Macron entre contrition et entêtement

Il paraît que certains Français sont des somnambules qui, entre autres défauts hexagonaux quotidiennement rappelés par le Premier d’entre-eux, ont du mal à percevoir les périls qui montent. Mais le guide qu’ils ont élu, faute de mieux, va les éclairer. En l’occurrence, dans un bureau mal éclairé, un chef d’Etat blafard fait son acte de contrition. On est entre Pétain et la repentance crépusculaire et Cassandre annonçant la catastrophe à venir, cette fois le retour des nationalistes et de la guerre. Au lendemain d’une recomposition du gouvernement qui avait tourné à la farce, il s’agissait de rappeler que le monde et l’histoire étaient tragiques. Etait-ce de cette mise en scène funèbre que la lumière pouvait jaillir ? En fait, en laissant dans l’ombre le président et son allocution laborieuse, écrite devant lui, bien en vue et raturée par souci de fausse modestie, cette prestation théâtrale a effectivement jeté la lumière dans l’esprit des Français. Comme le dit Emmanuel Todd, ils ont été victimes d’une hallucination collective en 2017. Ils ont cru, pour certains, aborder dans un nouveau monde politique, avec des élus sortis du rang de la « société civile » guidés par un esprit brillant capable de redessiner pour la France les voies de la réussite économique et sociale, et pourquoi pas de la grandeur. Les hauts-lieux de la monarchie avaient servi de décor à l’illusion de cette renaissance. La pénombre présidentielle les a réveillés. Leur lévitation a cessé. Ils sont retombés sur terre, une terre où la France ne se porte pas bien, où les Français vivent plus mal. Le génie n’était qu’un comédien qui rentre chaque jour un peu plus dans sa bouteille. Après un remaniement ministériel raté, alors que sa durée était justifiée par la maîtrise tranquille du processus, le pilote de la Nation a atterri en sous-sol. Voilà ce qui arrive à celui qui abuse du mot profond alors qu’il n’est que creux.

Comme les boulettes de pétrole qui viennent se répandre sur les plages du Var, les bourdes présidentielles s’accumulent sur les rives du pouvoir. C’est ainsi que l’image destructrice de la verticalité, le Chef de l’Etat, l’air radieux, enlacé par deux jeunes Antillais torse nu et faisant des gestes obscènes, est revenue dans les esprits. On apprenait que celui auquel il avait fait la leçon était en prison, condamné à quatre mois, pour détention de drogue et rébellion. Sans doute avait-il pris la déclaration pleine d’amour pour tous les enfants de la République qui font des bêtises pour une invitation à en faire davantage pour être aimé plus encore. Beaucoup de Français « périphériques », ceux qui vivent justement au-delà des périphériques des métropoles, jusqu’au fond de provinces traversées de routes départementales, ou nationales, à deux voies, et pour qui la voiture ou la moto sont des outils nécessaires, n’ont toujours pas digéré la limitation de vitesse à 80 Km/h justifiée par la volonté de faire baisser le nombre des morts sur la route. Or, ils viennent d’apprendre que celui-ci avait augmenté en septembre parce que les deux-roues que l’on sort davantage par beau temps ont payé comme d’habitude le plus lourd tribut au danger des voies mal entretenues ou mal signalées. L’augmentation des taxes sur les carburants est devenue insupportable. On parle maintenant d’instaurer un péage pour dissuader les péri-urbains de polluer les grandes villes. Cette fois, c’est l’écologie qui sert d’excuse. Chacun se rend bien compte que la seule logique du pouvoir, sous différents prétextes, est de multiplier les prélèvements publics pour compenser l’incapacité de diminuer la dépense et de relancer la croissance.

A plusieurs reprises, le Chef de l’Etat a rappelé la confiance que les électeurs, le pays, selon lui, lui avaient manifestée. Cette fois, c’est lui qui s’illusionne : une minorité a été séduite par la nouveauté et ce qui paraissait une intelligence supérieure apte à apporter un nouveau souffle au « vieux » pays couvert de blessures, parcouru de fractures qu’il a décrit. La majorité ne l’a élu que par défaut, et lui a fait confiance pendant un temps. Celui-ci s’est achevé. Jupiter est tombé de l’Olympe. Benalla a révélé que le Président avait des caprices et des favoris, que le mépris des autres lui était structurel, que le goût du pouvoir personnel était ancré en lui. La nomination de l’ami Castaner à l’Intérieur, comme l’élection de Ferrand au perchoir montrent que le nouveau monde est composé avec les résidus de l’ancien, et peut-être les plus douteux. Le PS de Hollande continue sans lui, et avec la complicité de certains renégats « Républicains ». Effectivement, le combat des Européennes va être celui entre cet ancien monde camouflé, et celui qui naîtra de la renaissance des peuples, de la souveraineté des nations enfin retrouvée.

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