Sexisme, égalitarisme et petits rapports liberticides

Au détour d’un lien sur internet, on tombe parfois sur des pépites. C’est le cas ici : un aimable lecteur (que je remercie au passage) m’a fait part d’une vidéo youtube mentionnant l’une de ces productions gouvernementale absolument inévitable, indispensable et d’une croustillance de 9.3 sur l’échelle de Schiappa.

Vous ne le saviez sans doute pas, mais il existe en France un « Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes ». Je conviendrai aisément qu’apprendre son existence ne doit guère vous surprendre tant est déjà élevé le nombre de Haut Comité Bidule, Haute Commission Truc, Haut Conseil Machin qui se bousculent derrière le gouvernement pour pondre un rapport annuel, faire parler de lui et, après avoir montré l’aspect indispensable de sa production, récupérer un budget en provenance directe de la poche des citoyens.

Ce Haut Conseil là n’échappe en rien aux pratiques habituelles. Créé en janvier 2013 par un François Hollande en pleine glissade politique vers le néant dans lequel il plongera avec décontraction quatre ans plus tard, ce Haut Conseil se sera empressé de justifier son indispensable existence en pondant depuis lors un nombre conséquent de palpitants rapports dont le résumé succinct mais exact peut être « L’inégalité entre les femmes et les hommes règne de façon insolente. Mais rien n’est perdu : en imposant, interdisant et taxant suffisamment un peu tout le monde, on devrait pouvoir corriger le tir ».

2019 commençait donc avec la certitude qu’on aurait droit à un nouveau rapport. Après les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical, après l’étude du partage du pouvoir entre les femmes et les hommes élus au niveau local, il était plus que temps de faire un grand et bel état des lieux du sexisme en France.

Comme on peut s’y attendre, le rapport – qu’on pourra lire ici – s’empresse donc de définir avec une précision diabolique ce qu’est le sexisme, puis d’en lister copieusement les abominables occurrences partout dans notre vie en France.

Il va de soi qu’une maladie n’est jamais autant trouvée que lorsqu’on la cherche, coûte que coûte et vaille que vaille, partout et tout le temps. Les hypocondriaques de l’inégalité n’ont donc aucun mal à dénicher le sexisme dans la langue française, dans la publicité et le marketing, dans l’Histoire, dans le cinéma et dans l’humour bien évidemment, mais – bizarrement – peinent complètement à évoquer le sexisme parfaitement palpable et bien réel présent dans certains quartiers que la République qualifie sans hésiter de sensibles.

Mais baste, passons. Après tout, les petits et gros rapports que les Conseils et autres Commissions républicaines écrivent pour péniblement justifier leur existence n’ont jamais eu pour but de frôler, même de loin, une quelconque démarche scientifique ou même une simple rigueur d’esprit. Les approximations, auto-citations, références fumeuses et biais grossiers de ce genre de papiers cale-armoire ne peuvent donc être réellement reprochés à un travail qu’on sait pertinemment n’être pas là pour ça.

En réalité, ce rapport n’est pas important pour ce qu’il prétend analyser de cette façon aussi détendue de la rigueur, mais bien pour les recommandations qu’il fait. Bien évidemment, l’analyse étant complètement bidon, les recommandations sont logiquement ridicules. Elles n’en seront pas moins lues et suivies, petit-à-petit, au fur et à mesure que tout l’appareil politico-médiatique s’emparera des questions (artificielles) soulevées avec insistance par les auteurs de ce rapport (et ce, d’autant plus facilement qu’on a maintenant une crécelle officiellement chargée de faire passer le message).

Ce constat n’a rien d’une fantaisie, puisque les dernières décennies ont amplement prouvé qu’en matière de délires sociétaux, les gouvernements qui se sont succédé ont plus souvent joué la surenchère que mis le holà. On peut donc logiquement tabler sur l’application (plus ou moins rapide) de ces joyeuses recommandations dont la teneur libertophage ne fait aucun doute.

Jugez plutôt.

Au-delà d’une flopitude d’enquêtes et de rapports divers que le Haut Conseil entend faire financer avec vos sous, on doit se reprendre à plusieurs fois pour lire certaines recommandations. On découvre ainsi la n°2, qui introduit avec une souplesse remarquable la notion d’acte sexiste pratiqué inconsciemment, la n°3 qui propose des recoupements de données entre ministères, pour mieux serrer le contrevenant en sexisme, la n°11 qui entend calibrer l’humour en mettant enfin un terme aux sales vannes sexistes (grâce à une « grille d’analyse du sexisme dans l’humour », n’est-ce pas), et bien sûr la n°21 qui referme le piège en proposant que toute déviation de l’anti-sexisme officiel soit clairement poursuivie en justice et évidemment sanctionnée.

Et au-delà des simples petites lignes présentes sous chacune de ces recommandations (il y en a 24 tout de même), on n’aura pas de mal à comprendre toute l’ampleur des dérives possibles à partir du moment où on lâchera la bride à ces dangereux idéologues. Sous prétexte d’une lutte contre le sexisme, ces recommandations aboutissent à un constructivisme social effréné où l’Homme n’est plus qu’un accessoire de la Femme, et où il n’est plus par défaut que le coupable pratique de l’une ou l’autre abomination inégalitaire si ce n’est en parole ou en action, au moins en omission ou pire encore, en pensée.

Pour lui, point de salut : ayant jadis eu l’impudence de mettre en place un patriarcat honteux (peu importe qu’il n’existe que dans la tête de ces auteurs autrices malades), il est maintenant temps de les faire payer, financièrement et socialement.

Que voilà une perspective réjouissante, ne trouvez vous pas ?

D’année en année, grâce au travail acharné de ce Haut Conseil et de tant d’autres qui gravitent autour des sphères publiques du pouvoir, le crincrin égalitaire a gagné de toute part. Cette égalité, parfaitement chimérique, illusoire et artificielle, ne s’obtenant ni par les mœurs, ni par les habitudes, ne peut se développer qu’à coups d’interdictions, de lois toujours plus coercitives et pointilleuses, de ponctions financières « incitatives » et de vexations fiscales punitives. Chaque nouvelle égalité de papier s’obtient alors au détriment d’un paquet de libertés, bien réelles.

Petit-à-petit, de Hauts Comités en Hauts Conseils, de rapport en rapport puis de loi en loi, le pays s’englue, se grippe et s’enchaîne définitivement dans l’immobilisme, dans une joie et un bonheur millimétrés et répartis sur tous et chacun à la goutte près.

Forcément, ça va bien se passer.

> H16 anime le blog Hashtable.

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