Derrière « La Réponse », l’irrésistible ascension de l’American Family Association

Entre 20 000 et 30 000 personnes dont beaucoup d’hispaniques et de noirs ont participé samedi 6 août à “La Réponse” (site), une journée aconfessionnelle – parrainée par un évêque émérite, Mgr John Yanta, comme par des dizaines de pasteurs de dénominations diverses – de prières, de chants, de louanges et de jeûne pour l’Amérique “en crise” et pour le Président Obama, organisée au Reliant Stadium de Houston. La présence du gouverneur du Texas Rick Perry, candidat très probable mais non déclaré à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle de 2012 et du gouverneur catholique du Kansas Sam Brownback n’est pas passée inaperçue. Des dizaines de milliers d’Américains ont suivi l’événement en direct sur écrans géants dans leurs lieux de culte ou sur Internet. A l’extérieur, plusieurs dizaines de membre des American Atheists ou d’extrémistes anti-homosexuels de la Westboro Baptist Church (“God Hates Fags”) ont manifesté leur hostilité à la tenue de “La Réponse”.

Derrière ce rassemblement, une organisation : l’American Family Association, fondé par Donald Wildmon dont Business Insider écrit en août 2011 qu’il “devrait être mentionné aux côtés de Steve Jobs, quand on parle des plus grands fondateurs de ces quarante dernières années”. Le pasteur méthodiste a choisi l’associatif en fondant la National Federation for Decency en 1977, concentrée sur la lutte contre la pornographie à la télévision. Très vite, l’organisation élargit son champ d’action à la lutte contre l’avortement, les revendications homosexuelles, le laïcisme, la christianophobie, l’islam et l’immigration musulmane ou encore l’imposition excessive des familles – elle a activement promu le Tax Day le 15 avril et participé au Taxed Enough Already Party dans plus de 1 000 villes en 2009. Elle est rebaptisée American Family Association (AFA) en 1988. Sa spécialité : la radio (elle dispose de l’American Family Radio – AFR, un réseau de 180 stations émettant dans 40 Etats) et l’action notamment via Internet. Ses appels au boycott l’ont rendu célèbre : en 1986, elle contraint les 4 500 points de vente 7-eleven à ne plus vendre les magazines de charme Penthouse et Playboy. A partir de 1997 et pendant neuf années, l’AFA appellera ses sympathisants à boycotter Disney qu’elle accuse de soutenir les revendications homosexuelles. En 2005, elle lance l’opération boycottford.com – plus de 2,2 millions de personnes touchées par la campagne en ligne – suite à la présence de publicités pour Jaguar et Land Rover dans des publications gaies. Selon The New York Times, le constructeur automobile s’est depuis engagé à ne plus annoncer dans ce type de journaux. “Ils ont entendu nos inquiétudes. Ils ont agit pour les calmer”, commentera sobrement Wildmon. En 2008, l’AFA appelle au boycott de McDonald’s qui a rejoint la National Gay and Lesbian Chamber of Commerce. La chaîne de restauration rapide prend peur, la quitte rapidement et promet dans la foulée de “rester neutre sur la question du “mariage” homosexuel et sur les revendications homosexuelles telles que définies par l’American Family Association” ! La même année, l’AFA forcera Heinz a cesser la diffusion d’un spot TV diffusé au Royaume-Uni qui montrait deux hommes s’embrassant sur la bouche après avoir invité par courriel ses 3,5 millions de sympathisants à mettre la pression sur l’entreprise. A cette occasion, Wayne Besen, le directeur exécutif de l’organisation homosexuelle The Truth Wins Out, expliquera sur MediaGuardian.co.uk que l’AFA est “un groupe de pression très puissant. Ils sont l’un des meilleurs groupes de la droite religieuse en Amérique.” Depuis 2010, l’AFA appelle à boycotter la chaîne The Home Depot qu’elle surnomme “The Homosexual Depot” en raison de son soutien affiché à des organisations favorables au “mariage” homosexuel, lui demandant de “rester neutre dans la guerre culturelle”. Fédérer pour peser, c’est l’objectif de l’AFA qui a lancé les ambitieux projets OneMillionMoms.com et OneMillionDads.com. L’organisation aujourd’hui présidée par Tim Wildmon, le fils de Donald, édite par ailleurs l’AFA Journal, un mensuel qui tire à 170 000 exemplaires et qui donne aux familles un point de vue traditionnel sur les programmes télévisés et rend public leurs annonceurs pour qu’elle (ré)agissent en connaissance de cause. L’AFA édite aussi, via l’AFR, un site d’information en continu, OneNewsNow.com. Elle propose également un logiciel de contrôle parental de la navigation sur Internet qui permet de limiter dans le temps les connexions de vos enfants et de bloquer l’accès aux sites pornos de votre domicile. Il est même possible de choisir de ne pas pouvoir le désactiver soi-même pour lutter plus facilement contre les tentations ! L’AFA répertorie aussi les votes importants des représentants et des sénateurs ce qui lui permet de les noter et d’aider les Américains conservateurs à choisir LE bon candidat aux prochaines élections. Enfin, elle produit des films et cherche des acteurs et figurants pour leur réalisation. Avis aux amateurs !

Basée à Tupelo, dans le Mississippi, l’AFA ne connaît pas la crise : elle a déclaré 19 millions de dollars de dons en 2010 contre 14 millions cinq ans plus tôt. Le rassemblement avec le gouverneur Rick Perry lui aurait coûté 1 million de dollars. En 2008, elle a donné 500 000 dollars aux défenseurs de la Proposition 8 en Californie. Le Southern Poverty Law Center (une sorte de gigantesque ProChoix américain, marqué à gauche) a classé l’AFA parmi les groupes prônant la haine.

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