Pour Collomb, Macron ce n’est plus l’Amérique…

Gérard Collomb prend ses distances. Celui qui avait joué un rôle décisif dans l’élection d’Emmanuel Macron en lui apportant le crédit du socialisme modéré et enraciné, en l’entourant du charme discret de la bourgeoisie lyonnaise, se sent de moins en moins à l’aise dans l’ombre de Narcisse-Jupiter. Celui qui avait bâti sa notoriété sur une action locale ambitieuse, mais pragmatique, éloignée de l’idéologie clivante comme des coups médiatiques, réclame plus d’humilité du pouvoir auquel il participe. Son analyse des déboires présidentiels actuels sonnait juste. Il se référait à « l’hubris » des Grecs, à la démesure qui rend aveugles ceux que les dieux veulent punir. Comme la vérité blesse toujours celui qu’elle vise, Narcisse-Jupiter en a été fort courroucé. Une explication a eu lieu entre les deux personnages. Le Lyonnais souhaite redevenir Maire en sa ville. Beaucoup de Lyonnais le préféraient dans ce rôle que dans celui de « premier flic » de France. Mais, nombreux aussi sont ceux qui pensent qu’une nouvelle candidature municipale en 2020 serait celle de trop. Le passage au Ministère de l’Intérieur a révélé un homme sur qui l’âge pesait, qui manquait du dynamisme et de l’autorité nécessaires à ce poste sur lequel Sarkozy avait construit sa réussite. Ses propos souvent hésitants, et ses gaffes l’ont empêché d’être un grand Ministre : lorsqu’il communique à la presse des informations sur l’auteur de l’attentat de Manchester, Salman Abidi, les Britanniques qui souhaitaient garder secrète l’identité du terroriste expriment leur surprise et leur mécontentement. Le sommet est atteint lors de son audition devant la Commission d’Enquête de l’Assemblée sur l’affaire Benalla. Le locataire de la Place Beauvau qui devrait être l’homme le mieux renseigné de France ne sait pas ce qui se passe dans sa maison, pourquoi le « cogneur » du 1er Mai possède un port d’arme qu’il lui avait refusé. Il ne sait pas davantage ce qui se passe dans la maison d’en face, l’Elysée, et ignore tout de la fonction de l’estafier du Président qu’il a pourtant côtoyé dès la campagne présidentielle.

L’intuition politique de Gérard Collomb est toujours assez juste. Plus ferme en apparence sur l’immigration que ses prédécesseurs, il a jusqu’à présent évité que le terrorisme ne réédite des attentats importants. La Loi antiterroriste a pris le relais de l’Etat d’urgence. Surtout, la communication ministérielle, et non celle du Ministre, a été soignée. Les nombreuses attaques à l’arme blanche, y compris celles commises par des immigrés musulmans venant d’Afghanistan ou d’ailleurs, sont déclassées en faits divers d’origine psychiatrique. De nombreuses tentatives d’attentats auraient été déjouées. Et cerise sur le gâteau, parmi eux, des projets venant de l’extrême-droite : l’homme de centre-gauche, franc-maçon sans complexe, et qui plus est, Lyonnais, se plaît dans ce juste milieu, à l’abri des excès symétriques. De même, ce qu’il affectionne, c’est la police de proximité, ressortie de la naphtaline de l’ère Jospin. Apparemment, cette politique donne des résultats puisque ceux qui ont été publiés récemment sont plutôt positifs, sauf à Paris. Les vols, sous toutes leurs formes, sont en recul. En revanche, on observe un accroissement de la violence sexuelle et intrafamiliale. On remarquera toutefois l’étonnante coïncidence des chiffres avec la mode idéologique et l’intérêt du Ministère : celui-ci réussit dans son domaine, mais fait face à la montée de comportements individuels qui n’ont rien à voir avec la délinquance organisée. Reste l’essentiel : l’importance du trafic de drogue lié à l’insécurité des quartiers sensibles, ceux qui correspondent aux « territoires perdus de la République ». Récemment, un braquage opéré dans le 15e arrondissement de Marseille à l’encontre d’un supermarché a connu une fin révélatrice : la foule qui était à proximité, sur un « marché aux puces », a lynché les deux voleurs dont l’un a réussi à prendre la fuite. Mais à l’arrivée de la police, les fruits du vol avaient mystérieusement disparu, sans doute au profit des justiciers de proximité. On ne peut mieux résumer l’idée d’une France qui n’est plus elle-même.

Gérard Collomb sait très bien que ses « Quartiers de Reconquête Républicaine », malgré leur titre ronflant ne résoudront pas la questions avec quelques policiers supplémentaires. C’est justement le jour de l’inauguration de l’un d’entre-eux qu’il a choisi d’annoncer son départ après les élections européennes, entraînant une désapprobation chez les policiers, qui ne souhaitent pas un Ministre à temps partiel. Mais lui, en bon politicien, souhaite partir à temps !

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