La liberté d’expression écrasée par le « service public »

C’est avec gourmandise que j’ai regardé récemment une émission des « Informés de France Info » consacrée à la levée de l’immunité parlementaire de Marine Le Pen. Je ne suis pas membre du Front National. J’ai été député RPR puis UMP durant trois mandats. Je suis gaulliste, parce que patriote, et libéral-conservateur. C’est dire que je ne suis pas proche de la Présidente du Front National, même si, en dehors des campagnes où j’ai affronté ce parti, et de certains propos tenus jadis, j’ai toujours considéré qu’il s’agissait d’une formation comme les autres avec laquelle il n’était nullement interdit de discuter voire de s’entendre. Je me souviens, contrairement à Juppé qui, interrogé par Pujadas, l’avait oublié, que lors des campagnes de 1986 auxquelles je participais, l’un de nos thèmes était la « préférence nationale » à laquelle je reste attaché parce qu’elle est indissociable d’une politique préoccupée avant tout du Bien Commun de la Nation. Cerise sur le gâteau, le représentant du FN sur le plateau était Sébastien Chenu, chargé de défendre la liberté d’expression. C’est un de mes combats privilégiés et je suis en plein accord avec ce qu’il a dit dans le débat. Je regrette toutefois qu’il ait dans le passé professé une autre doctrine. Il était alors secrétaire national de l’UMP et co-fondateur de « gaylib » chargé de promouvoir les revendications des « homosexuels » à l’intérieur de ce parti. Il avait donc souhaité mon exclusion et parlait de mes « délires ». Mes propos, qui étaient soit vrais soit conformes à la loi, n’ont entraîné, cependant, aucune condamnation sauf celles des imprudents qui avaient cru pouvoir me diffamer impunément. Eva Joly en fait partie, et sa condamnation coïncide à peu près au passage de M. Chenu de l’UMP au FN. Les mauvaises langues susurrent qu’une mauvaise place sur les listes UMP pour les municipales parisiennes de 2014, avait décidé ce brillant apparatchik, spécialiste du « culturel », passé d’un cabinet l’autre, à changer de « maison », en arrivant au FN à point pour remplacer M. Philippot auprès des médias. J’avais moi-même commencé mes activités d’élu comme adjoint à la culture, mais comme m’a dit un ministre, spécialisé lui-aussi, je manquais d’atouts pour poursuivre dans le domaine.

Chenu défendait la liberté d’expression, et je ne peux que le féliciter de cette nouvelle conversion. Ce n’était pas facile car il était la cible d’un tribunal d’inquisition où il se trouvait bien seul face à trois intervenants hostiles. Jean-Mathieu Pernin, l’animateur de l’émission, n’a pas manqué à son rôle. Il a porté son concours, sans réserves, aux trois autres. Le service public remplit son devoir : une chaîne publique financée par l’impôt des contribuables, doit être de gauche, imposer le politiquement correct, c’est-à-dire la pensée unique de gauche, et continuer à diaboliser le FN pour décourager ce quart ou ce tiers des électeurs français qui pensent mal. « Les Informés » sont surtout des désinformateurs, chargés non pas d’informer, mais de formater les esprits. Ce fut un festival, une caricature du genre. Dans les tirs croisés, il arrive qu’on se tire dessus. Dans un débat, c’est pareil. Entre la « un peu (sic) spécialiste du terrorisme » coupant la parole de Chenu, levant la main pour le faire taire, et multipliant les moues désapprobatrices et Eric Petou de l’Express, les arguments contre le FN ont été comme des balles perdues. Il faut éviter les amalgames suggère la première, brandissant l’argument bien connu du « ça n’a rien à voir » lorsque Chenu évoque la photo du petit Aylan sur une plage turque aussi choquante que celles des exécutions de l’Etat islamique. Mais Petou affirme quant à lui qu’il ne faut pas jouer sur l’émotion que suscite une photo. On a compris : lorsque la photo propage une émotion favorable à l’immigration, c’est bien. Lorsque Marine Le Pen ou Gilbert Collard diffusent des images montrant la férocité de l’Etat islamique, c’est mal. Bien sûr le « modérateur » intervient pour asséner le coup de massue à l’accusé : c’est interdit. La Loi condamne sévèrement. Le FN ne peut s’exonérer de la sanction, lui qui souhaite punir les petits délinquants. Dans ce sens, l’amalgame est autorisé : entre l’image qu’on publie pour faire des émules et celle qu’on utilise pour stigmatiser les islamistes lorsque soi-même on est accusé dans une autre émission d’être « pareil », il y a un rapport : la totale opposition entre l’assassin et celui qui le combat ! La loi pénale ne peut-être automatique. Elle doit en bonne justice tenir compte de l’intention, mais cela échappe aux inquisiteurs. Petou, manquant sans doute d’imagination, a persévéré dans les amalgames. Toute la liberté d’expression du FN a donc subi les effets de la loi Godwin : « vous utilisez le même argument que pour excuser les propos sur les chambres à gaz ». De là à dire que Chenu était négationniste, il n’y avait qu’un pas.

Restait l’essentiel : le retrait de l’immunité parlementaire. Le président de la cour, je veux dire l’animateur, rappelait au député Chenu qu’il devait être comme les autres soumis à la loi. J’avais entendu le même discours de l’éminente représentante du Parquet qui demandait en 2006 ma condamnation pour des propos. La mode est plus que jamais à l’antiparlementarisme, qui pour le coup fait l’amalgame entre les parlementaires qui font leur travail et les autres. On ne se rend pas compte que cela sert surtout au pouvoir des antichambres, des grenouilles de cabinet qui ne prennent que rarement le risque de se faire élire. Si il y a un domaine où l’immunité est nécessaire, c’est celui de la liberté de parole, de communication en général, qui est la mission même du député, son devoir plus que son droit, notamment s’il est dans l’opposition. Que pour d’autres délits, il n’en bénéficie pas, ne me gêne guère. Mais, comment empêcher un législateur de dire qu’il s’oppose à une loi qui restreint sa liberté de la critiquer, et éventuellement de la changer, lui qui en a le pouvoir ? Personnellement, je n’ai pas brandi mon immunité, tellement j’étais persuadé de mon bon droit, qui n’a été reconnu qu’en cassation après un marathon judiciaire très coûteux, évidemment dissuasif. Dans notre pays la censure existe, par la loi, avec le concours de la presse et de la justice.

Le fait de voir le prétendu service public de l’audiovisuel participer à une sorte de chasse à courre politique est un spectacle indigne d’une vraie démocratie.

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4 Comments

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  • borphi , 13 novembre 2017 @ 13 h 19 min

    Les médias du service public n’ont plus aucun scrupule à bafouer la liberté d’expression !
    En conscience , cela ne leur pose pas de problème éthique !
    C’est très inquiétant de voir ces professionnels ne tirer aucune expérience de leurs prédécesseurs du XXème siècle , et même de s’asseoir sur l’histoire de la liberté d’expression du siècle dernier.

  • Jean NOGUES , 14 novembre 2017 @ 10 h 47 min

    Sans être moi-même député,il y a longtemps que ‘j’ai compris que la liberté d’expression n’existe plus en France;

    C’était pourtant un droit sacré, qui nous était rappelé, en tant que conquête de la Révolution, par les hussards noirs, dans les années 1948-1960.

    Durant ces années, ce droit était un France une réalité aussi puissante qu’aux USA, malgré l’absence, en France d’un second amendement de la Constitution.

    Par exemple, dans cette Grande Ecole où j’avais ”intégré”, j’atteste que nous avions un ”salon de lecture”, et que dans ce salon, on recevait la totalité de la presse écrite alors éditée en France. De la droite dure à la gauche totalitaire, on recevait tout. On avait, à égalité, ”La Nation Française” (de P. Boutang) ”Aspects de la France”, ”Rivarol”, ”L’action française”, ” Combat”, ”Libération ” ( très différent de ce qu’il est devenu de nos jours), et bien sûr ”France-Soir”, ”Le Parisien libéré”, ”Le Figaro”, ”L’humanité ”, mais uniquement des quotidiens, et aucune presse de province. J’atteste que le souci de la vraie liberté d’expression était unanime de la gauche dure à la droite dure, sur la ligne de Voltaire ”je ne suis pas d’accord avec vous mais je me ferais tuer pour que vous puissiez donner votre opinion”.

    Cette remarquable pluralité était partagée par tous, bien que le pays soit alors globalement de sensibilité de gauche, mais c’était une gauche essentiellement non marxiste, malgré une hypertrophie des votes pour le PCF. Le socialisme dit ”utopique” hérité de notre histoire nationale n’était pas encore mort, et la gauche en était plus ou moins imprégnée, ce qui explique en grande partie l’échec du Congrès de Tours en 1920, et le fait que la plupart des partis de gauche défendaient sincèrement les petit-bourgeois. Dans le subconscient populaire français, Péguy et Proudhon faisaient barrage au marxisme, qui restait une doctrine importée.

    Un exemple intéressant : la Libération (de 1945-47) avait emprisonné à tour de bras, sans complexes, sur critère politique. Mais du fond de leur prison, les condamnés pouvaient écrire et parler librement et ne s’en privaient pas, ils pouvaient même publier leurs articles. En 1957 encore, des prisonniers publiaient des textes choisis de Maurras ! Beaucoup de noms me viennent à l’esprit….un exemple : avant d’être finalement gracié, Benoist-Méchin pouvait écrire et publier depuis le fond de sa prison…..

    Cette liberté d’expression nous a été confisquée lambeau par lambeau, sans loi à grand spectacle. Les première banderilles notables furent plantées par Pleven, sous Pompidou. Comme les fissures invisibles d’un barrage, ces accrocs s’élargirent peu à peu, se métamorphosèrent plusieurs fois, toujours dans le même sens. Des condamnations exagérées suivirent, fort dissuasives.

    Deux attaques en règle se conjuguèrent pour tuer à petit feu la liberté d’expression : l’une par l’idéologie antiraciste, dans le sillage des lois PLeven. Et l’autre, bien sûr, par lois Gayssot (”La gayssotine”). Le tout servi par des juges dont l’impartialité n’apparaît pas au premier abord. En 2017, la censure se fait au grand jour et trouve même des partisans décomplexés qui s’expriment en toute impudeur, elle se nourrit d’elle-même sans avoir besoin de se référer à son propre passé. Dans le classement international des pays sur le critère de la liberté d’expression, la France tient une place peu glorieuse ( sauf erreur de ma part, 35 sème).

    Je m’étends ici sur la responsabilité immense de Jean-Marie Le Pen dans ce résultat final catastrophique. Il a vraiment tout fait pour qu’on en soit arrivé là ! ses jeux de mots débiles ne sont q’un pitoyable aspect de ce gâchis, mais ce n(est pas le pire. Le pire, c’est l’ ”affaire du détail”.

    Je ne sais plus quel juge a traité l’affaire du détail en première instance. Mais j’affirme ici que ce juge avait bien jugé, il avait jugé dans le sens d’une vraie reconnaissance de la liberté d’expression. C’est sans doute la dernière fois où nous avons un un juge aussi haut placé qui chérissait la liberté d’expression. C’est depuis l’affaire du détail que la censure a pris son essor et s’est rapidement imposée sana coup férir.

    Ce juge avait, en première instance, condamné JMLP à une amende pénale de…… un franc symbolique !
    Or, JMLP a fait appel de cette condamnation, sous prétexte que ce jugement menaçait la liberté d’expression. Il n’a pas compris, ou a refusé de comprendre, qu’au contraire, ce jugement préservait la liberté d’expression, car ce franc symbolique n’était qu’une condamnation purement morale. C’était une invitation claire à JMLP de se montrer humain et compréhensif dans l’épplication concrète des grands principes qu’il disait défendre. Il a confondu raideur et rigueur, ce qui est une faute impardonnable qui nous fait du mal encore aujourd’hui.

    Les juges attendaient de lui, c’est évident, qu’il accepte sa condamnation en beau joueur. Voilà ce qu’il aurait sûr dire s’il avait manifesté du sens politique :

    ”Messieurs les juges, j’accepte cette condamnation, et j’exprime ici mes regrets d’avoir sans le vouloir, heurté la sensibilité d’écorché vif de certains représentants de ceux qui ont souffert l’indicible. Je ne renie rien de ce que j’ai dit, mais j’aurais dû le dire autrement, dans le souci de ne blesser personne. Notre langue française est suffisamment riche pour permettre de rappeler les droits de la liberté d’expression dans des circonstances les plus délicates, en ne choquant personne. Le mot ”détail” était mal choisi, j’en suis conscient. Je le retire. Je voulais simplement rappeler que le nombre effarant des victimes de cette Seconde Guerre Mondiale comprenait aussi d’immenses autres souffrances inacceptables, et qu’il faut se garder de ne parler que d’un seul aspect de ce terrible conflit. .

    Alors en acceptant cette condamnation, je tends la main à mes adversaires, et je leur demande de vouloir bien accepter mes excuses pour les avoir choquée et blessés, telle n’était pas mon intention. ”

    Il aurait dit ça, toute la politique française en aurait été changée et peut-être aurions-nous fait un grand pas dans la nécessaire réconciliation nationale. Car de deux choses l’une : ou hien, cette main tendue n’aurait pas été refusée, et alors bingo, c’était un coup d’arrêt magistral dans la division entre français !
    Ca valait bien un franc symbolique, non ?
    Ou bien cette main tendue aurait été refusée, et alors là, JMLP aurait eu le beau rôle. Car je le crois profondément, une majorité de français n’aurait pas apprécié ce refus.

    Cette occasion manquée est à mon avis la cause principale de notre lamentable condition de français, soumis à une censure de plus en plus féroce et de plus en plus arbitraire.

  • J. Elsé , 14 novembre 2017 @ 17 h 13 min

    Monsieur Vanneste, vous croyez que la France est encore une démocratie ? Surprenant de la part d’un politique qui a lui-même subi des attaques anti-démocratiques !

  • Peu importe , 15 novembre 2017 @ 10 h 05 min

    De Gaulle avez raison en nous qualifiant de “veau”. Aujourd’hui, les veaux ont grandit. Certains sont devenus des vaches, d’autres plus nombreux des bœufs & enfin un pouiéme des taureaux, qui dépensent leur énergie à defendre le troupeau en s’énervant sur le bout de chiffon rouge que le systéme agite continuellement sous leur nez. Vive la corrida car celle-ci est écrite d’avance. Si par bonheur le scénario était par inadvertance défavorable aux toreros , le “principe de précaution ” entrerait immédiatement en vigueur. Abattage du dit taureau par un tireur d’élite, car bien sûr il faut “sécuriser” la foule qui n’est là que pour passer un moment festif.
    & si le taureau ne voulez tout simplement pas “jouer” le jeu imposé, quid des anti-corridas, quid des Tereros, quid de la billetterie, quid des organisateurs du spectacle.
    Rome l’a découvert en son temps……..
    Pour finir je place une note de poésie en vous invitant à découvrir où redécouvrir le très beau dessin animé de Walt Disney racontant l’histoire d’un petit veau au près, qui a l’aube de sa vie découvre la beauté du monde à travers des papillons , il grandit &devient un magnifique taureau de combat, mais lui est restait le même c’est à dire un poète qui aime la vie. Je vous laisse deviner la fin de cette histoire qui je vous rassure finit bien.

    Je fais le même pari en ce qui concerne le systéme multipolaire. Pour ma part je pense qu’aujourd’hui il est plus en “position” d’accompagnant d’un systéme unipolaire en fin de vie qui ne veut pas mourir & lutte désespérément contre ses angoisses mortifères. Agonie tragique….car le corps pue, du fait de sa décomposition prématurée. Ultimes actes de désespoir. tic tac tic tac clap de fin.

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