Macron chez Trump : valeurs partagées, valeurs bafouées

Il y a quelques années, pour se faire une idée point trop partiale des événements, il suffisait de croiser Le Monde et le Figaro, les plus méfiants jetant à la rigueur un coup d’œil sur l’Huma et sur Présent.

Aujourd’hui la grande presse française vante de manière unanime la réussite de la visite de Macron aux Etats-Unis , la chaleur de l’accueil et l’importance de l’événement. Et naturellement, il ne faut rien en croire. L’actuel président étant soutenu par la quasi-totalité des médias, ce qui n’était sans doute arrivé à aucun chef d’Etat depuis Napoléon III, ces dithyrambes étaient prévisibles.

Il fallait donc se tourner vers la presse américaine pour en savoir un peu plus. Et là, surprise, le New York Times , grand journal de référence s’il en est, ne parle pas de cette visite, sauf une dessin très méchant pour Macron le deuxième jour , les dépêches de Reuter, très factuelles, n’étant reproduites que sur le site. Le reste de la presse anglo-saxonne a été fort discrète. Pour la plupart des Américains, dut notre fierté nationale en souffrir, cette visite aura été un non-évènement.

Que tout ait été impeccablement organisé ne fait pas de doute. Trump tenait à rendre l’accueil magnifique qui lui avait été fait à Paris le 14 juillet dernier et Macron aimant la parade, il ne manquait pas un bouton de guêtre, sauf une pellicule sur son veston que Trump a ôtée en disant que le jeune président se devait d’ être parfait : cet homme qu’on dit lourd montrait ainsi avec finesse combien il avait perçu le côté narcissique , ou disons bon élève, de l’hôte de l’Elysée qui veut toujours rendre une copie parfaite à ses maîtres.

Il n’était pas difficile aux deux présidents de célébrer la vieille relation franco-américaine, d’ invoquer Lafayette et Washington, d’invoquer surtout une communauté de valeurs issue de deux révolutions presque concomitantes  : l’américaine (1776-1787) qui n’a réussi que grâce à l’appui militaire de Louis XVI et la française (1789) . Les deux aboutirent à quelques mois d’ intervalle à des déclarations de droits : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 d’un côté , le Bill of Rights devenu en 1791 le 1er amendement à la constitution des Etats-Unis, de l’autre.

Ces valeurs communes, sont connues : la démocratie et donc la transparence, la liberté , inséparable de la vérité, le respect du droit.

Des principes bafoués

Or ce qui a surtout réuni le deux présidents, par-delà ces grands principes, est, il faut bien le dire, exactement le contraire : l’expédition conjointe qu’ils viennent d’accomplir en Syrie pour bombarder les prétendus sites d’armes chimiques, laquelle bafoue frontalement les valeurs communes invoquées.

Sans qu’il soit nécessaire d’ en refaire sans cesse la démonstration, peu de gens sérieux doutent que les faits reprochés au président Bachar el Assad, l’usage d’armes chimiques à la Ghouta le 7 avril 2018 sont sans fondement et constituent dès lors des mensonges d’Etat, exactement le contraire de ce qu’avaient voulu promouvoir les constituants français et américains de 1787-1789. Rappelons seulement les déclarations récentes du secrétaire d’Etat à la défense James Mattis1, selon lequel le Pentagone n’avait jamais eu des preuves décisives de des précédentes attaques et l’absurdité qu’il y aurait à imaginer que le président Assad s’y livre , comme par hasard, chaque fois qu’il vient d’être prévenu qu’il s’agissait d’une « ligne rouge » à ne pas franchir.

Avec ou sans motif valable, les « frappes » , dès lors que les procédures prévues par la Charte de l’ONU n’étaient pas respectées, réalisées au demeurant avant la visite des inspecteurs de l’OIAC 2 constituent une violation flagrante du droit international, ce que n’a pas manqué de reconnaitre le Bundestag lui-même . Là aussi la coalition s’inscrit en faux contre les idéaux universalistes proclamés il y a deux siècles des deux côtés de l’Atlantique.

Il est vrai que sur certains sujets, le climat ou le commerce , mais surtout l’Iran, Macron n ’a pas manqué, spécialement devant le Congrès, de prendre ses distances vis-à-vis de Trump, sans qu’on sache s’il s’agit d’un vrai signe d’ indépendance ou d’une tentative de séduire la moitié de l’Amérique qui rejette le nouveau président, l’Amérique démocrate d’Obama-Clinton dont le président français est bien plus proche politiquement – et qui d’ailleurs l’a appuyé dans sa campagne électorale. Quand Macron insiste pour que le bombardement ait lieu ou qu’il demande à Trump ( sans succès heureusement) de maintenir des troupes en Syrie3, on peut se demander si le président français n’est pas le simple porte-parole de ce camp.

Il reste que parti pour défendre l’accord de Vienne avec l’Iran que Trump veut dénoncer, Macron a dit , sans consulter apparemment ses partenaires européens, qu’il fallait envisager sinon de dénoncer, du moins de réviser ou compléter l’accord, ce dont ni Téhéran, ni Moscou , ni Berlin ne veulent.

La France de Macron qui a accompagné l’Amérique de Trump dans une expédition illégale , fondée sur un mensonge, et qui se désolidarise des Européens pour faciliter l’action de Trump contre l’Iran, est décidément pour le président américain un allié bien accommodant.

Roland HUREAUX

2 Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, basée à La Haye .

3 Mais Macron a fait savoir à Washington , lui, qu’il envoyait de nouvelles troupes en Syrie.

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2 Comments

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  • JF Bret , 9 mai 2018 @ 4 h 33 min

    Macron aux Etats-Unis:
    C’est du cinéma.
    Cela ne représente rien.
    C’est dire à quel niveau nous sommes descendus.

  • Charles , 9 mai 2018 @ 12 h 23 min

    Trumpf pris la main dans le sac ???
    Affaire Stormy Daniels et la remise de 130 k$ par Cohen,l’avocat mafieux de Trumpf.
    Trumpf voulait acheter le silence de stormy sur leur liaison chaude et brulante.
    Le procureur/FBI de NY avaient saisis tous les extraits de comptes bancaire de l’avocat.
    Celui ci avait remis sur “ses propres fonds” 130 k a stormy.
    Il se trouve que ses comptes font apparaître un virement de 500k reçu d’un mafieux russe.
    Ceci juste un mois après l’élection de trumpf, manière astucieuse de rembourser Cohen.
    L’information passe en boucle sur les chaines TV aux EUA.
    Il y a de quoi inculper le président ou commencer le processus “d’empeachment”.
    Tout se retourne contre lui, malgré le soutien de Bibi, lui même contesté chez lui.

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=38&v=q-Gt84oZ_q4

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