Macron en Amérique : le Show et le froid…

Narcisse-Jupiter est un très bon bilingue : l’excellent usage sémantique et syntaxique du français comme la qualité de l’accent dans l’emploi du sabir atlantique ne peuvent que flatter la vanité nationale toujours prête à admirer les orateurs brillants, couverts de diplômes, qui en remontrent sur la scène internationale aux publics étrangers. Voyez ce dont un Français est capable ! L’ennui, c’est qu’en parlant de scène, on prend conscience qu’il s’agit d’un spectacle. Le Président français est un bon comédien, capable de s’adapter aux spectateurs, et de se faire applaudir aussi bien au Capitole qu’à l’Université Georges Washington. La mise en scène et son déroulement sont toujours très soignés. Les difficultés commencent lorsque le partenaire, qui n’est jamais dans un rôle de composition, en fait trop, époussette l’épaule de son « visiteur d’Etat », le tire par le bras comme on emmène un enfant à l’école, ou en rajoute dans les accolades qui deviennent des bisous assez ridicules. Ces fausses notes nous font quitter la forme pour le fond qui est moins glorieux. Il y a même un océan entre les deux.

D’abord, il y a, au delà des hyperboles habituelles de Trump, des caresses verbales appuyées envers la France et son Président, la première magnifique et le second formidable, un calcul qui consiste à tirer parti de cette visite pour améliorer son image auprès des Américains en leur montrant que la démolition qu’il subit à l’intérieur n’est pas partagée à l’extérieur, par le représentant d’un pays, certes bien affaibli, mais qui pourrait s’améliorer avec un Chef d’Etat aussi américanophile. De plus, ce débordement d’affection, cette insistance sur la qualité des relations personnelles, chargées d’affectivité, trahissent une certaine condescendance, comme celle de Clinton à l’égard d’Eltsine, partant dans un grand fou-rire complice avec celui, que ne craignant plus, il ne respectait plus. Les Etats, comme le rappelait Nietzsche, sont « les plus froids des monstres froids ». Les embrassades excessives doivent toujours éveiller des soupçons sur leur sincérité. Comme le disait Cocteau, « en amour, il n’y a que des preuves d’amour ». En politique où l’amour n’a pas sa place, il doit y avoir des signes tangibles d’accord. Sinon, les rencontres « au sommet » demeurent des divertissements pour gogos.

Or, sur les trois points importants de divergence, d’accord, il n’y en eut pas ! Macron voulait faire bouger Trump sur le nucléaire iranien. Non seulement le Président américain n’a pas renoncé à déchirer le « Plan d’Action conjoint » entre l’Iran, et les cinq puissances nucléaires plus l’Allemagne, le 12 Mai prochain, mais c’est Macron, qui s’obstine à le désigner par ses initiales anglaises, JCPOA, qui a fait un pas en direction de Trump, en parlant d’un nouvel accord, prolongeant l’actuel au-delà de dix ans, incluant un contrôle et une limitation de la production de lanceurs par l’Iran, et imposant une solution politique globale pour le proche et moyen-Orient, c’est-à-dire notamment la Syrie. L’Iran a déjà fait connaître son opposition. On ne voit pas comment ce recul français pourrait faire avancer les choses. Fin de non-recevoir également de la maison blanche sur le commerce et sur l’environnement. On se demande ce que Macron est allé chercher outre-Atlantique, sinon des applaudissements et une confirmation de son statut auprès des Français.

Mais l’analyse du contenu de ses prises de parole, à la Maison Blanche, au Capitole, à l’Université est plus préoccupante encore. Les formules creuses y abondent : il s’agit d’aller plus loin, de continuer à avancer, de construire des ponts pour la paix. Les contradictions y sont légions : le représentant de la France veut faire rayonner le français mais parle en anglais dès qu’il le peut, et truffe ses discours en français d’anglicismes qui trahissent la caste à laquelle il appartient ; il évoque un accroissement de la participation française en Syrie, mais en semblant la concentrer contre »daesh », comme si la rébellion syrienne n’était pas dominée par les islamistes et notamment ceux d’Al Qaïda ; il veut faire de la SNCF un « modèle de gouvernance du rail en Europe ». Ce dernier exemple est révélateur d’un travers national. La France n’a pas su réformer à temps et offre aux yeux du monde entier l’image de ses blocages structurels, mais elle va continuer à se prétendre meilleure que les autres. Elle ne sera plus le modèle du service public étatique, de l’URSS qui a réussi, mais revenant de loin, avec des dettes monstrueuses, elle sera néanmoins meilleure que les autres. Un tel décalage entre la « beauté » de la formule péremptoire et le réel pitoyable est simplement ridicule. Le Paul Reynaud du « nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts » est réincarné.

La déclaration la plus consternante de Macron concerne l’immigration. Elle devrait inquiéter ceux qui ont la naïveté de croire que Macron n’est pas de gauche. A propos de l’islam, il ose dire « notre population ne sait pas comment se comporter avec cette religion », et il ajoute qu’il ne faut pas refuser l’autre. Comme s’il n’est pas nécessaire de refuser l’autre qui vous refuse, alors qu’il s’invite chez vous, et comme si c’était au peuple français d’apprendre à se comporter avec les immigrés plutôt qu’à ceux-ci de s’adapter à la population du pays où ils s’installent ! Mondialiste, eurolâtre, le Président actuel peut cultiver son narcissisme en arrosant tant qu’il veut la vanité nationale. Ni à l’intérieur, ni à l’extérieur, il ne sert réellement le bien commun des Français.

 

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