La défaite les divisera encore plus

Au lendemain des élections municipales, le parti ministériel nous en a très aimablement avertis : au ministère de l’Intérieur, l’incertain Castaner, s’apprêtait à en trafiquer les statistiques de résultat. Ce sont en effet 54 % des électeurs français dont il se proposait de camoufler le désaveu probable. La manœuvre annoncée aura semblé tellement énorme que les gardiens du temple constitutionnel ont finalement  protesté.

Castaner, ce très mauvais ministre de l’Intérieur coche, à vrai dire, toutes les cases : parfaitement nul sur le maintien de l’ordre et la sécurité des citoyens et contribuables[1], totalement médiocre quant au pilotage des collectivités locales, il se révèle pire encore s’agissant de la préparation des élections.

Pièce essentielle du dispositif macronien, son prédécesseur Gérard Collomb était retourné sous sa tente lyonnaise. Certes, en décembre 2019, la démission de Delevoye correspondait au 16e départ, en 2 ans, d’un ministre ou d’un sous-ministricule ayant quitté l’Olympe jupitérienne. Mais on attendait toujours vainement que celui-là s’en aille à son tour, chassé pour ses incompétences multiples.

La circulaire modifiant le nuancier des listes municipales et l’évaluation de leur résultat datait du 10 décembre. Elle avait été notifiée aux communes de façon presque illégale puisque non publiée au Journal Officiel. À la suite des protestations de l’opposition, elle avait fait l’objet d’un recours en Conseil d’État, saisi au nom de la droite par le juriste Henri de Beauregard. La haute instance administrative a clairement désavoué l’intention ministérielle, ce que l’avocat considérait le 31 janvier, dans un entretien donné au Figaro, comme un camouflet[2].

Et ceci a conduit, le 3 février, à une révision à la baisse du seuil d’étiquetage des nuances politiques, passant des communes de moins 9 000 habitants à 3 500.

Ce 4 février le président des Républicains Christian Jacob pouvait donc se réjouir de la victoire de son parti sur le tripatouillage électoral programmé.

Une longue route semble quand même séparer ce succès de la certitude d’un réveil de la droite.

On ne saurait dès maintenant préjuger du score effectif que réalisera, dans les grandes villes, la galaxie macronienne. Beaucoup de paramètres peuvent intervenir d’ici les 15 et 22 mars. La phase de jeu flamboyante de Martinez et de la CGT a sans doute contribué à rallier à cette coalition gouvernementale qui se prétend majoritaire, une certaine frange bourgeoise et technocratique.

Cela pèse peu, cependant, en regard du mécontentement des classes moyennes et de la moitié rurale d’un pays las du parisianisme.

Or, de même que la calomnie selon Don Basile, où “La calunnia è un venticello”[3], la rumeur de la déroute a déjà commencé à se répandre chez ceux qu’on appelle désormais les députés “playmobil” de la majorité. Cette appellation peut sembler plus moderne que celles des “mamelouks” ou des “godillots” : elle ne s’en révèle que plus jetable.

Nominalement titulaires du pouvoir législatif, ils découvrent soudain que l’exécutif se moque d’eux.

La défaite divise toujours. Sa perspective y prépare. Ainsi soudain, la coalition des quatre formations du centre macronien, LREM, MODEM, UDI, AGIR, branle déjà dans le manche.

Le Premier ministre lui-même se porte candidat au Havre. Dans cette bonne ville, aucun notable droitier ne désire l’affronter tant l’avenir leur paraît promettre des convergences réalistes.

Cet allié de Jupiter, jusqu’ici indéfectible, manifeste à sa manière son intention de préparer l’après Macron.

N’importe quel cheval met une dizaine de secondes à évaluer la nullité de son cavalier.

L’instinct moins aiguisé du peuple français aura probablement fait son chemin en deux ans.

> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog LInsolent.fr

Apostilles :

[1] Dès le début, nous pointions sa désastreuse gestion de la crise des Gilets jaunes. cf. L’Insolent du 26 novembre 2018 “Castaner ministre de la chienlit”

[2] cf. entretien publié par Le Figaro “Circulaire Castaner: “Jamais un juge français n’a si clairement reproché au pouvoir de biaiser les résultats électoraux”

[3] À réécouter dans une des ses innombrables interprétations.

Related Articles