n° 2 : une motion de censure concoctée par la somme des oppositions, allant des travaillistes aux nationalistes écossais en passant par les libéraux démocrates et les conservateurs anti Brexit. Schéma n° 3 ÷ des élections anticipées dont la date serait éventuellement fixée au 17 octobre, veille de la réunion du Conseil Européen. Schéma n° 4 : vote, toujours possible, d’un accord. Schéma n° 5 : Brexit sans accord (no deal) et enfin, schéma n° 6 : une décision de justice rebat les cartes en rouvrant les débats parlementaires.

Tout est possible dans cette affaire et même les décodeurs du Monde, toujours si péremptoires, sont amenés à en convenir. Les diverses hypothèses donnent le tournis. Triomphe de l’adage selon lequel le parlement de Westminster peut tout faire sauf changer un homme en femme.

À Paris, on professe une supériorité écrasante du pouvoir exécutif et de la quasi dictature du président. De ce fait, quand on ne se gausse pas sottement, on se raidit. Car les institutions parlementaires britanniques restent terra incognita et les nôtres demeurent fragiles. Les deux conflits mondiaux les ont démonétisées. Les guerres d’Indochine et d’Algérie ne leur ont guère permis de redresser leur blason sous les républiques successives.

C’est seulement au début du XIXe siècle qu’elles sont apparues dans ce pays, tributaires de définitions oubliées, d’une charte octroyée par Louis XVIII dans un esprit réconciliateur, et théorisée par Chateaubriand, par ses écrits de 1814 sur le retour des Bourbons, de 1816 sur la monarchie selon la Charte et de 1818 à l’occasion de la naissance de la revue Le Conservateur.

À cet aspect paradoxal des conséquences de la démocratie parlementaire, le pire des régimes excepté tous les autres disait Churchill, votre serviteur tentera de consacrer sa conférence du 18 septembre prochain sur le Moment conservateur (1).

> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog LInsolent.fr.

Apostille :

1. Une réunion des Amis de l’Insolent Mercredi 18 septembre JG Malliarakis donnera une conférence suivie d’un débat sur le thème “Le Moment conservateur”
de 18 h à 20 h à la Brasserie du Pont Neuf 14 quai du Louvre Paris 1er
M° Louvre/Pont Neuf/Châtelet

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