La transition énergétique pousse les lobbies à « verdir » leurs stratégies de conquête

par Paul Mercier

Charbon, bois, nucléaire… Les scandales sanitaires se multiplient parmi les acteurs de l’énergie et des économies d’énergie, souvent tentés de « verdir » leur secteur d’activités pour coller aux impératifs de la transition énergétique, voire pour en bénéficier directement. En France, aucune loi ne règlemente pourtant les activités de lobbies qui n’hésitent pas à flirter avec la manipulation.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 92% de la population mondiale vit dans des lieux dont les niveaux de qualité de l’air vont bien au-delà des seuils fixés. Résultat, chaque année, les décès dus à la pollution de l’air ambiant, extérieur et intérieur augmentent. Ils s’élevaient à 6,5 millions en 2012 selon les derniers chiffres communiqués par l’OMS. Ce qui représente 11,6% des décès dans le monde. Les modes de transport inefficaces, les combustibles ménagers, la combustion des déchets, les centrales électriques alimentées au charbon et les activités industrielles figurent parmi les principales sources de pollution de l’air. « Une action rapide pour faire face à la pollution atmosphérique est nécessaire d’urgence », alerte le Dr Maria Neira, Directrice du Département Santé publique, déterminants sociaux et environnementaux de la santé à l’OMS.

Les ravages de l’amiante

A l’origine des scandales sanitaires qui se multiplient, les lobbies sont plus que jamais à la manœuvre. De l’amiante au nucléaire en passant par le bois, tous adoptent des pratiques redoutables fondées sur le profit au mépris de la santé humaine. En témoigne l’histoire du filon juteux de l’amiante, le « magic mineral » classé cancérigène en 1977 par l’OMS. Après-guerre, en raison de son faible coût de production et de ses propriétés isolantes et sa résistance au feu, les industriels vont en mettre partout, du sol au plafond. Ils n’ont que faire des alertes sur la dangerosité du produit. D’autant que les maladies causées par l’amiante peuvent se déclarer trente ans après. Le lobby de l’amiante, par le bais de son Comité permanent amiante (CPA), créé en 1982, a promis des emplois aux pouvoirs publics et aux syndicats, mais aussi des financements aux scientifiques de renom, pour défendre « l’usage contrôlé » inoffensif de l’amiante.

Il aura fallu attendre 20 ans, en 1997, pour interdire l’amiante en France. Cet « attentisme criminel des industriels et de l’État est aujourd’hui à l’origine d’une hécatombe estimée à 35 000 décès entre 1965 et 1995, et à 100 000 d’ici à 2025 », soulignait déjà un rapport du Sénat en 2005.
Aujourd’hui, l’amiante est encore présente dans de nombreux bâtiments construits avant 1997. L’université de Jussieu, la tour Montparnasse en sont des exemples. Le désamiantage est un vrai casse-tête pour l’État. « L’amiante fera 100 000 victimes de plus d’ici 2050 », estime l’Institut national de veille sanitaire (INVS).

Le bois, nouvel enjeu de la politique climatique

Aujourd’hui, les lobbies ne peuvent plus se contenter de mettre en avant les prouesses techniques d’un produit pour gagner la confiance des politiques et des consommateurs. Ils doivent travailler également son côté environnemental et éthique. C’est le cas du bois. Surfant sur la vague de la transition énergétique en faveur des énergies renouvelables pour réduire les gaz à effets de serre, les industriels du bois verdissent leurs discours et créent de nouveaux labels, véritables garants, selon eux, d’une qualité irréprochable quant à son origine écologique et à son exploitation durable. Le développement de la biomasse et des bâtiments à ossature bois en sont une parfaite illustration. La mécanique est bien huilée. Là encore, les lobbies industriels s’appuient sur quelques décideurs politiques et certains scientifiques pour défendre l’idée que brûler davantage de bois pour produire de l’électricité est, contrairement au charbon ou au gaz naturel, source de réduction des émissions du CO2. En une décennie, les Etats dans le monde entier ont intégré l’idée que le bois est « sain » pour la santé et est « neutre en carbone ». Esthétique et chaleureux, le bois est naturel et renouvelable dans la mesure où l’on ne lui adjoint pas de produits toxiques, clament les lobbies forestiers. Bien sûr, ils omettent d’évoquer certaines vérités.

Le bois, selon l’essence et le mode de séchage, peut avoir une teneur en eau bien plus élevée que le charbon. Du coup, certaines chaudières bois peuvent émettre plus de CO2 par unité d’électricité produite qu’en brûlant du charbon ou du gaz naturel. « En comparaison aux centrales au charbon, pour produire la même quantité d’énergie, les centrales électriques à la biomasse forestière en Amérique du Nord émettent jusqu’à 150 % de plus de CO2, 400 % de plus de monoxyde de carbone irritant pour les poumons, et 200 % de plus de particules fines qui causent l’asthme », dénonce un rapport de Greenpeace datant de 2011 intitulé De biomasse à biomascarade. Les industriels du bois cherchent également à masquer la toxicité des traitements chimiques du bois pour résister au temps, aux intempéries, aux insectes et aux champignons. Actuellement, certains bois traités proposés sur le marché contiennent du cuivre, de l’acide borique et des fongicides triazoles. Le lobby du bois ne s’attarde pas non plus sur la présence de composés organiques volatils (COV) comme le benzène ou le formaldéhyde que l’on retrouve dans les panneaux de particules, de fibres ou de panneaux en bois agglomérés présents en grande quantité dans les maisons en bois. Le formaldéhyde est classé comme « une substance allergène et cancérigène » comme l’indique depuis 2004 le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).

La résistance du nucléaire

Dans un autre registre, la dette écologique et sanitaire laissée par la filière industrielle du nucléaire s’annonce colossale. Indépendance énergétique, énergie compétitive, peut-on entendre du côté du lobby de l’atome. Mieux pour élaborer une stratégie marketing centrée sur le greenwashing, les industriels du nucléaire mettent en avant cette « énergie propre qui ne rejette pas de CO2 dans l’atmosphère ». Cet argument vise à donner à la filière nucléaire une image écologiquement durable et responsable. Depuis des années, les acteurs de la filière nucléaire manient la subtilité du langage pour gommer les dangers et les coûts liés à l’exploitation des matières fissiles. Pour autant, six ans après la catastrophe de Fukushima au Japon, plusieurs pays à l’instar de la Suisse et l’Allemagne ont décidé de sortir du nucléaire à moyen terme. Aujourd’hui, le secteur donne des signes de ralentissement, relève la dernière étude du World Nuclear Industry Report sur les enjeux du secteur.

L’Association Nucléaire Mondiale qui fait la promotion de l’industrie nucléaire, entend bien monter au créneau pour mobiliser les gouvernements et acteurs du secteur sur l’intérêt de l’atome en tant que technologie à faible émission carbone dans la lutte contre le réchauffement climatique. « Le monde n’est pas sur le chemin qui permettrait d’offrir une électricité fiable et bon marché à la population de la planète, tout en respectant nos objectifs environnementaux », affirme Agneta Rising, directrice de cette organisation internationale. La cause semble entendue. Si la France a aujourd’hui annoncé sa sortie progressive du nucléaire, aucun calendrier n’a encore été fixé. Et déjà, prône Bertrand Barré, l’ancien directeur des réacteurs nucléaires au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), « la solution la plus intelligente serait de laisser l’Autorité de sûreté prolonger leur durée de vie, ce qui donnerait un peu de temps pour trouver des alternatives. » En février 2016, la Cour des comptes a estimé à « 100 milliards d’euros » le « grand carénage » destiné à prolonger l’exploitation des 58 réacteurs actuels au-delà de 40 ans et leur maintenance jusqu’en 2030. C’est sans compter sur le coût du retraitement et de l’enfouissement des déchets.

Related Articles

3 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • André , 16 mai 2018 @ 12 h 43 min

    En principe dans la Nouvelle France, lorsqu’elle se reconstruira, les grosses usines n’existeront plus. L’homme reviendra vers la nature. Il est bien clair que c’est l’homme qui détruit et pollue la planète et curieusement l’homme dit civilisé. Je vois mal un australopithèque construire une usine lâchant du gaz nitrique et des suies dans l’atmosphère. Comme ce fut le cas près de chez moi, une usine synthétique appelée Grande Paroisse, qui désoutait la nuit. Du linge blanc mis à sécher qui restait dehors, le lendemain matin était recouvert d’une couche de suie noire….. Et nos poumons alors ?
    M’étant forgé un esprit scientifique je fus pour les centrales électriques nucléaires, inépuisables et bon marché (Je me comprends). Ce sont les déchets que l’on ne sait pas quoi en faire et trop de problèmes pour la construction sécurisée de telles centrales….
    Dans les années 1990 à Fontenay aux Roses, je discutais avec un ingénieur du centre ‘”atomique'” mis à la retraite à 49 ans (la France désarme), pour les déchets voici ce que je propose….. Mon interlocuteur me regarde, vous connaissez bien la question. Vous avez étudié dans une école d’ingénieurs ? Je souris, non pas du tout, je suis simplement autodidacte et je raffole de sciences… Je suis resté plus de quatre heures chez lui et personne ne voyait le sablier du temps s’écouler.

  • André , 16 mai 2018 @ 14 h 51 min

    Message de Marie, un peu long mais passionnant.
    Oui André, il y a du changement qui arrive du fait du peuple !
    P r exemple, des gens arrivent à modifier leur moteur de voiture pour le faire fonctionner… à l’eau ! Forcément, ça dérange et ça interpelle.
    De plus en plus de gens qui en ont assez des produits pesticidés, dénaturés n’achètent plus que de la nourriture bio et si possible produite à proximité. Cela aussi fait sacrément bouger les lignes !
    Là où je vais habiter, pour préserver l’eau du lac et des étangs laissés par les moines chartreux du Moyen-âge, on préserve tous les cours d’eau alimentant lac et étang, donc exit les pesticides et engrais, et toute l’agriculture ou presque est bio, et partout, il y a des magasins fermiers et ça fonctionne à fond ! Un maraîcher bio s’est installé juste derrière notre parc du reste. Bref, oui, ça change, mais certains ne pourront pas survire aux changements. Ces changements eux-mêmes nécessite une très forte diminution de population.
    Pour ce qui nous concerne nous produisons quelques-uns de nos légumes, bio forcément.
    Les énergies renouvelables sont aussi en expansion, car à présent, tu peux produire ton énergie solaire ou autre sans avoir à revendre forcément à EDF; tu peux produire juste pour ta consommation.
    Les nouveaux panneaux solaires sont produits en France, de haute qualité et parfois garantie quarante ans !
    L’installation reste onéreuse. Les maisons autonomes se développent.
    Je suis une littéraire, et pourtant, moi aussi il m’est arrivé de surprendre les ingénieurs. J’ai ainsi démontré, étant étudiante à un futur ingénieur, que le naént n’est vide que de sens, que le non existant est impossible, l’abstraction étant contraire à la création. Ceal signifie que le concept du zéro est juste un outil de relativisation puisque l’humain est au quotidien dans une perception uniquement relative de la réalité.
    Pas de formules mathématique, juste des mots, une réflexion logique exprimée avec des mots simples.
    Il m’est arrivé de conceptualiser des principes d’invention qui furent par la suite, des années après évoquées par des scientifiques ! Ainsi, du fait du bruit perçu venant de l’extérieur lorsqu’on vit en vile, à vingt-cinq ans, j’avais émis l’hypothèse de création d’un dispositif démultiplicateur (fractionnement) du bruit à fixer sur les zones radiantes du bruit, les vitres par exemple. En fractionnant la réception vibratoire du bruit, on réduit le bruit perçu, la nuisance, et on répartit ces fractionnements de décibels. Bref, le bruit d’une moto poussée à fond ne serait plus perçu de l’intérieur de l’appartement qu’au niveau du léger froissement d’une feuille de papier. Mon époux, scientifique avait été surpris par ma proposition dont moi je ne pouvais rien faire. Quelques temps plus tard, dans une émission, un scientifique envisagea la création d’un tel dispositif répondant à ce principe que j’avais énoncé; là, mon époux me regarda stupéfait car avec des termes moins simples, le scientifique énonçait la même idée que moi, la littéraire, historienne.
    De fait, jamais le principe ne fut mis sur le marché, et je suppose que c’est du fait des doubles vitrages qui étaient déjà dans les clous, mais qui ne donnent pourtant pas le résultat que donnerait l’application de ce que j’avais énoncé.
    J’ai depuis perfectionné mon idée en utilisant le principe du… diapason !
    L’enseignement est toujours limitatif, trop cadré… Ma petite particularité fait que suite à l’amputation de la moitié droite du nerf optique, je perçois les choses autrement, souvent de façon globale, j’aprends vite, et en bref, depusi l’âge de douze ans, âge de l’opération, j’ai developpé… deux cerveaux ! Voilà pourquoi je sais d’avance tant de choses. Ce n’est pas facile à vivre, car mieux vaut cacher ces particularités.
    Bonne journée.
    Cordialement.
    Marie

  • J'écris ton nom , 17 mai 2018 @ 11 h 12 min

    Article “putaclic” s’il en est. Mal écrit, sans autre fil conducteur ni perspective que de se plaindre des méchants. NDF nous avait habitués à mieux.
    Sur le fond :
    – aucune info sur les PROTITS du désamiantage
    – aucune info sur la lutte contre les phénols et autres colles volatiles et toxiques
    – amalgame grossier sur le CO2 de la biomasse, qui de toutes façons, exploitée ou non, retourne a la nature et se convertira en CO2
    – à contrario, bisounourserie grossière sur le CO, qui n’est pas un irritant, mais bien un toxique, dont les effets se comparent à ceux du cyanure (mais si c’est Greenpeace qui le dit …)
    – diabolisation grossière du nucléaire, aujourd’hui et pour longtemps la seule énergie pouvant satisfaire aux besoins de l’humanité, sans lui faire courir de risques (dès lors que l’on passe à des technologies ne produisant plus de plutonium ou de matières exploitable en bombes)
    – contre sens vraisemblable sur les propos de l’ANM, qui ne peut que se plaindre, et à juste titre, du transferts de ressources du nucléaire vers un eolien aussi monstrueux qu’inefficace

    Peut mieux faire.

Comments are closed.