[Redite] Le quinoa de Mélenchon ou la revanche du marché sur les collectivistes

Alors que l’actualité nous montre à nouveau les facettes les plus sombres du personnage Mélenchon, ce dimanche est l’occasion de revenir sur le passé de celui qui était alors le « candidat Jean-Luc » à la dernière présidentielle, celle qui devait, selon ses petits calculs précis et indiscutables, le propulser à la tête du pays. On le découvrait alors simple et bonhomme, préparant lui-même des petites salades … de quinoa capitaliste.

Le vendredi, c’est poisson – enfin, pour beaucoup. Pour d’autres, c’est l’occasion de tenter un repas à base de petites plantes vertes, de nouveauté en sachets d’importation bio et de graines à la mode. Ce sera donc sans surprise qu’on découvre que Jean-Luc Mélenchon, frétillant candidat à la présidentielle pour les huit prochains mois, s’est récemment mis à en manger avec délectation.

Au point, d’ailleurs, de susciter la curiosité de quelques journalistes en mal d’article pour leur canard, comme Gala, qui s’empressent donc de le rencontrer chez lui, dans son milieu naturel et cossu, afin d’en apprendre plus. Pensez donc ! La course à la présidentielle nécessite une forme de marathonien et commande l’abandon du bedon électif qui apparaît souvent après l’obtention d’un mandat, pour Jean-Luc comme pour d’autres. Le régime minceur s’impose, et si ce régime peut aussi faire passer un message politique, pourquoi s’en priver ? Il sera bien temps de retrouver l’appétit une fois retourné sous les ors de la République…

En attendant, le candidat Mélenchon explique très simplement comment il procède et dévoile son secret minceur : avec quelques dés de concombre, de tomate, de verdure diverse et d’avocat, il ajoute une céréale miracle, le quinoa. Oh, il admet sans mal être en retard sur la mode apparue il y a déjà plusieurs années qui incite le rurbain conscientisé et le citadin en syntonisation parfaite avec Gaïa à brouter joyeusement la pseudo-céréale venue des hauts plateaux d’Amérique du Sud, mais après tout, s’il aime ça et qu’en plus, cela lui permet de faire passer quelques messages subconscients en terme d’écologie, de nourriture bio, de respect des petits animaux et de l’agriculture équitable, après tout, pourquoi pas ?

Sur le plan politique, ce petit bout de stratégie alimentaire peut s’avérer payant : le candidat Mélenchon montre ainsi se soucier d’une poignée de ces thèmes chers à une certaine gauche, celle qui pourrait bien quitter les rangs déjà clairsemés du PS traditionnel, voire des Verts en déroute, pour venir grossir ses suffrages. Et gêner le candidat issu de la primaire socialiste, c’est tout ce que demande Jean-Luc pour s’assurer d’un avenir politique plus dodu que son actuelle gamelle.

Cependant, sur d’autres plans que politique, Jean-Luc fait ici une démonstration plutôt ambigüe.

Déjà, sur le simple plan nutritionnel, on est dans l’embarras. Le quinoa contient naturellement de fortes doses de saponine qui imposent de le laver très méticuleusement. On peut bien sûr sans mal admettre que ce qu’on trouve dans le commerce a déjà été correctement nettoyé, mais on s’étonnera de constater le détachement qui entoure ces saponines du quinoa d’un côté et de l’autre, l’hystérie qui entoure certaines plantes (OGM, traitées avant ou après la récolte, …) et certains composants (parabènes, typiquement) aux concentrations beaucoup, beaucoup plus faibles, et au suivi industriel autrement plus tatillon : les réactions allergiques aux saponines (et l’inflammation intestinale qui résulte de leur présence dans le bol alimentaire) ne semblent pas inquiéter ceux qui grignotent cette graine. Le principe de précaution, indépassable pour des OGM pourtant inoffensifs depuis des décennies, s’arrête dans l’assiette dès que la plante est estampillée « gentille » par les bonnes associations, je présume.

Au-delà de ces considérations bêtement chimiques, on s’amusera de l’étonnante leçon que le marché administre à Jean-Luc, pourtant peu susceptible de le vouer à autre chose qu’aux gémonies. Le quinoa est en effet une plante dont la consommation mondiale n’a cessé d’augmenter, à mesure qu’ont grandi sa notoriété et son succès notamment auprès des occidentaux financièrement à l’aise. Jean-Luc rentre ici tout à fait dans le cadre du sexagénaire à la fois soucieux de sa ligne et de l’image qu’il renvoie auprès de son entourage, et qui dispose tout de même de solides moyens pour une alimentation millimétrée.

Et ce faisant, il favorise directement l’émergence d’un marché mondial du Quinoa… Qui voit la Bolivie exporter plus de la moitié de sa production, ce qui se traduit directement par une hausse des prix du produit, y compris sur le marché national qui devient progressivement inaccessible pour les populations les plus pauvres auxquelles le quinoa s’adressait pourtant.

Pour un chantre des petites gens et de la classe ouvrière laborieuse qui a du mal à joindre les deux bouts, voilà qui est ballot. D’un autre côté, difficile de ne pas voir que cette augmentation du prix du quinoa provoquée par ceux qui en ingurgitent goulûment bénéficie directement à ceux qui, à l’autre bout de la chaîne, en produisent : on peut même s’autoriser à penser que ces producteurs, en Bolivie ou au Pérou, sont en train de sortir de la misère précisément parce que des millions de Jean-Luc conscientisés se sont mis à en acheter.

On se devra donc de noter ironiquement que dans l’histoire, Jean-Luc, probablement sans le savoir, aura démontré par l’exemple pourquoi la mondialisation permet effectivement l’enrichissement des peuples et pourquoi le capitalisme, en permettant l’émergence de ces comportements, est un véritable bienfait pour l’Humanité, en parfaite contradiction des thèses qu’il soutient avec véhémence à qui veut l’entendre. Mieux : Jean-Luc permet ainsi à ces pays d’Amérique du Sud de s’extirper doucement de ces fièvres collectivistes qui les mettent systématiquement à genoux : sans s’en rendre compte, chaque bouchée de quinoa d’un Jean-Luc pourtant remonté comme un coucou contre le méchant marché, c’est un clou de plus dans le cercueil marxiste que ces pays se construisent régulièrement, à l’instar de la Bolivie de Morales (qui se fait dézinguer un ministre un peu trop interventionniste par la cheville ouvrière minière mécontente qu’on vienne empêcher son taf) ou du Venezuela de Maduro (chez qui le papier hygiénique compte plus que les billets de sa banque centrale).

Au passage, on ne s’étonnera même pas de cette incohérence qui vient simplement s’ajouter à celle, encore plus flagrante, qui veut qu’on doive consommer localement, tant pour contrer la méchante mondialisation (ultra-turbo-capitatruc) que pour favoriser nos petits artisans, nos petites entreprises et nos petits paysans locaux. Le candidat Mélenchon a très légitimement choisi de brouter du quinoa plutôt que de s’enfiler de la Charolaise, ce qui aurait pourtant contribué à soutenir une filière de viande française en difficulté à cause de la mondialisation / le mauvais soutien de l’État à la filière / les méchants groupe agro-industriels sans foi ni loi / le capitalisme apatride / le cheval roumain / biffez les mentions inutiles, panachage possible.

C’est un peu le souci avec ces idéologies mal boutiquées : qu’on choisisse local ou non, qu’on consomme quinoa ou pas, quoi qu’on fasse, on finit toujours par être incohérent, et, mieux encore, on aboutit à favoriser capitalisme et mondialisation qu’on entendait pourtant combattre fermement.

Décidément, le marché est plus fort que Jean-Luc.

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