Présidentielle américaine : l’heure des grandes manœuvres

Alors que Mitt Romney, le favori de la primaire républicaine, engrange les soutiens (ceux-ci ont commencé à affluer au début du mois de mars) avec récemment, celui de Marco Rubio, le plus jeune sénateur des États-Unis, ou encore celui de l’influent représentant Paul Ryan, sans parler des déclarations de l’ancien président George H. W. Bush ou du fils de ce dernier et ancien gouverneur de Floride, Jeb Bush, son challenger Rick Santorum a prévenu : il restera en lice même s’il ne gagne aucun des scrutins organisés par le Grand Old Party ce mardi dans le Wisconsin, le Maryland et le District de Columbia.

Selon des sondages réalisés par Public Policy Polling, le mormon mène par 7 points dans le premier État et par 25 points dans le second. Plus inquiétant pour le catholique qui se targue d’être le seul vrai conservateur de la primaire, les sympathisants du Tea Party dans le Wisconsin et le Maryland sont désormais majoritairement favorables à l’ancien gouverneur du Massachusetts. Et dans le second État, Romney mène de 3 points chez les chrétiens évangéliques born again, présentés par diverses enquêtes comme les plus sceptiques face à sa candidature. Un électorat qui avait assuré la victoire de George W. Bush Jr en 2000 puis en 2004. En fait, Romney a tout intérêt à ce que Barack Obama se prononce pour le “mariage” gay avant les élections de novembre, comme le pressent les lobbies gays et certains de ses conseillers désireux de capter cet électorat, afin de créer un électrochoc chez les évangéliques. A l’effet de coalition suscité à droite, s’ajouteraient des pertes de points au sein de l’électorat noir (massivement démocrate mais très conservateur sur les sujets de société).

Ce dimanche, donc, Santorum a rappelé sur Fox News qu’en 2007-2008, c’est un duel prolongé entre Barack Obama et Hillary Clinton qui avait permis de choisir “le meilleur candidat”. “Nous, nous sommes présentés avec quelqu’un qui n’était pas capable de l’emporter”, a-t-il continué. John McCain appréciera. Selon le vainqueur de la dernière élection primaire républicaine (en Louisiane), “l’Establishment devient nerveux”. Sauf que les soutiens à Romney arrivent de partout, y compris de la droite du parti de l’éléphant. Bien qu’il n’ait pas apporté son soutien au favori, le sénateur du Kentucky et chef de l’opposition à la chambre haute Mitch McConnell a expliqué dimanche sur CNN qu’il était temps pour le Parti républicain et ses membres de se consacrer à la campagne d’automne. L’ancien sénateur de Pennsylvanie qui conserve des chances de l’emporter en Caroline du Nord, en Virginie-Occidentale, dans l’Indiana, dans le Kentucky et, éventuellement, dans le Texas (155 délégués) a expliqué dimanche sur NBC qu’il se retirerait si Romney obtenait 1 144 délégués.

Pendant ce temps, se prépare la plus grosse levée de fonds de tous les temps à droite de l’échiquier. À la manœuvre, les frères Koch (propriétaires de Koch industries, 2e groupe privé non-côté des États-Unis, avec près de 100 milliards de dollars de chiffre d’affaire annuel, basé dans le Kansas), deux libertariens qui pèsent chacun 25 milliards de fortune personnelle selon Forbes (34 milliards selon Bloomberg). Habitués à financer les causes conservatrices, ils sont en train de lever 200 millions de dollars via Americans for Prosperity. Objectif affiché : faire battre Barack Obama. American Crossroads, le Super PAC co-fondé par Karl Rove (le Patrick Buisson de la droite américaine, qui, conseillé par le baptiste Richard Land, a convaincu avec le succès que l’on sait G. W. Bush Jr de centrer sa campagne de 2004 sur les valeurs), a, quant à lui, levé 51 millions de dollars en 2011 et compte dépasser les 240 millions d’ici novembre grâce, notamment, aux généreuses contributions de milliardaires texans. A ces sommes folles, s’ajoutent les levées de fonds réalisées par des centaines de Super PACs et d’organisations conservatrices (pro-vie, pro-armes à feu, pro-famille, anti-taxe, etc) dont 9/10 n’existaient pas il y a 30 ans, ce qui fait dire à certains que, même si Barack Obama l’emportait en 2012, il aurait perdu et serait paralysé par les lobbies de droite. En attendant, les Républicains n’ont pas le choix : en face, la campagne du président sortant et candidat à sa réélection a déjà levé 250 millions de dollars, un montant qui devrait dépasser d’ici novembre les 770 millions récoltés en 2008. Une guerre civile coûte toujours cher au pays dans lequel elle éclate. La guerre civile culturelle ne fait pas exception à cette règle, au contraire.

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