Abolissons ce monstre fiscal !

Par Véronique de Rugy*. Article publié initialement par American.com et traduit de l’anglais par Le Bulletin d’Amérique avec l’aimable autorisation de l’auteur.

« C’est un monstre », a dit Charles Rangel – alors à la tête de la fameuse commission fiscale Ways and Means de la Chambre des Représentants, – sur l’Alternative Minimum Tax. Le Congrès a créé cette dernière, ou AMT, en 1969 afin de prévenir 155 riches contribuables d’utiliser des déductions et des crédits d’impôts pour éviter de payer le moindre impôt fédéral sur le revenu.

Voici comment cela fonctionne. Les contribuables assujettis à l’AMT doivent calculer deux fois le montant de leur impôt à payer : une fois conformément aux règles d’impôt sur le revenu, et de nouveau selon les règles de l’AMT. Si la somme calculée en vertu de l’AMT se révèle être plus élevée, les contribuables paient la différence comme un surplus à l’impôt ordinaire. La différence versée correspond ainsi à l’AMT.

Lorsque l’impôt sur le revenu ordinaire a été indexé à l’inflation en 1981, le Congrès a, de fait, échoué à indexer l’AMT. Ainsi, le champ d’application de l’AMT s’est élargi au fil du temps jusqu’à frapper les gens à revenu intermédiaires – pour lesquels l’impôt n’a jamais été destiné. Par conséquent, l’AMT touche une part croissante de la population, et la situation pourrait empirer.

Ce graphique montre le nombre de contribuables assujettis à l’AMT depuis que cette taxe a été mise en œuvre. Selon le Congressional Budget Office, durant la dernière « saison » de collecte des impôts, 4,5 millions de contribuables ont été affectés par cet ‘‘impôt minimum de remplacement’’, soit une augmentation de plus de 4 millions de contribuables depuis 1970.

Jusqu’en 2000, moins de 1% des contribuables ont payé l’AMT sur une année donnée ; en 2008, 3% des contribuables ont été assujettis à l’AMT. Et ses coûts de perception dépassent de loin les montants que doivent acquitter les contribuables.

Au reste, l’AMT interdit certains allégements fiscaux, et en particulier les déductions fiscales effectuées au niveau local ou des États fédérés ainsi que tout ce qui relève de l’exemption personnelle. Ainsi, l’AMT frappe certains contribuables plus que d’autres. Les couples mariés avec enfants et les contribuables des États à forte fiscalité, par exemple, sont disproportionnellement touchés par la taxe.

Et c’est pourquoi des Démocrates tels que Rangel sont tellement en colère à propos de l’AMT. Environ la moitié des gens qui ont payé l’impôt ces dernières années vivent dans un des quatre États suivants : Californie, Massachusetts, New Jersey et New York. Ces derniers représentent près d’un quart de la population de la nation. Cette taxe frappe ainsi durement les États contrôlés par les Démocrates.

Pour ajouter l’insulte à l’injure, les contribuables doivent également faire face à ce qu’on appelle la « dérive réelle ». Cette dérive fiscale se produit lorsque les contribuables obtiennent une augmentation de salaire, ou d’autres revenus qui les déplacent dans une nouvelle tranche d’imposition et les soumettent à l’AMT. Par exemple, puisque l’AMT n’est pas indexée sur l’inflation, la croissance du revenu, – qui, en raison de l’inflation, n’est pas nécessairement accompagnée d’une augmentation du niveau de vie, – tend à accroître la sensibilité à l’AMT plus que celle à l’impôt régulier. Ce phénomène est particulièrement pernicieux dans les endroits avec un coût de la vie élevé. C’est le cas de la ville de New York, où certains employeurs offrent des salaires généreux pour compenser les loyers exorbitants et les autres coûts liés à la ville. Et puisque l’indice d’inflation utilisé ne prend pas en compte ces coûts localisés : plus les gens gagnent pour compenser un coût de la vie élevé, plus ils sont susceptibles d’être touchés par l’AMT !

Les législateurs ont abordé les problèmes créés par ce véritable « monstre » fiscal à travers une série d’ajustements à court-terme des seuils de revenus, communément appelés patches aux États-Unis. Le plus récent de ces correctifs est venu du Congrès à la mi-décembre de l’année dernière, et a laissé les comptables et l’Internal Revenue Service (IRS, organisme chargé de la collecte de l’impôt) dans un état de fébrilité pour effectuer ces changements. Sans le patch, le nombre de contribuables soumis à l’AMT serait passé de 4,5 millions en 2009 à 27 millions en 2010 ! Un tel changement aurait affecté un contribuable américain sur six…

Pour abroger l’AMT, il faudrait que le législateur anticipe la réduction concomittante des recettes fiscales. En vérité, les membres du Congrès n’ont jamais opté pour ce type de solution par le passé. Idéalement, il faudrait que le problème de l’AMT soit abordé dans un contexte de réforme fiscale profonde, avec par exemple comme perspective l’adoption d’une flat tax. Plus probablement néanmoins, le législateur risque de tout simplement continuer à procéder à un exercice coutummier de rapiéçage chaque année, qui ne puisse pas résoudre le problème.

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* Véronique de Rugy est analyste au Mercatus Center. Elle a travaillé à l’American Enterprise Institute (2004-2007) et au CATO Institute (2001-2004). Elle est Docteur en économie de La Sorbonne.

Cette page est produite par l’Institut Coppet et le Bulletin d’Amérique.

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